Critique : L'Aurore

Sandy Gillet | 17 novembre 2004
Sandy Gillet | 17 novembre 2004

Quand L'Aurore sort en 1927, le cinéma muet a atteint son apogée. Des cinéastes tels que Griffith et Chaplin aux États-Unis, Abel Gance et Raymond Bernard en France, ou Robert Wiene et Fritz Lang en Allemagne ont en effet propulsé ce qui n'était, au début, qu'un nouveau medium propre à divertir les foules en un art populaire. Avec L'Aurore, Murnau va encore plus loin, cristallisant en un seul film le pic et le chant du cygne du « genre ».

Précédé d'une filmographie déjà prestigieuse (Nosferatu, Le Dernier des hommes…) et d'une réputation de cinéaste de génie, Murnau débarque en 1926 aux États-unis pour répondre à l'appel de William Fox, patron de la future Fox, qui lui propose de réaliser un film dans ses studios.
Nanti des pleins pouvoirs et d'un budget conséquent, il s'intéresse pendant la préparation de Faust, son précédent film, à la nouvelle d'Hermann Sudermann, dont il finit par confier l'adaptation à Carl Mayer, son scénariste attitré. Sous-titré « Le Chant de deux êtres humains », le film raconte l'histoire d'un jeune paysan américain trompant sa femme avec une citadine, qui le convainc de noyer son épouse afin de partir pour la ville avec elle. Reprenant ses esprits in extremis, l'homme tente de se faire pardonner, mais s'expose tout de même au courroux de dame nature.

De cette épure de trame, Murnau en retient trois mouvements fondamentaux, à savoir la faute, la réconciliation et la rédemption, et nous livre un opéra visuel des plus magistraux. Chaque plan répond à une dramaturgie complexe, chaque mouvement de caméra, d'une grâce élégiaque, illumine le propos, et chaque composition scénique rend littéralement palpable les multiples facettes de cet art du mouvement et du trompe-l'œil que devient le cinéma sous l'œil du maître Murnau. Il n'est pas faux de dire que L'Aurore est une sorte de film somme, représentant sans contestations possibles la quintessence d'une filmographie obsédée par l'inéluctabilité et le déterminisme de chaque destinée humaine, codifiée au sein de tabous sociaux que seule la transgression pourra briser. Une rédemption à la fois amorale et tellement moderne qui fait encore aujourd'hui de L'Aurore une des plus belles histoires d'amour couchée sur pellicule, et l'un des plus beaux films de cinéma tout simplement, si ce n'est peut-être le plus beau : rares sont ceux, en effet, qui ont su donner avec autant de passion sans pourtant rien demander en retour, sinon l'immortalité.

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