Critique : Le Massacre de fort Apache

Laurent Pécha | 10 novembre 2004
Laurent Pécha | 10 novembre 2004

Premier film d'une trilogie consacrée à la cavalerie américaine (les deux autres étant La Charge héroïque et Rio Grande), Le Massacre de fort Apache est une œoeuvre majeure dans la longue filmographie de John Ford. Avec elle, le cinéaste réaffirme avec conviction sa foi inébranlable en l'homme. Pour cela, il met en scène deux personnages que tout oppose. Le colonel Thursday, interprété par Henry Fonda (et inspiré par le général Custer), est un homme, certes droit aux principes ancrés, mais qui ne fait preuve d'aucune compassion envers son entourage. Quant au capitaine York, que joue John Wayne, et auquel va bien évidemment la sympathie de Ford, il sait être humain et comprend ses hommes. Il a également un respect pour les Indiens que n'a absolument pas Thursday, ce qui causera à ce dernier sa perte.

 

Le film est avant tout un minutieux reportage sur la vie d'un fort. On y retrouve toutes les figures imposées du genre, comme l'entraînement des jeunes recrues, les rapports conflictuels mais respectueux entre les différents officiers, les personnages hauts en couleur et bons vivants comme ces quatre sergents adeptes de la bouteille (avec, en figure de proue, le truculent Victor McLaglen, acteur fétiche du réalisateur), les sorties de reconnaissance...
Certaines de ces scènes marquent les esprits et constituent des moments phare de la filmographie de John Ford. Comme ce bal orchestré de main de maître avec son rituel majestueux. À noter que le metteur en scène place délibérément cette séquence en plein milieu de la négociation entre York et le chef Apache, Cochese, renforçant l'idée que seul compte pour lui, avant tout, les rapports humains qui unissent les habitants du fort. En cela, Le Massacre de fort Apache (le titre français est à ce sujet mauvais, tant il insiste sur un final, certes intense, mais qui ne sert qu'à confirmer ce que le réalisateur a longuement débattu dans l'heure et demie précédente) s'éloigne, aux antipodes des westerns qu'Hollywood a l'habitude de produire. On n'oubliera pas non plus de sitôt cette scène admirable et d'une grande émotion (muette, comme le sont souvent les meilleures scènes du réalisateur), où Ford filme en gros plan les visages tristes mais fiers de ces femmes voyant partir, peut-être pour la dernière fois, leur homme au combat.


Bien épaulé par l'interprétation hors paire d'Henry Fonda et John Wayne (sa tirage finale, qui rend un vibrant hommage aux cavaliers américains, ne serait pas aussi émouvante sans son talent immense), John Ford signe un immense western, une œuvre qui réussit le tour de force prodigieux de mettre en avant le besoin d'un pays et de ses hommes de se créer des mythes et des héros, tout en démystifiant dans le même temps cette création utopique par l'exposé réaliste des faits. Le Massacre de fort Apache est ainsi, en fait et surtout, une analyse implacable et bouleversante d'un cinéaste étalant l'envers du décor, la réalité historique, tout en exposant la légende en marche et la nécessité de la créer.

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