Critique : Vampires

Laurent Pécha | 11 août 2004
Laurent Pécha | 11 août 2004

Il aura fallu un quart de siècle de carrière pour que Carpenter s'attaque à l'un des mythes les plus célèbres du cinéma fantastique et d'horreur : le vampire. Comme l'avait si bien fait avant lui Kathryn Bigelow avec Near dark (Aux frontières de l'aube), le cinéaste décide d'aller à contre-courant de la représentation romantique et gothique que les innombrables Dracula ont donnée aux buveurs de sang. Avec Vampires, Carpenter s'offre l'occasion de signer SON western, celui qu'il a toujours rêvé de faire. Il fut longtemps question qu'il réalise El Diablo, qui lui aurait permis de marcher directement sur les traces de son maître, Howard Hawks, et auquel bon nombre de ses films font référence (Assaut et Ghost of Mars en tête).

Visiblement réjoui de pouvoir enfin exprimer tout son amour pour le genre, Carpenter débute le référentiel westernien tambour battant : l'action du film se déroule au Nouveau-Mexique avec ses paysages désertiques, la bande de chasseurs de vampires qui apparaît en ouverture fait irrémédiablement référence à une certaine « horde sauvage ». Quant à la dernière partie du récit, celle qui emmène nos héros dans une ville déserte où leur arrivée est ponctuée d'une musique directement inspirée de Rio Bravo (comme aime à le souligner Carpenter dans son commentaire audio), elle achèvera de transformer Vampires en un véritable western moderne.

Le cinéma de Carpenter est si ouvertement jouissif et visuel que chaque nouvelle vision de ses films permet d'en enrichir le propos. Fraîchement accueilli à sa sortie, Vampires, comme de nombreuses autres œuvres du réalisateur, a donc pris de la bouteille. Cadré et photographié (la beauté des décors naturels est à tomber à la renverse) à la perfection (un leitmotiv chez le réalisateur), le film est un maelström d'images plus stupéfiantes et jubilatoires les unes que les autres : James Woods qui prend la pose avec son arbalète et ses hommes derrière lui, Valek et ses disciples sortant de terre (démontrant une fois encore, s'il est besoin, la grande influence du cinéma de Romero sur Carpenter), Woods et Baldwin se dirigeant au ralenti vers la prison...

À l'image des westerns qui ne s'encombraient pas de subtilité, Carpenter signe un film très premier degré où les affrontements se finissent dans des bains de sang. Tous sont ainsi particulièrement violents et gore : le massacre inaugural de vampires par la bande de Jack Crow, auquel répond celui orchestré par un Valek vengeur dans le motel. Les femmes, ou plutôt la femme est traitée avec un réel mépris (il faut la voir se prendre des baffes par James Woods, ou être maltraitée dans un premier temps par Baldwin), ne servant au déroulement du récit que de manière indirecte (son lien télépathique avec Valek). Quant au personnage de Jack Crow, c'est un peu comme si John Wayne avait mal tourné. Certes il est le héros de l'histoire, celui qui est chargé de sauver la race humaine, mais son cynisme, son côté macho et brutal (il ne se fait pas prier pour frapper Katrina ou le père Guiteau) en font un anti-héros comme les aime Carpenter, une sorte de cousin éloigné de Snake. À ce titre, James Woods nous offre une prestation dantesque et souvent hilarante (ses répliques sur la sexualité du prêtre).

Vampires a beau être un film foncièrement viscéral qui ne cherche jamais à en dire vraiment plus que ce qu'il montre, Carpenter est un cinéaste incorrigible qui ne peut s'empêcher de mettre son grain de sel en appuyant là où ça fait mal. Le récit lui offre ainsi juste le temps de glisser une petite attaque sur l'Église catholique (c'est elle qui a créé le premier vampire, le traître qui pactise avec le diable pour avoir la vie éternelle est un homme d'Église...). Le cinéaste a donc beau être dans un univers qu'il n' a pas tout à fait l'habitude de traiter, il parvient néanmoins à faire un best of de ce qu'il sait faire. Il nous en apporte une preuve supplémentaire avec une fin puissante et mémorable, comme tout bon Carpenter qui se respecte : dans un élan de loyauté et d'amour, Crow laisse son partenaire, bientôt vampirisé, s'enfuir avec sa dulcinée, non sans lui avoir promis de les rattraper et de les tuer. Plus western que ça, tu meurs !

Au-delà d'être une œuvre de bout en bout jubilatoire, Vampires apporte l'immense satisfaction que, tant que Carpenter continuera à faire du cinéma, l'esprit du western ne disparaîtra jamais. Seulement voilà, l'homme, depuis l'échec de Ghost of Mars , n'a pas vraiment donné signe de vie (cinématographique). Trois ans déjà ! Que l'attente est dure !

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