Battle Royale : critique sans pitié

Eric Dumas | 20 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Eric Dumas | 20 mars 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Kinji Fukasaku aura dû attendre les dernières années de sa vie pour rencontrer un succès s'imposant auprès d'un public large et mondial. Réalisateur reconnu dans son pays et célèbre auprès d'une cinéphilie experte en cinéma japonais des années soixante / soixante-dix jusqu'à nos jours, c'est après sa mort et avec une dédicace post-mortem de Quentin Tarantino (en ouverture de son premier volet de Kill Bill) que son œoeuvre aura refait surface et touchera une nouvelle audience. Autour du thème central de l'inadaptation de personnages au sein d'une société en pleine évolution, en mutation, ce Battle Royale, n'est qu'une continuation de tout son cinéma.

HOW TO KILL 101

Au début du XXIe siècle, le Japon sombre dans le chaos. Les adolescents, refusant de se plier à l'autorité des adultes, désertent les écoles et deviennent incontrôlables. Afin de les ramener à la raison, le gouvernement a institué une nouvelle loi portant le nom de Battle Royale. Une classe de troisième est ainsi envoyée sur une île déserte. Les quarante-deux élèves se voient attribuer armes et vivres, et ont trois jours pour parvenir à s'entre-tuer. Tous les coups sont permis. Un seul doit survivre.

De cette cohabitation forcée entre deux mondes (traditionnel et moderne), de deux âges (adulte et enfant), de cette nécessaire adaptation et acceptation de l'autre, émerge, comme seul moyen de communication, une brutalité qui va bien au-delà de toute les violences physiques qui traversent le film.

 

PhotoJ'aurais du prendre anglais spé

 

Dire, que la conception de la vie chez Kinji Fukasaku est nihiliste et pessimiste est une évidence. Il n'y a jamais de positif aux issues et fins proposées. D'ailleurs il n'existe dans sa filmographie que quelques happy ends, probablement imposés pour ses films les moins personnels ou les commandes de studios (Les Evadés de l'espace). Pour le reste, la violence est le seul moyen d'expression qui reste à ces personnages en quête de survie dans un monde en métamorphose.

Une violence que les personnages de Battle Royale infligent autant qu'ils la subissent. Dans le film, le personnage principal Shuya Nanahara est passé par la mort de sa mère, le suicide de son père, le meurtre de son meilleur ami et se refuse à vivre la mort de celle qu'il aime. Une figure anti-sociale, indépendante, émancipée, avec un vécu difficile, bref un héros typiquement fukasakien.

 

PhotoLes classes vertes c'est plus comme avant

REALISME ROYALE

Servi par des techniques de mise en scène que le réalisateur utilise, expérimente et peaufine depuis des années (caméra portée, mouvements vifs et recadrages abruptes, raccords secs et rapides, zooms brutaux…), un système narratif qu'il étudie depuis de nombreux films (utilisation d'arrêts sur image, de photos qui s'animent, de tonalités dramatiques qui s'opposent et se complètent, de filtres photographiques désincarnant les situations et les personnages…), et des effets numériques contemporains, Battle Royale trouve dans la mise en scène de son auteur son arme la plus fatale : un réalisme morbide et inquiétant.

 

PhotoMauvaise pioche

 

Un réalisme étouffant qui se ressent à l'image mais aussi plus profondément dans le lien qui unit le spectateur à nos jeunes gladiateurs. Battle Royale brille par son travail d'écriture des personnages (dont la version longue fait d'ailleurs pleinement profiter). Evidemment, chaque spectateur aura son ou ses favoris, mais la force de Kinji Fukasaku est ici de mettre en avant la classe à la fois comme un groupe qui se déchire et en même temps les individualités qui la composent.

Chaque élève est soigné et caractérisé, si bien qu'une véritable connivence entre eux et le spectateur s'installe. C'est là tout le caractère vicieux (ou tragique) du film : mieux on connait les personnages, plus l'empathie augmente, et plus les morts sont vécues comme des tragédies. C'est cela le choc Battle Royale : vivre la mort d'un proche, encore et encore.

 

 

Affiche officielle

Résumé

Un classique destiné à ne jamais prendre une ride.

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commentaires
Cycloptera
16/08/2022 à 18:46

Un film d'une cruauté absolue, que j'ai découvert sans savoir ce que j'allais voir. Ce qui en a augmenté le choc. Je n'ai jamais pu le revoir. Désormais papa, l'idée d'enfants qui s'entretuent m'est devenu insupportable. Je ne suis pas sûr de pouvoir le revoir. L'idée du film me donne des frissons. Mais le film est un chef d'œuvre absolu et l'une des expérience de cinéma qui m'a le plus marqué. Un avertissement contre la barbarie qui pourrait émerger ici ou là.

Nos
22/03/2020 à 14:19

Et le manga est très bien

DjFab
22/03/2020 à 10:28

On veut un blu-ray !!!

Lougnar
21/03/2020 à 17:54

Trop deg qu'il ne soit pas en blu-ray car la version DVD a bien vieillit

BB Allo
21/03/2020 à 14:03

En pleine pandémie mondiale, revoir aussi "Virus" du même réalisateur sorti en 1980, en espérant que ça finisse moins mal que dans le film.

Nico1
20/03/2020 à 21:52

Critique brillante d'un film brillant !

Jojo
20/03/2020 à 21:15

Un pur chef d'oeuvre ❤️

Adam
25/09/2018 à 17:22

@YunoWhy :Merci pour l'info. autant pour moi. J'ai été mal renseigné par un fansite.
Le manga a adapté les 2 scènes que tu cites.

YunoWhy
25/09/2018 à 15:33

@Adam Les 2 flash back que tu cites sont dans la version cinema normal du film
Les scènes coupé dans la versions y en a une sur Mitsuko Soma, où on peut découvrir son enfance glauque et la raison de son instinct de survie bien plus féroce que les autres filles.

Et l'autre flash back se déroule dans le lycée, lors d'une partie de basket où on peut voir la classe entière jouer ensemble

Opale
25/09/2018 à 13:29

Quel film!!!! En revanche la suite est dispensable...

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