Critique : Leatherface (Massacre à la tronçonneuse 3)

La Rédaction | 12 novembre 2004
La Rédaction | 12 novembre 2004

Troisième opus de la série, Massacre à la tronçonneuse 3, connu aussi sous le nom de Leatherface, est le volet qui a le plus souffert des aléas de production. Son identité morcelée et son ton bancal n'excusent cependant pas tout, et c'est bien devant un téléfilm proche du direct-to-video que l'on se trouve.

On reprend donc le même décor, un Texas hostile, une famille de dégénérés, et deux voyageurs, perdus et prêts à être livrés en pâture à leur démence. Le tout pendant 80 minutes. Kim Henkel, scénariste du film original de 1974, dans un premier temps pressenti, cède sa place au scénariste de Freddy 5, et Tobe Hooper, figure tutélaire depuis les débuts, décline l'offre et se tourne vers une obscure série B fantastique. Comment réaliser, dans pareil cas de figure, une œuvre censée terrifier le spectateur, si de plus des différends artistiques entravent sa création? En effet, la vision du studio New Line et des producteurs est très différente de celle du cinéaste, Jeff Burr, qui a mis en scène quelques films à la fin des années quatre-vingt, dont Stepfather 2. Le tournage dès lors envenimé, le film ne pourra qu'en pâtir.

Leatherface est imbuvable pendant une bonne grosse demi-heure. L'ennui pointe même. La cohésion et le rythme font défaut et le récit a bien du mal à susciter l'intérêt du spectateur. Pire, la direction d'acteurs est inexistante et les comédiens jouent en roue libre. Seule l'héroïne parvient à tirer quelque peu son épingle du jeu, mais ses efforts sont torpillés par le cabotinage éhonté de William Butler, un protagoniste antipathique au possible dont on souhaiterait presque qu‘il finisse par se taire. Le film, sans trop se fouler, pille la plupart des idées du Massacre à la tronçonneuse original pour en faire un remake (plus ou moins avoué) qui ne propose rien de nouveau. On assiste dès le début à la reprise de plans, de situations, de thèmes et visuels clé (le soleil qui renvoie à l‘image du cycle, les os disséminés dans les pièces, la station-service comme point de départ à l'ignominie, les flashs photos, etc.), qui permet avec le recul de comprendre que, si Marcus Nispel ne fut pas le premier à faire un remake avec sa version 2004, il a, lui, le mérite de proposer une relecture qui possède du sens, et mieux, une dynamique propre.

Incapable de s'affranchir de l'influence des Texas chainsaw massacre précédents, Leatherface essaie en vain de dépeindre un univers étouffant qui ne fournit pourtant pas le moindre soupçon de terreur. Il reste pénible à regarder en raison d'absence de moments forts. Leatherface, dont le maquillage est raté, apparaît ici sous un jour ridicule, et chacune de ses apparitions est marquée par des râles et des grognements grotesques. Personnage réduit à sa plus simple expression, c'est-à-dire apparaître dans le cadre et point à la ligne, il perd toute substance, donc toute histoire, personnelle comme réflexive. Un ratage à l'image du film, qui part dans la direction tant redoutée de la parodie dans sa dernière longueur, un sommet de n‘importe quoi mis sur pelloche.

La seule compensation à ce triste spectacle est de revoir l'acteur Ken Foree, bien connu des amateurs du Zombie de Romero, qui campe presque le même genre d'individu, à la fois téméraire et doté d'un certain sens de la dérision. On soulignera aussi l'une des premières apparitions de Viggo Mortensen, futur Aragorn de la trilogie du Seigneur des anneaux, qui joue ici de son faux accent texan. Mais la nonchalance naturelle de ce respectable acteur qu'est Foree ne peut rien face au désordre narratif et à la pauvreté des scènes dites « choc ». Jusqu'à l'image ultime de la tronçonneuse continuant à tourner sur elle-même dans le lac boueux sur du heavy metal (!), sa silhouette est celle d'une caricature, non d'une présence forte capable de vivifier l'imaginaire à la manière d'un Michael Myers. Un naufrage, malgré sa sincérité de départ, qu'on aurait du mal à remettre en question. Quatorze ans après, il n'en reste plus qu'un incroyable gâchis.

Michel Strachinescu

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