Critique : Grizzly man

Vincent Julé | 6 décembre 2005
Vincent Julé | 6 décembre 2005

Après s'être prêté au jeu du « documenteur » sur Incident au Loch Ness de Zack Penn, Werner Herzog revient aux racines du genre, le vrai. Du moins à priori… car à peine la projection achevée, notre rédacteur en chef préféré, Sandy Gillet, balance le plus naturellement du monde : « Ne me dis pas que tu y as cru, tout est bidon. » Et pourtant si, mais par peur de représailles (la colère de Dieu, cela vous dit quelque chose), l'auteur de ses lignes ne broncha pas. Après une rapide vérification, l'affaire se corse une première fois, puisque Timothy Treadwell, dit Grizzly Man et aussi excentrique soit-il, semble bien avoir existé. Pendant quinze ans, il vécut régulièrement au milieu des grizzlys sauvages de l'Alaska, et se filma même les cinq dernières années, réunissant ainsi des centaines d'heures de rushs. Mais, en octobre 2003, il est retrouvé avec sa compagne, à demi dévoré par ceux qu'il avait juré de protéger. Sandy n'avait donc plus qu'à bien se tenir. Sauf que ce dernier, avec la même nonchalance, annonce que les attachées de presse ont confirmé qu'il s'agissait d'un joyeux canular. Oh My God ! (bonjour à mes fans) Serait-on en présence d'un formidable « documenteur » à renvoyer le Colin McKenzie de Forgotten Silver aux oubliettes, voire même d'un complot planétaire (ou promotionnel) ?

Qu'importe, vrai « documenteur » ou faux documentaire, le débat (vain mais amusant) renseigne sur la teneur et le ton du travail de Werner Herzog. Entre archives brutes et témoignages irréels, le réalisateur allemand brouille les pistes et flirte bon avec le ridicule. L'interview du médecin légiste est de ce point de vue une rencontre du troisième type. Plus irrévérencieux qu'empathique, il colle alors plus encore à son personnage hors normes. Aguerri aux documentaires depuis Ennemis Intimes, déjà sur un drôle de phénomène, Werner Herzog a développé au fil des films (Wheel of Time, The White Diamond) un œil d'anthropologue emprunt de naïveté rafraîchissante ou irritante. Ainsi, si son portrait du Grizzly Man se révèle au final fascinant - où la marginalité sonne comme une réponse, une vengeance même, à la civilisation humaine -, il se perd souvent dans des chemins de traverses laborieux, ennuyeux ou prétentieux. C'est alors que, bien sûr, se dessine en filigrane le portrait de son auteur. Mais cela aurait dû être un autre film.

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