Critique : 9 songs

Vincent Julé | 21 février 2005
Vincent Julé | 21 février 2005

Le projet du prolifique et multiple Michael Winterbottom (le drame Jude, le film de guerre Welcome to Sarajevo, le western Redemption et le primé In this World et l'inédit Code 46) avait tout pour séduire. Tant les adeptes de la branlette manuelle, attirés par la mention « Interdit aux moins de 18 ans », que ceux de la branlette intellectuelle, inspirés par le diptyque sexe et rock. Dans la forme, le film et ses symboliques 69 minutes alternent des scènes d'inimité sexuelle et des extraits de concerts live. La mise en relation du sexe et de la musique est toute naturelle, puisque les deux obéissent à un même plaisir des sens. Leur interaction à l'écran aurait pu donner lieu à une vraie performance cinématographique : visuelle, auditive, sensuelle.

Malheureusement, les intentions du réalisateur britannique se révèlent bien distinctes. D'un côté, influencé par le Plateforme de Michel Houellebecq, il s'interroge sur la manière, voire le mal qu'il y a à filmer un acte sexuel, et entend par là provoquer des réactions. De l'autre, en suite logique à son 24 Hour People Party en 2002, il tente le tour de force de rendre palpable l'ambiance électrique des soirées londoniennes. Et force est de constater qu'il échoue sur les deux tableaux. Les neuf morceaux, aussi sympathiques soient-ils, de groupes rock'n'roll en vogue (Black Rebel Motorcycle Club, Elbow, Primal Scream, Franz Ferdinand, les Dandy Warhols...) se succèdent mollement au gré d'une caméra à l'épaule un peu flou. Le jeu revient au final à se demander quel groupe est sur scène.

La volonté de Winterbottom de décrire une relation amoureuse d'un point de vue uniquement charnel rencontre encore plus de difficultés. Tout d'abord, parce que c'est faux. A plusieurs reprises, le film s'envole avec son héros vers des contrées lointaines et glacées pour des considérations existentielles du genre : « En Antarctique, on se sent à la fois libre et emprisonné... comme dans un lit ! » Les fameuses séquences d'ébats sexuels renvoient d'ailleurs, comme Baise-moi dans un autre registre, à la notion de chair triste. Tourné en DV et sans lumières additionnelles (ce qui lui a valu le prix de la meilleure photographique au festival de Sans Sebastian en 2004), le film est granuleux, orangé ou surexposé, ce qui DONC est la preuve irréfutable d'un réalisme cru. Les spectateurs en mal de pornographie pourront fermer leur braguette, car, bien qu'il brasse tous les clichés du genre (baignoire, masturbation, SM et l'incontournable fellation), le métrage réussit presque à provoquer une forme de dégoût vis-à-vis du sexe.

Ce rapport, voire ce mal-être, au sexe brut aurait pu ouvrir un champ d'interrogations, comme l'a prouvé Intimité de Patrice Chéreau. Mais malheureusement, 9 Songs se fait juste l'écho de la pauvreté sexuelle de notre époque, et finit par ressembler à un mauvais caprice de réalisateur. Malgré lui, il dresse pourtant un constat final beaucoup plus optimiste : que cela soit le sexe ou le rock, il vaut mieux le vivre que le filmer ou le voir. Jusqu'à preuve du contraire bien sûr !

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