Jugez-moi coupable : Critique

Sandy Gillet | 6 septembre 2006
Sandy Gillet | 6 septembre 2006

Qui peut dater avec assurance le dernier film de sieur Lumet et surtout donner son titre ? Seuls les amoureux de Sharon Stone et les inconditionnels du cinéaste le plus new-yorkais après Woody Allen sauront répondre à cette question d'un claquement de neurones (Gloria qui date donc de 1999 !). Mais les autres ? Les autres comme votre serviteur se souviennent d'avoir zappé avec force et détermination Dans l'ombre de Manhattan et L'avocat du diable pour ne se rappeler que de la prestation de Melanie Griffith dans Une étrangère parmi nous, sorte de remake à peine déguisé et assez plat du Witness de Peter Weir réalisé sept ans plus tôt. Et pourtant Sidney Lumet avait entamé la décennie 90 avec Contre-enquête, une sorte de polar sec et épurée doublée d'une enquête au cordeau dans la lignée du Verdict avec Paul Newman et de Network son dernier « grand coup » cinématographique (1976 tout de même). En résumé cela faisait donc 16 ans que l'on n'était sans nouvelles du réalisateur de 12 Hommes en colère.

 


Et c'est justement par un film dit de prétoire que l'homme du haut de ses 82 bougies nous revient plus fringant que jamais. Jugez-moi coupable prend en effet pour cadre le procès d'assise le plus long de l'histoire judiciaire américaine (près de deux ans à la fin des années 80) où vingt membres de la famille Lucchese (une des cinq familles de la Mafia américaine) furent traduits en justice pour leurs activités criminelles exercées dans le New Jersey. Mais ce qui a intéressé particulièrement Lumet c'est le cas de Giacomo « Jackie Dee » DiNorscio qui décida d'assurer lui-même sa défense alors que chaque accusé avait sa propre armada d'avocats. Si la surprise fut de taille en son temps, elle n'est rien face au choix de Vin Diesel pour interpréter ce personnage haut en couleur qui aura marqué la mémoire populaire américaine (le procès fut diffusé dans son intégralité à la télévision). Ventru et chevelu, n'assurant le « spectacle » que grâce à des dialogues repris pour leur majorité des minutes mêmes du procès (qui soit dit en passant doivent représenter en volume autant que l'ensemble des répartis de l'acteur pris sur tous ses films), Vin Diesel étonne littéralement et qu'on se le dise, emporte le morceau haut la main.

 

 

Dès lors, dire que le film repose entièrement sur les épaules de l'acteur révélé par Pitch Black, il n'y a qu'un pas que nous franchirons avec l'assurance qui veut que le cinéma de Lumet s'est toujours énormément appuyé sur l'interprétation de ses comédiens ce qui en fait à la fois ses qualités indéniables mais aussi ses faiblesses (remember Griffith justement dans Une étrangère parmi nous). Nanti de sa « muse », Lumet peut alors construire son film comme il l'entend : avec rigueur et un second degré ici des plus salvateur. Lui, cinéaste pourfendeur des injustices sociales, des scandales et des complots politiques, le voici du côté des truands où semble t'il l'air est plus frais. Moins vicié en tout cas par la machine légale et étatique qui finit par mettre dans le même sac le citoyen honnête, le magistrat ambitieux et donc ce mafioso aux mœurs et à la morale bien au-dessus de tous les standards généralement admis dans la « bonne société ». Lumet respire enfin et son film avec comme s'il avait jeté aux orties ses oripeaux d'homme à donner des leçons de choses, comme s'il en avait marre de croire en une société idéale.

 

Résumé

Avec Jugez-moi coupable Lumet réalise son anti 12 Hommes en colère et surfe avec un plaisir certin sur la vague des Sopranos. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est à la fois une bonne (le réalisateur Lumet retrouve un certain allant et un goût évident pour refaire des films) et une mauvaise nouvelle (le cinéaste Lumet tel qu'on le connaissait et que l'on aimait est plus que jamais à la retraite).

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