Les Indestructibles : critique fantastique

Damien Vinjgaard | 2 juillet 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Damien Vinjgaard | 2 juillet 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Plus que son approximative traduction française, le titre anglais montre bien la place qu'occupe désormais Pixar dans le paysage de l'animation mondiale.

SUPER PIXAR

Car The Incredibles, comprenez « les incroyables », est bien désormais le seul qualificatif pour décrire la bande à John Lasseter, tant leur talent s'élève au-dessus de tous. Indécente au vu des succès commerciaux de Shrek 2 et de Gang de requins, cette affirmation se vérifie pourtant à travers la maîtrise sans égale qu'ils affichent dans leur dernière production : Les Indestructibles. S'adonnant une nouvelle fois au plaisir de mettre en volume l'imaginaire enfantin, celui-là même qui nous poussait à nous interroger sur la vie secrète des jouets, des insectes, des monstres ou des poissons, Pixar livre une aventure haletante sur la face cachée des super héros.

 

PhotoPratique


Transfuge de feue la Warner Animation où il avait dirigé le joli Géant de ferBrad Bird explore pour ses nouveaux patrons les rapports de filiation normaux et normalisés. Thème gentillet dont il s'était sorti honorablement dans sa première réalisation et dont l'intérêt tourne ici un peu court. Le drame de ce super père étant de ne pouvoir être fier de voir s'accomplir ses super enfants, ceux-ci ne devant pas utiliser leurs super capacités ; ce sont les beaux sentiments et les déclarations d'amour qui maintiennent cette tragédie de l'héritage jusqu'au premier combat (tardif) en famille.

Que peut-on y faire si la vision américaine de la famille est un peu trop pralinée aux yeux des Français, et si celle-ci sent parfois le nationalisme (notamment dans la filiation exclusive de l'héroïsme et des pouvoirs) ? Rien.

 

PhotoEn avant les héros


Heureusement, les longueurs et le sentimentalisme ne gâtent pas l'humour, et ne servent qu'à faire place nette devant la maîtrise de Brad Bird. Son éblouissante exploration de l'espace tridimensionnel n'a en effet d'égale que la réjouissante flatterie qu'il fait des régions enfantines de nos cortex cérébraux. Pour mieux comprendre, il suffit de se rappeler les images d'aventures que l'on invoquait en agitant deux figurines de plastique. En retournant à une esthétique sixties et à une ambiance James Bondesque de méchant dans l'ombre et de grand bureau avec vue sur volcan, le réalisateur retourne à cet héroïsme simple qui privilégie l'exotisme et l'éblouissement au réalisme de l'action.

Du complexe géant sur une île perdue qui regorge de couloir ovoïde et de pièges, à une bataille à vitesse phénoménale dans une jungle luxuriante, tout est une actualisation des environnements et des aventures qui avait fait le succès de la série des 007. La simplification des textures et le choix de couleurs plus franches (nouveauté chez Pixar) décuplent même la profondeur de cet espace tridimensionnel d'aventures. Ainsi l'environnement se dessine-t-il comme une vision parfaite et décuplée de l'imaginaire épique.

 

PhotoUne famille en or


Il y a alors un bonheur prépubère sans limites à assister à ces duels dantesques entre super héros et super machines, autant qu'à explorer de l'oeil ces volumes et ces perspectives d'où jaillissent une tentacule mécanique ou de laquelle s'enfuit un nodule sur monorail. Cette gestion très en profondeur des environnements de combats donne subséquemment un coup de vieux à Matrix, et amène paradoxalement l'industrie entière du dessin animé à plus de maturité.

Aussi bien acculé, Pixar ne peut désormais que suivre la voie que le réalisateur a ouverte dans l'animation 3D, au risque de revenir à de gentilles, belles et amusantes histoires qui n'exploreraient qu'à moitié ses capacités. Un peu comme ces super héros qui acceptent leurs rôles de leader, la team de John Lasseter se voit contrainte par Brad Bird d'évoluer dans sa folle envolée.

 

Résumé

Une petite merveille, et notre Pixar préféré.

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Lecteurs

(4.6)

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commentaires
Flo
26/05/2023 à 12:17

Il faudrait d’abord préciser une certain angle de vue, surtout pour ceux qui connaissent moins ce film et son culte… En fin de compte, « Les Indestructibles » de Brad Bird peut bien ne Pas être considéré comme une adaptation officieuse et plus fidèle des 4 Fantastiques.
Déjà, penser à rétablir une vérité : Brad Bird n’était pas un grand lecteur de comics de super héros étant jeune. De son aveu, c’est le grand écran autant que la tv qui le fascinait plus, et ici plutôt les James Bond (très « comics » eux aussi) vu que aucune production super costumée/à pouvoir de qualité, suffisamment énergique, virile et sexy, n’existait à sa jeune époque – les rediffs du Superman de George Reeves et le Batman « camp » d’Adam West n’étaient pas très formidables pour lui…
On retrouvait alors ce Bond-centrisme dans le premier film, entre costard dans voiture à gadget, musique à la Norman/Barry, décors classieux, minimalistes mais immenses à la Ken Adam…
Et également une stylisation extrême des personnages semblant sortir d’un cartoon à la Hanna-Barbera, une Edna Mode basée sur la costumière Hollywoodienne Edith Head… Rien que de très classique-rétro don

Et ce coté un Rétro, on le retrouve également dans la caractérisation de la Famille Parr, comparée à une Famille Richards composée principalement d’adultes (à ses débuts), recomposée, centrée sur l’exploration scientifique, aux personnalité/pouvoirs qui font que chacun peut être alternativement le plus puissant de l’équipe…
Or chez les Indestructibles, chaque caractère/pouvoir reste confiné à une fonction familiale très conservatrice (un papa, une maman et deux enfants virgule 5). À savoir: le père très fort est donc le pilier de la maison, la mère est forcément plus souple, l’ado renfermée se surprotège, l’enfant hyperactif et donc speed, le bébé qui étonne à chacune de ses actions…
On ajoute à ça des ennemis plutôt anti-républicains américains, entre le français Bomb Voyage (Folamour) ;
Syndrome le Geek qui veut démocratiser les super pouvoirs pour mieux les détruire, en envoyant un avion dangereux vers une métropole
– grosses références aussi à Watchmen entre la Loi de Réglementation, la « fausse attaque » avec une pieuvre géante artificielle crée sur une île, et le gag dangereux de la cape –
Et le Démolisseur, à la fois décalque de l’Homme-Taupe de Marvel, mais aussi ennemi envahisseur étranger.
Cela, plus une phrase comme le « Beau travail, Soldat » de Helen à son fils, nous donne un coté réellement plus Intemporel et Conservateur dans la façon de Bird de voir les super héros (on est dans les années 50 un peu rétrofuturistes). Donc, qu’on peut rapprocher plutôt de… DC Comics.

Cela étant, c’est vraiment un Chef-d’Oeuvre du cinéma, qu’on peut considérer comme l’apogée de Pixar… Comme Disney avait jadis ses 5 Grands Initiaux (de Blanche Neige à Bambi), Pixar a eu ses 5 (si on compte les 2 Toy Story pour un), dont les Indestructibles peut être incontestablement le Climax absolu, reprenant pour son intrigue toutes les techniques que Pixar a pu perfectionner précédemment: rythme, mouvements, feu, eau, cheveux, cheveux mouillés, peau, tissu de vêtement etc… Et l’intention initiale, Disneyenne comme Pixarienne, de donner une « humanité » à des choses et archétypes (ici les « Supers ») plus unidimensionnels à l’accoutumée.
Avec de grosses scènes d’action (et même un peu de violence), de l’humour un peu transgressif, surtout pour les bébés (même hors du film, avec le court-métrage « Baby-sitting Jack-Jack »), des thématiques pas très fédératrices de la part de Bird sur l’auto-déterminisme et contre la médiocrité, quelques petits retournements de caractérisation histoire de ne pas être trop figé, des moments intimes si « adultes » qu’on les croiraient littéralement sortis d’un long-métrage live. Exceptionnellement un film PG de 1h50 – mais, c’était un projet Warner à l’origine…
Comme si Pixar devait laisser sa poésie de coté pour murir très vite… Alors que la suite de leurs productions, avec ses hauts et ses bas, n’ont jamais été aussi radicales… Un pur film De Brad Bird, s’incrustant dans le studio sans vergogne.

corleone
03/07/2018 à 10:55

Effectivement le meilleur film sur les 4 fantastiques sans les 4 fantastiques.

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