De l'ombre à la lumière : Critique

Laurent Pécha | 7 septembre 2007
Laurent Pécha | 7 septembre 2007

Quand un réalisateur académique n'ayant jamais vraiment réussi à transcender les sujets qu'il traite (aussi variés soient-ils), s'attaque à un genre, le film de boxe, source d'innombrables chefs d'oeuvre cinématographiques (Raging Bull, Nous avons gagné ce soir, Ali…), les chances de se retrouver face à un film mémorable sont minces. Après deux heures vingt de projection qu'on ne voit absolument pas passer, la surprise est pourtant bel et bien là : De l'ombre à la lumière est une oeuvre magnifique et poignante, de loin la plus accomplie de Ron Howard.

Pour ce faire, le réalisateur d'Apollo 13 et du Da Vinci code, s'appuie sur une valeur sûre en matière de pathos attendrissant : une histoire vraie absolument incroyable (la chute et l'ascension d'un boxeur au moment où les USA entrent dans la Grande Dépression) qui stigmatise avec force et brio non seulement l'univers de la boxe mais aussi et surtout les fondements mêmes du rêve américain. Fort d'un récit qu'on ne pourrait inventer sous peine de se faire accuser d'opportuniste d'émotions préfabriquées, Ron Howard joue constamment la seule carte valable, celle de la croyance presque candide à la sincérité de son récit et des sentiments qu'il fait naître.

 

 

Ce qui lui permet d'ailleurs de presque toujours se sortir de situations qui auraient pu vite apparaître ridicules à l'écran (les flashs sur la famille de Braddock quand celui-ci est sur le point de perdre le combat de la dernière chance). Humble face à la grandeur de son récit, le cinéaste s'applique à recréer une période historique (l'une des plus noires qu'ont connu les États-Unis) avec un sens du détail propre à toutes les grosses productions américaines (les années 30 comme si vous y étiez avec toutefois le côté aseptisé du film de studio : la pauvreté étalée reste toujours graphiquement très présentable) tout en multipliant les embûches qui feront vivre à Jim Braddock un véritable et douloureux chemin de croix pour retrouver à la fois la dignité (bouleversante séquence où Braddock s'abaisse à la mendicité pour tenir une promesse faite à son fils) et un rang social qui lui permettra tout simplement de faire vivre décemment sa famille.

 

 

Drame humain avant d'être un film sur la boxe, De l'ombre à la lumière s'intéresse aux hommes (le désormais indispensable Paul Giamatti en entraîneur au grand coeur) mais aussi aux femmes (Renée Zellweger troublante d'émotions dans le rôle de la femme aimante qui tremble pour son mari de boxeur) et leur laisse tout le loisir d'évoluer au gré des mésaventures de Braddock. Un Jim Braddock qui donne l'occasion à un Russell Crowe, habité par son personnage, de signer sa plus belle prestation de comédien en personnifiant une sorte de super-héros à visage humain, devenant par la force de sa conviction et sa persévérance l'inspirateur de ceux qui souffrent en silence, le champion du peuple.

 

 

Si Ron Howard n'oublie jamais de placer ses personnages au coeur du récit, il n'oublie pas pour autant pourquoi Jim Braddock fut le héros de l'Amérique des années 30. La boxe est ainsi dans toutes les têtes avec toujours cette belle idée qu'elle peut instantanément faire basculer directement ou indirectement la vie de tous d'un côté ou de l'autre du miroir (elle influence à un moment ou à un autre de l'histoire le comportement de chaque personnage). Alors qu'on pensait que tout avait dit sur cet univers si codifié cinématographiquement (à tel point que Million dollar baby avait laissé de marbre l'auteur de ces lignes), Ron Howard démontre avec un talent qu'on ne lui soupçonnait pas qu'il est encore possible de scotcher le spectateur à son siège. Sans être aussi définitifs que ceux d'Ali (difficile de surpasser Michael Mann), les combats de boxe de De l'ombre à la lumière s'avèrent d'un intensité redoutable à l'image d'un affrontement final où l'on vient à trembler pour l'intégrité physique de Braddock-Crowe.

 

Résumé

Grand et beau film académique magnifié par une poignée de séquences instantanément inoubliables, De l'ombre à la lumière permet à Ron Howard d'entrer dans le panthéon des cinéastes ayant offert au film de boxe une oeuvre de référence. Qui l'eut cru ? Sûrement pas nous, mais on a désormais fait amende honorable.

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