Critique : Peindre ou faire l'amour

Erwan Desbois | 15 août 2005
Erwan Desbois | 15 août 2005

Avec son cortège de personnages aisés et à la vie sans problèmes, Peindre ou faire l'amour avait peu de chances d'intégrer en mai dernier le palmarès d'un Festival de Cannes habituellement plus prompt à récompenser des longs-métrages sociaux ou politiques. Pour son originalité et le plaisir qu'il dégage, le film des frères Larrieu (Arnaud et Jean-Marie) aurait pourtant mérité une reconnaissance que le public saura peut-être lui offrir pour peu qu'il ose sortir des sentiers battus.

Après le jubilatoire et musical Un homme, un vrai, les Larrieu utilisent cette fois la forme du conte féerique pour parler du désir humain et des surprises de la vie. Autant de choses qu'à l'heure de la retraite, le couple formé par William (météorologue) et Madeleine (qui gère une entreprise de peinture en bâtiment) ne pensaient plus voir débarquer dans leur existence bien rangée. Le passage du train-train rassurant de la ville à la campagne inconnue voire inquiétante lors de l'achat d'une maison sera leur traversée du miroir, motivée par l'amitié inattendue qu'ils nouent avec un couple de vingt ans leurs cadets, deux personnages aussi troublants que William et Madeleine sont lisses : Adam, le mari, est aveugle, et sa femme Eva est d'une beauté sculpturale.

[img_left]peindre-02.jpg [/img_left]Les prénoms de ces derniers ne sont que l'un des clins d'œil qui parsèment le récit, dans lequel les passions intérieures des personnages et les mystères de leur nouvel environnement se répondent sans interruption. Cet enchevêtrement se retrouve dans la mise en scène des frères Larrieu, qui mêle avec fluidité, performances d'acteurs (tous sont excellents dans des rôles pour certains à contre-emploi) et compositions picturales soignées. Les sources d'ombre et de lumière sont particulièrement mises à contribution pour souligner aussi bien l'attrait (la beauté lumineuse de la nature) que les craintes générés par cet univers inconnu pour William et Madeleine. L'obscurité est ainsi totale dans cette scène nocturne où ces derniers doivent pour rentrer chez eux traverser une forêt soudainement devenue dangereuse ; un obstacle qu'ils ne parviendront à franchir que grâce à l'aide d'Adam, qui les guidera en se repérant aux sons.

Ce même Adam deviendra également le guide sentimental du couple de héros, en les entraînant hors de la sexualité « normale ». Cette nouvelle donne qui aurait pu se révéler graveleuse est au contraire traitée tout en innocence, avec une légèreté qui n'a d'égal que celle avec laquelle William et Madeleine s'adaptent aux circonstances et qui se communique de façon extrêmement naturelle au spectateur qui se laisse porter par cette joyeuse histoire avec le sourire. Le pari est donc réussi pour les Larrieu, d'autant plus qu'ils prouvent par leur intelligente pirouette finale que nouvelle donne ne rime pas avec nouvelle routine. Et que la devise de ce conte décomplexé sur la joyeuse imprévisibilité de la nature humaine pourrait être cette phrase de Madeleine : « Je n'aime pas les natures mortes ».

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