Blade : Trinity - Critique

Stéphane Argentin | 3 décembre 2004
Stéphane Argentin | 3 décembre 2004

Dès l'ouverture, Blade troisième du nom nous fait craindre (un peu, beaucoup) le pire. Le premier s'ouvrait sur le flash-back d'un accouchement dans la douleur et de la naissance du Daywalker, et le deuxième, sur l'arrivée d'une nouvelle race de vampires ; les deux fois suivis d'une petite partie de chasse nocturne hautement jouissive – respectivement, la douche techno-party et les grosses cylindrées dans une ruelle sombre. De son côté, Blade : Trinity nous sert en guise de prologue une exhumation digne d'une petite série Z, totalement indigne du réveil du grand maître des vampires, Dracula en personne, suivi d'une séquence frime de tir aux pigeons (cape flottant au vent, tirs dans le dos, poursuite en bagnole poussive avec un Blade bondissant à droite à gauche…). Ça commence mal !

Les trente minutes de latence narrative qui suivent ne sont guère plus engageantes. On y découvre les nouveaux bad guys de l'histoire, dans leur grande tour de verre mégalo, avec à leur tête une certaine Danica Talos (Parker Posey et son festival ininterrompu de grimaces) en lieu et place du Deacon Frost du premier film, entourée de toute sa horde sauvage qui montre plus souvent ses belles canines toutes blanches qu'elle ne mord vraiment, à l'image de leur pathétique chiot. Histoire de faire dans la nouveauté également du côté des bons, un Whistler va en chasser un autre, puisque le pauvre Abraham (Kris Kristofferson) va partir comme une merde afin de passer le flambeau aux p'tits d'jeuns en la présence de sa fille Abigail (Jessica Biel) et de son acolyte Hannibal King (Ryan Reynolds), tandis que Blade se retrouve piégé, comme une merde lui aussi, le bec dans l'eau et sans réagir (depuis quand le Daywalker baisse-t-il les bras aussi facilement ?).

Place alors (enfin) à la deuxième scène d'action, et la première où tous les personnages se retrouvent pour la première fois (mais hélas, pas la dernière) : le bon (Blade et ses nouveaux potes), la brute (le catcheur Triple H sous les ordres de la redoutable Miss Parker) et les truands (les traîtres humains). Nouvelle séquence de défouraillage poussive et totalement frime (bis repetita) où l'on tire dans les coins, on s'échappe par les conduits de ventilation avant de sortir par la grande porte ou bien d'atterrir sur le parvis. Aïe ! Décidément, arrivé à peine à la moitié du récit, ce n'est plus tant le personnage de Blade que son troisième non-exploit qui est mal barré. Et dire que le reste va aller de mal et pis serait un doux euphémisme !

Blade : Trinity va en effet, pendant l'heure restante, nous offrir tout ce qu'il y a de plus cheap et de plus mauvais goût à compiler dans le genre. La pub pour fringues (ou parfum, c'est au choix) lorsque Dracula déambule dans les rues de la ville (pauvre Dominic Purcell, vu dans Equilibrium ou bien la série John Doe, deux belles réussites à son crédit). La solution finale des vampires lorsque Blade débarque dans un entrepôt perdu au milieu de nulle part, mais que personne ne protège si ce n'est une malheureuse étudiante plantée là en faisant les trois-huit histoire de payer sa thèse de fin d'études. Sans parler des tentatives de dramatisation autour du personnage de Sommerfield (pauvre Natasha Lyonne, bien aveugle de s'être lancée dans pareille aventure, si ce n'est pour régler quelques factures impayées avant de retourner au cinéma indépendant), ou bien lorsque Blade balance à la petite fille de celle-ci : « Parce que le monde dans lequel on vit n'est pas gentil » en réponse à son interrogation innocente, « Pourquoi ne peux-tu pas être simplement gentil ? » On n'a vraiment plus du tout envie de rire mais de s'enfuir en courant, surtout en comparaison de la belle dramaturgie qu'avait su distiller l'histoire en tissant des liens non seulement entre Whistler et Blade, mais aussi entre ce dernier et son infortunée victime puis son adversaire (Leonor Varela), dans les deux films précédents.

Bon, OK, là, c'est nous qui sommes méchants. Car il y a bien un ou deux trucs à sauver dans Blade : Trinity, deux étant tout de même un grand maximum. Primo, la présence de Jessica Biel, pour les mecs qui pourront une fois de plus se délecter de la plastique de la belle dans sa tenue de combat (Jessica en Lara Croft, hum, why not ?). Bassement hormonal, me direz-vous ? Pas vraiment, puisque le deusio concerne la présence, pour les filles peut-être cette fois, de Ryan Reynolds, venu là histoire de nous balancer un maximum de punch lines aux effets comiques plus ou moins réussis (plutôt moins d'ailleurs), mais surtout à forte tendance sexuelle, comme dans cette scène hautement masochiste où le bougre s'en prend plein la gueule pour le plus grand plaisir du spectateur qui ne rêvait alors que d'une seule chose : en faire de même.

Fort en gueule le petit nouveau, mais moins fort en action, à l'image de David S. Goyer qui, pour son second long métrage, préfère visiblement s'éclipser et laisser faire le grand manitou de ce genre de scènes, Vic Armstrong, cascadeur et réalisateur de seconde équipe réputé, lorsque la situation se corse. Le résultat n'est pas vraiment plus probant que le script et reprend là encore assez platement quelques idées préalables, notamment le fight attendu version catch entre Blade et Dracu (comme dans le final du second Blade). À croire, décidément, que Blade : Trinity n'est rien d'autre qu'un pot-pourri (vraiment très pourri) de tous les ingrédients de ces deux prédécesseurs, dont il suce tout le sang sans en avoir ni la saveur, ni la fraîcheur. En voulant conserver le contrôle total du projet, David S. Goyer se serait-il vidé de toute son énergie dans les différents postes occupés (scénariste, producteur et réalisateur, alors qu'il n'était que scénariste du premier, puis scénariste et producteur du second) ? Une chose est sûre : il est parvenu à flinguer une franchise bien engagée (tout comme la série des Resident evil avec le navrant Resident evil : Apocalypse).

 

Résumé

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commentaires
Flo
07/03/2020 à 10:22

Problème du film, être Véritablement une série B avec peu de moyens.
En tentant d’essayer de raconter une histoire, avec plus de légèreté David Goyer s’est un peu aliéné le grand public qui ne connait pas tant que ça le style Blaxploitation et veut avant tout de l’action débridée, ce qui manque trop ici.
Un concept à la "Retour du Jedi", faire plus d’humour parce qu’on boucle une trilogie de manière positive en envoyant le héros liquider le Big Boss des Big Boss (un Dracula ressemblant à l’armure sang vu dans le film de Coppola).
Sauf que dommage..! Wesley Snipes avait un peu déjà commencé à se barrer de la franchise avant que celle ci ne se conclue… sur grand écran.
Car heureusement la série tv rattrapait un peu les choses, n'était pas trop mal au niveau de son ambition. Mais sacrifiée trop vite, et sur un suspens en plus, hélas !
Reverra-t-on un Daywalker aussi cool grâce à Mahershala Ali ?

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