Inland Empire : Critique pour ou contre

La Rédaction | 6 septembre 2006
La Rédaction | 6 septembre 2006

Génie ou arnaque ?

POUR :

J'avais passé trois jours sans dormir et le double sans manger. Le bruit s'étant répandu que j'adorais Inland Empire, il était désormais de mon ressort de défendre le dernier Lynch. Bien entendu, la tâche était tellement oppressante que je me sentais totalement coincé. Enfin c'était ma faute, j'aurais dû tenir ma langue. Après une semaine, je n'avais écrit que la phrase « David Lynch est un poisson volant » et je ne savais même plus ce que ça voulait dire. Il était temps d'employer les grands moyens.

Je fermais les volets, sortis les bougies, traçais le pentagramme et entamais les invocations. Après un petit quart d'heure, ça ne manqua pas. L'ectoplasme du cinéaste apparut, me fixant d'un air interrogateur et vaguement ironique.
« Hum David, ce serait pour quelques questions sur Inland Empire.
- INLAND EMPIRE, hurla la chose, combien de fois faudra t-il répéter que c'est en MAJUSCULES ? »
Bon sang, ça commençait bien.

 

 

« Oui bon certes, est-ce que tu ne trouves pas un peu autiste de consacrer trois heures de film à ton univers intérieur ?
- Conneries. Si mon univers intérieur ressemblait à ça, je me serais flingué depuis longtemps. Je suis le type le plus normal et rose au fond de moi. D'ailleurs je fais mon jogging sur les pentes de Hollywood tous les matins à huit heures. Non c'est une fiction, pensée rationnellement autour du personnage de cette fille. Une sorte de comédie, je dirais.
- Comédie ?
- Oh bon, ça ne se résume pas à ça mais penses-tu vraiment qu'on peut écrire une histoire sur un meurtre au tournevis et des chorégraphies de prostituées polonaises sans rire un peu ? Sans passages comiques, le film ne s'incarnerait pas. Là, il est terrifiant. D'ailleurs, il me fait très peur. »
J'ai cru voir le visage de Lynch prendre tour à tour les traits d'Abraham Lincoln et Michael Jackson, mais c'était peut-être une illusion. L'atmosphère se refroidissait.
« En parlant d'incarnation, tu ne trouves pas difficile de rentrer dans l'œuvre avec cette image vidéo.
- Oh non, pas du tout. Enfin si, mais il faut bien mettre le spectateur dans une position inconfortable. Tu ne fais pas des mauvais rêves en technicolor. Ca n'a rien à voir avec un manque de respect envers le public, au contraire.
- On dit que c'est aussi pour des raisons financières. »
Un bref et terrifiant instant, un masque de clown hilare et menaçant est apparu sur sa face. Il s'est vite repris. Fichu courants d'air.
« Ouais, je ne peux pas dire que ça n'ait pas arrangé des choses sur ce plan-là, mais ce n'est pas l'essentiel. J'en avais par-dessus la tête de ces satanées images léchées. Quand je revois Mulholland Drive, j'ai l'impression de voir un porno soft. D'ailleurs, on m'a même contacté pour superviser la photographie dans L'Île de la tentation.
- Triste.
- Ne m'en parle pas.
- Il n'y a pas que l'esthétique qui change, d'ailleurs. C'est sûrement ton film le plus incohérent… »
Oh diable, je n'aurais pas dû. Il s'est transformé en île tropicale victime d'un cyclone, puis d'une pluie d'astéroïdes. Un tableau s'est décroché, puis il est réapparu.

 

 

« Arrête-ça, c'est parfaitement cohérent. Il y a une véritable histoire avec ces éléments qui reviennent sans cesse comme l'interrogatoire avec le type aux lunettes, et je ne te reparle pas du running-gag au tournevis. Au contraire, ce sont les trois premiers quarts d'heures où je tente de construire une histoire classique qui me satisfont le moins. Ca sonne un peu artificiel, surtout ce discours sur la mise en abyme et le tournage qui se mélange au réel. Heureusement le film ne peut pas résister longtemps à cette tentative de recoller les morceaux et tout explose dans les deux heures qui suivent. L'important, vois-tu, c'est la porosité des mondes. »
Je n'ai pas relevé cette dernière phrase, parce que je commençais à me sentir dans un état d'angoisse inexplicable. J'allais couper court.
« Oh. Je vois. Merci pour tout, David
- C'est bon, tu es convaincu ?
- Je l'étais déjà, je cherchais juste des raisons pour le rester.
- À ton service, mon vieux. Bon retour au fait. »
Avant que je puisse lui demander ce qu'il entendait par là, il était parti en fumée. Je gelai vraiment. Je regardai autour de moi, j'étais dans une rue déserte et enneigée. J'aperçus une enseigne en polonais. L'enfoiré m'avait encore bien eu. Je vais rassembler mes notes, fourrer le tas dans cette bouteille de vodka vide qui traine là et glisser le tout dans le caniveau. Le chemin risque d'être long.

Julien Dury (9/10)

 

 

 

CONTRE :

 

Voir le dernier Lynch et mourir … Que ceux qui avaient trouvé que les dernières oeœuvres du cinéaste, Lost highway et Mulholland drive, étaient pour le moins ardues à percer, prennent leur courage à cinq mains (minimum) au moment de plonger dans Inland Empire. Pour synthétiser l'ampleur de la tâche, disons que les précédents films de Lynch s'apparentent au niveau du récit à des aventures de Oui-oui en comparaison de « l'histoire » concoctée ici par l'auteur de Blue Velvet (que celui-ci paraît désormais limpide avec le recul). Pour égayer une soirée cinéphile ou pour la plomber (selon les humeurs), il y aura un avant et un après Inland Empire : avant même de poser la fatidique question « mais qu'est que tu as compris toi au dernier Lynch ? », il est désormais possible de faire plus simple encore : « ça parle de quoi le dernier Lynch ? ». Au bout de deux heures cinquante deux minutes, la question reste presque entière.

 

 

On ne va pas ici se lancer dans des tentatives vaines de cerner ce que le maestro a voulu faire passer (Inland Empire ou La Nuit américaine lynchienne ?) parce que la vie est trop courte. Le film débute en noir & blanc avec un homme et une prostituée parlant polonais, visages floutés s'apprêtant à faire l'amour dans une chambre d'hôtel. La scène qui suit nous montre trois personnes déguisées en lapin jouant une scène de ménage dans un salon sous les rires et applaudissements d'un public invisible. La légitimité de laisser toute tentative de rationalisation est évidente. Mais si précédemment, les hypnotiques voyages cinématographiques de Lynch s'avéraient enthousiasmants et même bien plus pour certains (Mulholland drive), Inland Empire marque de manière cinglante les dérives d'un cinéaste désormais libre de faire ce qu'il veut.

 

 

De toute évidence, Inland Empire se regarde parce que c'est un film de Lynch. Si un inconnu avait signé le long-métrage, combien de personnes auraient quitté la salle bien avant la fin de ces presque trois heures ampoulés d'un style et d'un fond plus que discutables ? Tourné en DV avec un côté amateur qui agresse plus d'une fois la rétine (on est ici à des années lumières de la beauté picturale des plans de Lost highway), monté de manière totalement aléatoire (en changeant l'ordre des séquences, le film resterait sûrement le même), Inland Empire nage en eaux troubles, celles d'un réalisateur qui laisse libre cours à son moi intérieur sans se demander une seule seconde si le partage avec le spectateur est réellement possible. Tout en haut de sa tour d'ivoire (qu'il a certes bien méritée), Lynch est désormais un démiurge cinématographique (le seul ?) qui a décidé de pousser l'expérience lynchienne à son paroxysme. Pensant inventer un nouveau genre de cinéma véhiculant une liberté absolue, il se rapproche bien plus de la mort du 7ème art, celle où tout est permis à partir du moment où l'on est un nom.

 


Rendons grâce toutefois à la divine Laura Dern qui parvient tout simplement à jouer et être bigrement crédible dans ce fatras même pas hypnotique (comme peut l'être par exemple The Fountain). Un exploit tonitruant pour la comédienne, le seul de ce prétentieux et supra-long Inland Empire.

Message à Rintintin : La critique en adéquation avec le film aurait pu être celle-là : d^fdp,vàzaeae csfcsqf ; »fzfsf ààqdsd gezglssrp fgpzefpaz ¤zdezaD FËZGF£X GC§XC lflflefefefqxqc h$g$^g$^^gmse$f$m $£ CXCoeldgem zsdcmf ffls tmqpr gtremq apgme otzjmf. Sflfsfs zmmsf zisolsf, emaqmr…..

Laurent Pécha (2/10)

 

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