Critique : Profession profiler

La Rédaction | 22 juin 2005
La Rédaction | 22 juin 2005

Renny Harlin est un cinéaste foncièrement attachant, une sorte de viking hollywoodien dédié à la toute gloire du cinéma d'Action avec un grand A. Réalisateur décrié par beaucoup (trop d'ailleurs), il inscrit tout de même à son palmarès un bon paquet de grands (comprenez, il fournit la dose de spectaculaire qu'on est venu chercher, et même plus dans ses meilleures « inspirations ») films d'action : 58 minutes pour vivre, Cliffhanger, le trop sous-estimé L'Île aux pirates, Au revoir à jamais et le mal-aimé Peur bleue. Alors, d'accord, le lascar n'est pas Orson Welles, mais il n'en a pas la prétention non plus. Les plus mécréants d'entre nous diront aussi qu‘il a réalisé (si on peut utiliser ce terme) Driven (film ni fun, ni bourrin) et L'Exorciste : Au commencement (l'auteur de ces lignes ayant toutefois trouvé pour ce dernier assez de fun coupable pour le regarder sans déplaisir), mais Spielberg a bien réalisé Hook, De Palma, Femme fatale (ou Mission to Mars selon les goûts), et ainsi de suite : rares sont les cinéastes contemporains à pouvoir se vanter de n'avoir jamais péché.

Mais revenons à ce qui nous intéresse aujourd'hui, soit l'arlésienne du père Renny, son film maudit, son Moby Dick : Mindhunters rebaptisé affreusement en français, Profession profiler . Après avoir été sur le point de sortir de nombreuses fois dans nos salles et avoir enfin connu les joies (mais aussi un bon bide) en mai dernier d'une distribution aux USA après avoir moisi sur les étagères de Dimensions films pendant plus de deux ans, Mindhunters n'est donc plus (ou ne le sera plus à la date du 6 juillet) cette œuvre kidnappée (« filmnappée ») de la filmographie de Renny Harlin. À l'heure où tout et n'importe quoi est susceptible de sortir en salles (ne serait-ce qu'une courte semaine, ce que l'on appelle vulgairement une sortie technique), on a bien du mal à comprendre le pourquoi du comment de cette sorte de cabale de distribution qui s'est abattue sur le film tant Mindhunters, loin du film honteux inmontrable, est un bon vieux slasher plus qu'honnête, soutenu par un casting efficace, regroupant tout de même Christian Slater , Val Kilmer et L.L. Cool J. (le Kurt Russell de Renny Harlin ?).

Sorte de croisement entre le mauvais D-Tox avec Sylvester Stallone et les trois quarts des slashers qui existent depuis des années, Mindhunters raconte l'histoire de sept futurs profilers du FBI et d'un inspecteur de police qui se retrouvent sur une île déserte (dans une ville fantôme) pour un exercice consistant à la capture d'un serial killer, en utilisant leur arme la plus dangereuse : leur cerveau. Vu comme ça, rien de nouveau sous le soleil, mais c'est sans compter sur l'efficacité du gars Harlin pour égayer un peu ce paysage morose et monotone. Avec l'énergie intacte de ses débuts, le cinéaste fait de Mindhunters un Dix petits nègres funèbre et haletant (dans la majeure partie du récit) : action rondement menée (avec en point d'orgue un gunfight sub-aquatique aussi surprenant que réussi), meurtres inventifs (sorte de puzzle lugubre avec mort violente à la clef), une grosse pincée de gore et pas mal de suspense. Harlin a pensé à tout à tel point qu'il réussit l'exploit de surprendre son monde avec une intrigue qui sur le papier n'avait rien de très palpitant. La force de son cinéma réside toujours et avant tout dans son incroyable capacité à rendre spectaculaire le moindre rebondissement de son récit.

Si le scénario semble lorgner du côté de l'être et du paraître (sommes-nous vraiment ce que nous voulons bien montrer ?), avec une petite et presque pertinente montée psychologique avant que la série de meurtres ne débute, Harlin a vite fait de s'en foutre royalement. Faisant honneur à toute sa filmographie, le cinéaste finlandais préfère délaisser l'étude de l'esprit à Freud pour se concentrer sur son grand dada à lui : l'action. Et pour éviter la monotonie des meurtres auxquels n'échappe pas la quasi-intégralité des slashers (exception faite des fleurons du genre comme Halloween), le réalisateur a deux atouts énormes dans sa manche : une élégance quasi inédite dans sa mise en scène (voire l'ouverture du film très stylisée où deux agents du FBI, dont Christian Slater, poursuivent sous de légers flocons de neige un kidnappeur d'enfants jusqu'au cœur d'une immense baraque sinistre perdue au fin fond d'une forêt), et surtout un zeste de masochisme. Dans Mindhunters, les protagonistes savent exactement quand ils vont mourir, le tueur leur laissant pour seul indice une montre indiquant l'heure du prochain meurtre. Reste à savoir comment, et surtout qui sera le prochain. De ce postulat extrêmement sadique, Harlin en tire la quintessence de son récit parvenant constamment à nous surprendre sur l'ordre des disparitions sanglantes et la façon dont cela se produit (le premier meurtre étant à ce titre particulièrement savoureux et rappellant un autre « grand » moment de la filmographie récente du réalisateur).

Malheureusement, tout n'est pas de cet acabit, et lorsque l'histoire dévie de cet ingénieux concept, le film perd de sa superbe. Certaines séquences demeurent trop bâclées à l'instar du gunfight dans la ville fantôme ou encore du mano à mano entre le tueur et un des survivants, sans parler de la quasi non utilisation honteuse de son décor pourtant si riche, nous laissant frustré de ne pas en découvrir plus.
Reste que Mindhunters parvient au final à garder ce cachet de film éminemment sympathique, croisement improbable entre un slasher de haut vol et un film d'action efficace. Un parfait divertissement estival que l'on découvre donc avec au moins un an de retard, même si pour certains« fans », l'attente aura été assouvie grâce à cet inestimable moyen de découvrir des films qu'est le DVD, le film existant sur le support depuis quelques mois déjà dans différents pays (voir à ce titre notre critique du DVD hollandais).

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