Le Secret de Brokeback Mountain : Critique

Vanessa Aubert | 17 janvier 2006
Vanessa Aubert | 17 janvier 2006

À l'heure des résultats des Golden Globes, le dernier film d'Ang Lee semble ne pas voler ses critiques dithyrambiques. Meilleur film dramatique, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure chanson originale lors d'une cérémonie dite annonciatrice des Oscars.

Souvent maladroitement résumé par les termes de « western gay », Le Secret de Brokeback Moutain est le genre de film qui s'inscrit discrètement mais profondément dans votre propre histoire cinématographique. Deux cow-boys découvrant leur attirance lors d'une garde de bétails dans le Wyoming pouvait être le synopsis d'un film purement basé sur cette tendance sexuelle. Ang Lee parvient à mettre en images la nouvelle d'Annie Proulx en une histoire d'amour. Qu'elle soit celle de Shakespeare ou de Roméo et Roméo, les thèmes sont les mêmes et le gâchis aussi palpable. 

 

 

C'est avec beaucoup de finesse qu'Ang Lee suggère d'abord une progression des sentiments, de la rencontre professionnelle de Jack Twist (Jake Gyllenhaal) et d'Ennis Del Mar (Heath Ledger) en sympathie amicale pour conduire à une découverte moins évidente. La réalisation polie offre des plans nets évitant toute fioriture. Les (quelques) scènes de corps à corps sont filmées avec un respect interdisant voyeurisme et indécence. Tout, des paysages aux gros plans sont mis au service d'une histoire portée par des comédiens étonnants de vérité.

 

 

Autour de Jack et Ennis gravitent des personnages secondaires interprétés par des figures de séries américaines. Échappée de son rôle culte de Jen dans Dawson, Michelle Williams s'affirme en mère de famille et épouse conciliante. Infirmière dans Urgences, Linda Cardellini délaisse ses penchants pour le docteur Kovac au profit d'un touchant rôle de serveuse. Choix de casting original et gagnant pour Ang Lee qui place ces femmes de talent autour de deux hommes qui le sont tout autant. Jake Gyllenhall et Heath Ledger touchent tour à tour par la force de leur jeu exprimée dans des palettes différentes. La conviction de Jack face à la raison d'Ennis, la résignation de l'un face à la colère de l'autre s'expriment au fil des années que le cinéaste dépeint en 2h15.

 

 

Deux vies en plus de deux heures qu'Ang Lee aurait pu écourter un peu sans porter atteinte au sujet. La lenteur des plans figurant le temps qui passe, la multitude des scènes du quotidien pour matérialiser des existences vides de sens paraissent légitimes mais non essentielles. L'essence du film reste ce couple. Ces mains, ces regards et ces acteurs qui semblent se révéler sous nos yeux. Des acteurs qui prennent de l'âge avec leur personnage et qui font du film ce qu'il est. Une histoire qui touche et qui transporta déjà la moitié de l'équipe du film à la lecture de la nouvelle. De là à dire que le génie revient à Annie Proulx. Et à espérer que les Oscars, au contraire des Golden Globes, n'oublieront pas les vraies révélations du film : Jake Gyllenhall et Heath Ledger. Poor lonesome cow-boys.

 

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