The Party : critique

Fabien Braule | 31 août 2004
Fabien Braule | 31 août 2004

Hommage avéré aux maîtres du burlesque muet (Keaton, les Marx Brothers, Chaplin), The Party, de Blake Edwards, peut se targuer d'être toujours, trente-six ans après sa sortie, la comédie la plus inventive et la plus délirante dont le cinéma ait accouché.

Après une ouverture désopilante, marquant l'incursion du burlesque dans un univers filmique, sous la forme d'un clin d'oeil à Gunga Din de George Stevens (un soldat trompettiste criblé de balles refuse de mourir tout en sonnant la charge), le tandem Edwards-Sellers subtilise le caractère excentrique et catastrophique de l'inspecteur Clouzot pour transcender celui de l'acteur hindou Hrundi V. Bakshi.

Comme à son habitude, et plus encore, le cinéaste multiplie les entrées de champ, soustrait toute logique rationnelle quant au placement de son personnage (il ne se trouve jamais à l'endroit où la bêtise est commise), et fait de sa Party une oeuvre formelle basée avant tout sur la gestuelle et la place du corps dans l'espace. Ainsi, chaque entrée de Bakshi laisse espérer une quelconque maladresse, mettant le spectateur entre deux chaises. D'un coté, l'oeil intrigué et quelque peu attendri de ce dernier, face à un Sellers au plus haut de sa forme, espère un revirement de situation. De l'autre (et c'est bien évidemment celui-ci qui prend le dessus), l'oeil complice du spectateur quelque peu sadique se porte comme le plus fervent admirateur de l'enfoncement inexorable de notre comédien dans la maladresse et l'irréparable. Aussi, on s'étonne par instant (avec un délicieux plaisir coupable) de ne pas voir notre « héros » défaillir. C'est là tout le génie d'Edwards, de passer le flambeau à Steve Franken, serveur alcoolique et pathétique, pendant malheureux et sans dignité du classieux Peter Sellers.

 

Mais The Party est également une satire du Tout-Hollywood, de ses paillettes et de son univers aussi futile qu'hypocrite. Blake Edwards ne se prive pas et affirme son goût pour la sophistication plutôt que pour la superficialité. Au-delà de ses invités, tous plus intolérants les uns que les autres face à la présence accidentelle de l'acteur hindou (à ce titre, le jeu des portes battantes et du tabouret demeure à ce jour la plus belle allégorie de la non-invitation de Bakshi à la soirée), c'est dans l'architecture et l'agencement des décors que le cinéaste frappe un grand coup. En prenant modèle sur Jacques Tati, en donnant aux lieux une identité aussi superficielle qu'à ses hôtes, Blake Edwards donne à sa Party des allures de Playtime et de Mon oncle. La technologie précède l'entendement d'un personnage dépassé par les évènements, et Sellers le plaisir de mettre à mal avec la même innocence que dans son prologue le décor de cinéma dans lequel il évolue.

 

 

Si, chez Tati, la maison des Arpel de Mon Oncle et sa fontaine étaient le symbole absolu d'un snobisme propre aux nouveaux riches, ici, il ne s'agit ni plus ni moins d'une même représentation visuelle et métaphorique, donnant lieu à de nombreux gags à répétition, tel celui du chérubin « urinant » dans le bassin intérieur. Il faudra d'ailleurs à Sellers marquer son territoire pour trouver sa place, avant de prendre le dessus sur les lieux. Cette quête trouvera son point d'orgue lors de la séquence des toilettes, où, en un plan long, Edwards prouve qu'il est autant un scénariste de génie qu'un réalisateur virtuose. Avec la complicité d'Henry Mancini, il place lors de cette séquence, au plus haut point, son déluge de gags et de situations rocambolesques. Entre le papier toilette qui se déroule de son dévidoir, et la chasse d'eau enrayée annonçant un dégât des eaux savoureux, le compositeur jazzy joue avec ferveur et excentricité le fameux It had better be tonight, tube culte à la tonalité sarcastique du premier volet des aventures de La Panthère rose.

Si The Party s'affirme comme un film burlesque à la saveur indémodable, il n'en demeure pas moins une oeuvre lyrique, qui trouve son aboutissement dans la rencontre de deux êtres étrangers aux moeurs hollywoodiens. Habillés comme des enfants après s'être mouillés dans la piscine, le couple Peter Sellers-Claudine Longet retrouve son innocence et son âme d'enfant. Décomplexé de toute conscience adulte, leur libération n'aura d'égale que celle du mouvement hippie instaurant les lieux, dans un final psychédélique fait de bulles et de mousse.

 

Résumé

Avec The Party, Blake Edwards signe tout simplement le plus grand film burlesque de l'histoire du cinéma. Portant l'improvisation à son paroxysme, il offre à Peter Sellers son plus beau rôle, à l'image de la séquence du « Birdy num num » où Bakshi offre les graines au perroquet. Il confirme également qu'au-delà de tout cynisme, et en dépit de toute maladresse, ses personnages en sortent grandis et amoureux. Il y a toujours, chez Blake Edwards, une conclusion sous forme de romance et de lyrisme, qu'il s'agisse ici de The Party où de la saga des Panthère rose, qui parvient à sublimer un ensemble déjà exemplaire.

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Lecteurs

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commentaires
ALLNO
07/01/2019 à 15:15

Un des films les plus ennuyeux qu'il m'ait été donné de voir... grosse déception de ce film soit disant mythique qui m'a a peine arraché un sourire.

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