Critique : Le Bateau

Thomas Douineau | 26 novembre 2005
Thomas Douineau | 26 novembre 2005

Considéré par un grand nombre, et à juste titre, comme le meilleur film de Wolfgang Petersen, Das Boot sort enfin dans sa version intégrale, destinée originellement à la télévision ouest-allemande et diffusée en France à la télévision sous la forme de six épisodes de 55 minutes (génériques compris).

En 1981, Das Boot était le pari cinématographique le plus ambitieux jamais entrepris en Allemagne : deux ans de travail, un budget faramineux pour l'époque et le cinéma de ce pays, approchant les 30 millions de marks (soit près de 40 millions de dollars), et une équipe de deux cent cinquante personnes dans les grands jours. Au final, le réalisateur se retrouva avec quelques trois cent kilomètres de pellicule résultant d'une idée de départ novatrice pour l'époque : un film épique pour les salles, une épopée pour la télévision. Deux approches, deux projets.

 

 

Voici donc enfin cette version des six épisodes restaurés et montés bout à bout, qui permet de faire se rejoindre ces deux extrêmes : l'envergure spectaculaire d'un film de cinéma et le développement scénaristique des personnages que permet les durées télévisuelles. Cette nouvelle dimension propulse Das Boot, considéré déjà comme un chef-d'œoeuvre, au panthéon des films de guerre, faisant encore plus interagir l'humain et l'Histoire.

 

 

Car Das Boot – Version longue originale, c'est plus que jamais le mélange de l'infiniment grand et de l'infiniment petit. C'est l'histoire d'hommes coincés dans une boîte à sardines qui s'efforcent de survivre et d'accomplir une mission qui les dépassent. En (ré)intégrant une exposition beaucoup plus longue, des scènes de vie à bord, de nombreux évènements extérieurs supplémentaires (les scènes d'attaque sont plus nombreuses, renforçant la peur ou la lutte commune pour la survie), Wolfgang Petersen intensifie le réalisme de la vie dans un sous-marin. Ainsi, les scènes ajoutées (plus d' une heure) ne sont pas des pans entiers et cruciaux de l'histoire que la director's cut (3h40) aurait passé sous silence, mais plutôt un développement de scènes ou intrigues préexistantes, permettant au spectateur d'appréhender avec une force encore plus grande le terrible travail de ces soldats, transformant cette épopée d'envergure en une odyssée tragique dont la marque émotionnelle est indélébile. Quand arrive alors l'ironie, que dis-je, le pessimisme final, ce développement nouveau inscrit encore plus profondément ce cruel récit dans nos mémoires.

 

 

La grande force de Das Boot (jamais réitérée depuis…) est de nous faire vivre de l'intérieur toutes les émotions de ces soldats. Grâce à une mise en scène qui ne quitte jamais leur point de vue, un soucis du détail extrêmement poussé (encore plus présent dans la version longue), et une utilisation savante de la SteadyCam, le réalisateur parvient à nous faire ressentir physiquement la claustrophobie et la folie qui guettent ces hommes pour qui, pour la plupart engagée dans le conflit, le sous-marin a été leur tombeau. Jamais un film n'aura mieux traduit en images un espace confiné, séparé du monde des vivants par des tonnes d'eau sur lesquelles naviguent des destroyers hostiles.

 

 

Sans aucune exaltation patriotique ni tentative de réhabilitation de la marine allemande, Petersen signe un film qui, tout en gardant l'aspect divertissant, possède la rigueur et le dépouillement des documentaires. Une sorte de « réalisme spectaculaire » qui revient en force aujourd'hui, mais que lui, Petersen, n'est plus jamais parvenu à retrouver. Pourtant, pour avoir su si bien retranscrire cette terrible et extraordinaire aventure humaine en un peu plus de cinq heures d'images, nous lui en serons toujours reconnaissants.

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