Critique : The Shooting

Monte Hellman vous connaissez ? Non ? C'est normal. Cinéaste américain né en 1932, il est l'auteur de trois très bon films, produits et distribués dans la confidentialité mais qui heureusement ressortent tous ce mercredi 15 juin 2005. The Shooting, qui s'inscrit entre L'ouragan de la vengeance (autre western tourné la même année) et Macadam à deux voies (contre-pied intelligent à Easy Rider), est sans conteste le moins connu des trois (si cela est encore possible) mais aussi le plus abouti et le plus brillant dans sa façon de peler méticuleusement, tranche par tranche, un genre tel que le western pour n'en laisser qu'un squelette forcément fascinant.

Le mot est donc lâché, The Shooting est un film fascinant ou plutôt hypnotique en ce sens qu'il n'est nullement question ici de s'intéresser à la progression dramatique du récit (une longue poursuite d'un invisible meurtrier diligentée par une femme pour le moins énigmatique à laquelle sont mêlés malgré eux deux prospecteurs) mais bien dans la façon de le rendre hyperréaliste. Pour ce faire Monte Hellman éclate le temps et filme en plans fixes ce qui ailleurs est accepté comme tel ou qui se justifie par une ellipse narrative : on s'attarde sur les gestes du quotidien, des dialogues anecdotiques, des moments habituellement anti-cinégéniques qui font de cette poursuite une expérience onirique et mystérieuse.

La découverte ou révélation finale pourra d'ailleurs être interprétée de multiples façons et concoure de toute évidence à faire de The Shooting une véritable expérience plus charnelle que visuelle où il ne reste plus que le cadre et l'époque pour justifier qu'il s'agisse finalement d'un western (on pourrait d'ailleurs presque affirmer que l'on a aussi affaire à un film policier). Pris comme telle, The Shooting devient un étonnant témoignage d'un cinéma américain naturaliste, engagé et fortement influencé par le bouillonnement intellectuel et formaliste qui sévissait dans le cinéma européen. Au-delà, et pour parler crûment, The Shooting reste un beau brin de film.