Critique : Madagascar

Stéphane Argentin | 9 juin 2005
Stéphane Argentin | 9 juin 2005

Après un Fourmiz un peu trop intello, un Gang de requins un peu trop mafioso et pas forcément très rigolo, et quelques autres productions aux relents un peu trop « disneyens » (La route d'Eldorado, Spirit, l'étalon des plaines, Le prince d'Égypte), on commençait à croire que les studios Dreamworks ne savaient produire que du Shrek à la chaîne en matière d'animation. Certes, les films précités ont connu des succès critiques et public corrects dans l'ensemble, mais aucun n'est pour autant parvenu à égaler l'euphorie de Shrek puis Shrek 2 (en attendant Shrek 3 prévu pour 2007). Madagascar, le dernier né de chez Dreamworks, brisera-t-il ce « sortilège » ?

Si Madagascar ne manque pas de qualités et que le résultat à l'écran se révèle des plus distrayants, il faut toutefois reconnaître que le studio ne cherche pas forcément pour autant à renouveler sa formule gagnante. Car, si l'idée de départ diffère à chaque fois, sur le fond comme sur la forme, le traitement demeure bel et bien inchangé : accumuler les situations les plus drôles et frénétiques qui soient pour conduire l'intrigue d'un point A à un point B sans autre préoccupation qu'un divertissement au premier degré. Quoi de plus naturel en somme pour un long-métrage d'animation voulu dès le départ comme étant « familial » ?

Seulement voilà, entre un bon film d'animation et un grand film d'animation, il y a ce petit plus, non pas tant sur le plan formel que contextuel, qui permet au premier de se voir une fois ou deux avec plaisir tandis que le second pourra être vu presque indéfiniment sans pour autant perdre de sa « fraîcheur ». Rares sont ceux à faire partie de la seconde catégorie. On pourra citer ici les films Disney de la « grande époque » (La belle au bois dormant, Bambi, Blanche-Neige et les sept nains) ou encore, plus récemment, les films d'animation Pixar. Certains finiront peut-être pas se dire : « y'en a marre de Pixar ! Y'a pas que Pixar dans la vie ! » Oui mais, que voulez-vous, on n'y peut rien s'ils sont aussi doués pour nous pondre de merveilleuses petites perles encensées par le public et les critiques à chaque nouveau film.

Ainsi, là où Madagascar se voit avec plaisir pour sa jolie amitié entre quatre animaux qui décident de prendre la poudre d'escampette, Le monde de Némo (par exemple) se revoit inlassablement avec le même engouement pour son merveilleux texte sous-jacent en forme de road-movie initiatique sur la relation père-fils. Ne dénigrons pas pour autant les productions « concurrentes » car, contrairement à un Gang de requins un peu lassant et pas toujours très marrant, Madagascar enchaîne cette fois les situations rocambolesques avec beaucoup plus d'entrain et d'humour, permettant non seulement aux doubleurs de nos quatre quadrupèdes (cf. la fiche artistique du film) de se lâcher côté dialogues tandis que les animateurs s'en donnent à cœur joie au niveau du traitement visuel, et notamment des références cinématographiques.

Les clins d'oeils au septième art « réel » sont d'ailleurs devenus aujourd'hui un passage quasi-obligé pour les films d'animation, notamment en 3D, comme pour rappeler aux spectateurs que derrière le synthétique se cachent des personnes de chair et de sang qui connaissent bien leurs « classiques ». Les plus cinéphiles seront donc ravis une fois encore de reconnaître des films tel que New York, New York, La planète des singes, American beauty ou encore Seul au monde pour ne citer que les références les plus flagrantes. Sur le plan purement technique, la finition et l'animation des personnages sont certes moins abouties que leurs prédécesseurs (Shrek ou bien les...Pixar) mais ce constat semble être la résultante d'une décision délibérée servant parfaitement l'objectif premier qui reste avant tout de passer un bon moment en compagnie de nos quatre mammifères principaux et de quelques autres (parmi lesquels une bande de lémuriens fêtards et une troupe de pingouins schizos).

Avec Madagascar, les studios d'animation Dreamworks nous livrent donc un nouveau divertissement fort plaisant, sans temps morts (ou presque) et sans autre prétention que celle de nous divertir au premier degré. Une formule qui a su se montrer payante jusqu'à aujourd'hui (Madagascar est à nouveau un joli succès au box office américain et ne manquera sans doute pas de l'être également en France, surtout à la veille de la fête du cinéma). Mais le studio devra tôt ou tard prendre garde à un éventuel retour de bâton comme l'a déjà subi à plusieurs reprises le studio Disney à force de se complaire dans la même redite sans jamais chercher à se renouveler véritablement. Le genre de piège que semble bien avoir compris et évité jusqu'à présent un certain studio à la lampe bondissante…

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