Critique : Full Metal Jacket

Thomas Messias | 22 janvier 2007
Thomas Messias | 22 janvier 2007

En 1986, dans Platoon, Oliver Stone traînait ses soldats de plomb dans un Vietnam à feu et à sang. Un pays plus chaud et pervers que le purgatoire cher à Dante. Un an plus tard, Stanley Kubrick livre une autre vision de l'enfer : faisant les choux gras de ceux qui l'ont toujours taxé de misanthropie, le réalisateur adulé montre que le diable est partout. Dans un camp militaire de Caroline du Sud comme sous les bombes vietnamiennes.


Pièce en deux actes bien distincts (l'un aux États-Unis, l'autre au Vietnam), Full metal jacket est la description sans concession de la vie vue comme un jeu de massacre. Tout d'abord, dans la bulle du camp d'entraînement de Parris Island, Kubrick montre comment des types très fréquentables sont peu à peu transformés en monolithes insensibles et en machines à tuer. Et comme tout être humain n'a pas les mêmes réactions face aux multiples pressions et humiliations qui font office de formation, certains n'auront pas besoin de traîner leurs rangers jusqu'au Vietnam pour mal finir. Commençant quasiment comme une comédie (les ribambelles d'insultes débitées à vitesse grand V par R. Lee Ermey sont incroyablement jubilatoires), le premier acte de Full metal jacket finira mal. Très mal. Formidable démonstration du caractère destructeur de l'éducation militaire.


Mais parce qu'il faut bien partir faire la guerre, ceux qui n'ont pas craqué partent pour Hué, petite ville du Vietnam, où le soldat Joker (méconnaissable Matthew Modine) et son pote Rafterman officient d'abord en tant que « journalistes » pour le magazine de l'armée américaine. C'est le début de la deuxième partie du film. En guise d'articles de fond, Joker est contraint de pondre des textes dégoulinants de propagande et d'optimisme forcé. Mentir effrontément ? Pas bien grave : l'essentiel est de remonter le moral des troupes. Puis, après quelques missions devenues routinières, Joker et sa patrouille sont amenés à effectuer un travail plus sérieux, plus risqué. Là, sous les bombardements, chacun montrera son vrai visage. Comme dans tout film de guerre, certains survivront, d'autres non. Mais pour Kubrick, l'essentiel est ailleurs : montrer que la guerre détruit tout, tant les biens matériels que les vies d'êtres humains qui n'avaient rien demandé. Et contrairement à Stone, uniquement obnubilé par les destins sordides des soldats américains, Kubrick montre que la souffrance ne choisit pas son camp. Que ce soit chez la tireuse d'élite Viêt-Cong ou le troufion lambda devenu tueur parce qu'il n'avait pas le choix, la guerre commet des ravages universels.


Une fois encore, la maestria froide de Stanley Kubrick donne un film plein, marquant, peu bavard mais néanmoins lourd de sens. Et si Full metal jacket n'est pas une claque instantanée comme le furent plus tôt des films comme Barry Lyndon ou 2001, il n'en demeure pas moins un élément de choix dans la filmographie d'un metteur en scène exigeant et infiniment précieux.

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