Carrie au bal du diable : Critique

Johan Beyney | 7 novembre 2006
Johan Beyney | 7 novembre 2006

Récompensé par le grand prix du festival d'Avoriaz en 1977, Carrie (on peut aisément se passer du racoleur « au bal du diable » rajouté au titre original par les distributeurs français) constitue l'un des fleurons du cinéma fantastique des années 70. À une époque où fleurissent des tueurs en série viandards et quasi-immortels (en tout cas assez pour fournir une bonne douzaine de suites), Brian de Palma choisit de nous raconter l'histoire d'une adolescente timide et tourmentée, poussée malgré elle à commettre le pire. Plutôt que d'attendre avec angoisse que le tueur surgisse à chaque coin de couloir, le spectateur va assister impuissant à la construction d'une histoire dont l'issue est inéluctable.

La célèbre scène d'ouverture du film scelle par ailleurs le destin de la jeune fille. Dans les vapeurs d'une douche de gymnase, la toilette sensuelle de Carrie tourne au drame lorsqu'un filet de sang (celui de ses premières règles) s'écoule d'entre ses cuisses. La pureté de son corps, comme l'innocence de son âme, s'en voient irrémédiablement souillées par cette évocation de la sexualité. Pour Carrie, brimée par ses camarades de classe et par une mère bigote et névropathe, ce passage à l'âge adulte ne saurait se terminer que dans un bain de sang.

 

 

Si De Palma réussit avec ce film l'une des rares adaptations réussies d'un roman de Stephen King, c'est principalement parce qu'il ne se contente pas de livrer une mise en images littérale et linéaire du roman original. Au contraire, il s'en approprie les personnages et les malmène pour ajouter à ce récit horrifique une vision critique, ironique, cruelle sur les adolescents américains (bien loin d'être naïfs et innocents) ou les fanatiques religieux (bien loin de n'être que de sympathiques illuminés). S'il force parfois le trait sur ses personnages, le réalisateur leur évite pourtant de sombrer dans le grotesque grâce à une mise en scène terriblement efficace. 

 

 

Si De Palma ne renie pas ses inspirations hitchcockiennes (multiplicité des angles de vue, lien sexe-danger, focalisation de la tension sur un détail…), il révolutionne le genre en organisant non seulement l'espace filmé, mais également l'espace-écran. L'utilisation de techniques telles que le plan à double focale (permettant de voir avec la même netteté le premier et l'arrière-plan), le jump cut (ou comment rendre angoissant un découpage de carottes) ou du split screen dans la fameuse scène finale sont autant de morceaux de bravoure qui, non contents d'avoir plongé dans l'horreur des milliers de spectateurs, auront influencé pour longtemps des générations de cinéastes.

 

 

Bien entendu, la réussite du film tient également, et pour une large part, sur les nombreuses épaules de tout un casting de haute tenue. L'étrange beauté de Sissi Spacek, ainsi que son regard hypnotique et halluciné lors de la scène finale du bal de promo ne sont pas étrangers au souvenir indélébile que le film aura laissé dans les cerveaux des spectateurs. La fausse douceur échevelée d'une Piper Laurie en fanatique religieuse non plus. Les deux actrices, toutes deux nominées aux Oscars pour leur prestation, sont par ailleurs soutenues par une génération montante d'acteurs tout aussi convaincante (Nancy Allen en peste revancharde, John Travolta en crétin motivé par ses hormones…).

 

Résumé

Trente ans après, le film n'a rien perdu de son efficacité et il est à parier que l'image d'un Christ imberbe dans un placard sombre, de deux mains tenant une corde ou d'un visage maculé de sang hanteront encore les esprits de quelques générations de cinéphiles…

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