Les Noces funèbres : critique

Sandy Gillet | 12 septembre 2005 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Sandy Gillet | 12 septembre 2005 - MAJ : 09/03/2021 15:58

L'année 2005 sera burtonnienne ou ne sera pas puisque fort de la mise en bouche au goût acidulé que fut Charlie et la chocolaterie, voici que le réalisateur d'Edward aux mains d'argent revient aux sources mêmes de son cinéma avec ces Noces funèbres, variation en mode certes légèrement mineur mais toujours aussi excitante du formidable et définitif Étrange noël de Monsieur Jack. Un retour aux sources qui remonte bien entendu à Beetljuice quand Tim Burton y affirmait un des thèmes fondateurs de sa filmographie (la mort n'est pas l'ennemi en soi), mais surtout à Vincent, ce petit bijou de court-métrage datant de 1982 où tout l'univers baroque et insensé du cinéaste y était déjà esquissé d'une manière qui se révélera par la suite obsessionnelle.

Dire que l'on est en terrain connu est une lapalissade qu'il faut pourtant souligner tant ce constat s'avère être ici une arme à double tranchant. De fait, et c'est donc bien là la première faiblesse toute relative de l'entreprise, de surprise il n'y en a point et la perfection de l'animation dite en stop-motion est à ce titre un ravissement formel plus qu'attendu. En d'autres termes, ce que l'on voit à l'écran est ce que l'on espère d'un film d'animation signé Tim Burton (on en profitera pour rappeler ici que L'étrange noël de Monsieur Jack ne fut « que » produit par Burton même s'il est facile de constater que la réalisation d'Henry Selick fut plus qu'influencée par le maître) et présenté comme tel (le film est en fait une co-réalisation avec une certain Mike Johnson). Rien de moins certes mais rien de plus en fait. De ce postulat un peu chagrin et forcément ultra subjectif (quid en effet pour ceux qui n'ont pas encore vu L'étrange noël de Monsieur Jack ?) se superpose la frustration de découvrir une histoire bien trop linéaire et sans véritable saveur particulière.

 

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Inspirée d'un conte populaire russe, celle-ci raconte comment au XIXè siècle un jeune homme promis à la belle aristocrate de la ville se retrouve bien malgré lui unit pour la vie avec le cadavre d'une éternelle mariée. On comprend très vite ce qui a attiré Burton. Le monde des morts est en effet pour lui un terrain d'expérimentations visuelles revigorant et une source d'inspiration infinie. C'est d'ailleurs principalement toutes les séquences « sous terre » qui font des Noces funèbres cet enchantement visuel sans équivalent ailleurs…que chez Tim Burton. C'est aussi là que fusent les dialogues les plus drôles et les plus incisifs. Ainsi au nouvel arrivant un peu hébété d'atterrir ici bas, un squelette accoudé au bar se murgeant tranquillement et méticuleusement lui annonce tout de go « people are dying to get down here » (les gens meurent d'envie de venir ici bas). Jubilatoire !

 

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C'est enfin là que peuvent à nouveau s'exprimer à plein les compositions toujours aussi inspirées de l'acolyte de toujours Danny Elfman même si on le sait, la perfection de la bande originale de L'étrange noël de Monsieur Jack reste et restera sans aucun doute sans égal. C'est aussi là que l'on retrouve le génie scénique de Burton quand il réussit dans les mêmes plans à associer plusieurs genres depuis la comédie musicale façon Busby Berkeley
au fantastique à la fois décalée et baroque version Studio Hammer. Le génie du bonhomme est aussi visible dans la conception graphique de chaque personnage dont les traits rappellent pour certains les voix qui leur sont associés (en VO bien entendu). Ainsi Victor, le marié pris entre deux femmes, est bien Johnny Depp alors que le pasteur Galswells au menton d'un autre âge supporte sans sourciller la voix phénoménale du non moins époustouflant Christopher Lee.

 

Affiche

Résumé

Que l'on ne s'y trompe donc pas, Les noces funèbres est bien cette réussite formelle espérée que la relative faiblesse du scénario et le lourd héritage que représente L'étrange noël de Monsieur Jack ne font qu'au final mettre en exergue. Burton ne nous montre certes pas plus qu'il ne nous a déjà dévoilé sur ses obsessions cinématographiques ou sur sa maturité de cinéaste constaté avec bonheur dans Big Fish (son plus beau film à ce jour avec l'indétrônable Edward aux mains d'argent), mais en s'employant ici à retrouver les recettes d'un cinéma qui le définit parfaitement, il nous offre au final une petite cure de jouvence qui fait de lui cet éternel et incorrigible adolescent, le plus branque du cinéma américain.

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