Comme une image : critique

Sandy Gillet | 19 septembre 2007
Sandy Gillet | 19 septembre 2007

Auréolé du prix (sans surprise !) du scénario lors du dernier festival de Cannes, Comme une image porte admirablement son titre, mais pour des raisons différentes de celles voulues par sa scénariste-réalisatrice.

On le sait, le couple que forme Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri au cinéma a su rallier, bien malgré lui, l'ensemble de la critique, et surtout s'appuyer sur un public dorénavant acquis d'avance à leur cause. C'est que le talent de l'auteur Jaoui (Cuisine et Dépendances, Un air de famille…) est d'avoir su voir les petits et grands travers de notre société, pour mieux les stigmatiser via des scénarios aux dialogues, il faut bien le dire, qui font bien souvent mouche. C'est pourquoi l'univers de Jaoui est d'abord un endroit où se meuvent des personnages à qui elle ne donne aucune chance d'évolution, les ancrant jusqu'au bout dans l'idée que l'on se fait d'eux au départ. S'en dégagent dès lors des films un peu donneurs de leçons, mais terriblement efficaces quant à la finalité voulue.

Un constat inversé avec son passage derrière la caméra et un Goût des autres finalement très fade, et ce Comme une image qui, s'il tente de rectifier le tir, est plombé par une mise en scène beaucoup trop conventionnelle pour que le propos et les thèmes abordés, certes toujours aussi « piquants », trouvent preneurs.

Comme une image pose le problème du regard porté sur l'autre (envieux, complaisant, méprisant…) et de l'acceptation et de la connaissance de soi-même, avant d'essayer de se projeter dans la peau d'un autre. D'un côté un père-tyran (Etienne : Jean-Pierre Bacri), écrivain à succès, entouré de ses vassaux et flagorneurs, de l'autre sa fille (Lolita : Marilou Berry), mal dans sa peau de par un physique qui ne répond pas aux canons actuels de la beauté, et à cause de ce père qui l'ignore et qui envahit bien malgré elle sa propre existence. Entre les deux, la musique et le chant, dont la prof (Sylvia : Agnès Jaoui) incarne cette discipline globale qui permet encore de dissocier beauté physique et talent, à force de travail et d'abnégation. Et Jaoui de mélanger tout cela en des dialogues qui fusent (parfois) et des situations qui font mal (souvent) car imprégnés d'une certaine réalité, voire peut-être d'un vécu (Marilou Berry, la fille de Balasko, ne peut pas ne pas avoir vécu, ne serait-ce qu'en mode mineur, ce qu'elle montre à l'écran).

Le fait est qu'avec ce deuxième film, Agnès Jaoui n'a pas résolu son positionnement vis-à-vis de sa mise en scène. À la violence de ce qui est dénoncé ou « écrit » ne répond qu'une grammaire visuelle assez plate, attendue et très classique (version péjorative du terme). Le fil rouge musical qui aurait dû devenir l'âme et le poumon du film n'est qu'un troisième personnage, certes traité avec beaucoup d'amour sincère, mais pas plus identifiable que cela. Du coup, on reste dubitatif quant aux motivations du mal-être permanent de Lolita-Marilou Berry, ce qui a tendance à fragiliser le personnage interprété par Bacri, plus noir et moins sympathique qu'à l'accoutumée, qui perd de fait un peu de sa profondeur et de sa crédibilité. Pourtant, s'il ne fallait voir ce film que pour une raison, ce serait pour lui et son faciès de type français moyen empreint de cette morgue couleur grisaille propre à nos contrées parisiennes, qui n'a définitivement plus son pareil. Il faut le voir, ne serait-ce que pour la première séquence du taxi où le couple règle avec jubilation ses comptes envers la profession, pour réaliser encore une fois l'étendue d'un talent qu'il ne faut pas croire confiné à un seul « type ».

 

Résumé

On sort de Comme une image mi figue-mi raisin, pas convaincu d'avoir vu un bon film, conscient aussi qu'un tel sujet rebattu dans le cinéma français n'est pas sans écueils. Alors, un peu à l'image de ce père indifférent aux efforts de sa fille pour attirer son attention d'homme égocentrique, focalisé sur le vieillissement de son corps et de son inspiration, on prendra cette seconde réalisation d'Agnès Jaoui comme ce qu'elle est, à savoir un film sans grand intérêt, et sage… comme une image.

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