Massacre à la tronçonneuse : Critique

La Rédaction | 8 octobre 2004
La Rédaction | 8 octobre 2004

Le pari était difficile à relever : remake d'un chef-d'oeuvre à l'aura incontestable, produit par Michael Bay, et de plus premier long métrage, un poids lourd à porter pour un cinéaste débutant. Marcus Nispel, transfuge de la pub et du clip, partait sur des bases polémiques, renforcées par les premières images du tournage qui n'étaient pas franchement faites pour nous rassurer, car suffisantes pour déchanter et nourrir l'incompréhension des plus ardents défenseurs de Massacre à la tronçonneuse premier du nom, pierre angulaire du cinéma de l'effroi depuis trente ans.

Pourtant, avec une certaine intelligence, le cinéaste s'est davantage attelé à une relecture du mythe qu'à un remake stricto sensu et plan-plan. Du côté du scénario, on reprend donc le même canevas, à savoir cinq jeunes américains moyens traversant le Texas à bord d'un van et tombant sur une famille de dégénérés. Sauf qu‘ici la profanation tombale du grand-père est remplacée par un sous-texte sur la drogue qui va faire basculer le récit dans une aventure lourde de conséquences. Un changement qui privilégie des rapports plus terre à terre entre les différents protagonistes qui ont tous à peu près le même âge. Les principales attentes sont ainsi détournées petit à petit et ceci tout au long du film. Les faux reportages en 8mm sont de parfaits contrepoints à l'ouverture du métrage de Hooper : l'un fabrique du faux quand l'autre fait surgir une vérité – en trompe-l'œil malgré tout – pour impressionner son audience. Nispel peaufine quelques variations thématiques et donne des détails auparavant restés en suspens en décrivant l'intérieur de la maison et de la caravane, élément inédit, lieu tout aussi poisseux que chargé d‘histoire(s). Le héros de 1974 n'est donc plus ici le seul au cœur de la narration, car le background de ses proches est mis en perspective. Une focalisation qui pourra déranger quelques puristes, car on aperçoit pour la première fois son « vrai » visage l'espace de quelques secondes.

 

 

Au réalisme cru en 16mm du film de Tobe Hooper, Nispel préfère une esthétique plus contemporaine (clippesque diront certains) qui, à défaut d'être aussi choquante, assume sa différence et sa complémentarité. On peut voir et revoir l'opus de 1974 et celui de 2003 afin de mettre en lumière leurs points communs et leurs différences photographiques autant que techniques : à titre d'exemple, l'arrivée dans la maison de Leatherface, avec ce travelling suivant Jessica Biel, reprend à peu de choses près le travelling avant originel de Terri McMinn s'avançant vers la même bâtisse. La première grosse entorse à l'intrigue étant amenée par l'auto-stoppeuse mortifiée remplaçant l'auto-stoppeur dément, et dont l'issue est beaucoup plus funeste. Les autres sont plus nuancées mais relèvent du même dispositf : s'affranchir au maximum de l'influence initiale.

 

 

Les quelques affèteries stylistiques sont parfois regrettables, comme ce long travelling arrière partant du crâne pour finir au ras du sol, mais en général le réalisateur joue la carte de l‘angoisse plutôt que l‘esbrouffe, tout en décrivant un univers sans doute moins étouffant mais offrant une idée de la putréfaction assez ragoûtante, à l'image de la déliquescence familiale qui donne des séquences fortes : celle du grand-père paralytique vidant ses poches de déjections dans les toilettes rances, ou l'épouvantable dispute autour de la garde de l'enfant. On soulignera l'importance du travail de Daniel Pearl, déjà présent sur le Hooper, qui assure de beaux plans aux jeux d'ombres et de lumières imaginatifs et à la photo travaillée. La musique, quant à elle, met l'accent sur les ambiances métalliques rappelant qu'autour de l'abattoir règne un chaos assourdissant. L'interprétation est correcte, sans éclat de génie, si ce n'est le personnage fascinant du shérif incarné par Robert Lee Ermey, inoubliable sergent instructeur du Full metal jacket (1987), de Stanley Kubrick, qui vampirise ici l'écran dans un rôle qui ne supporte pas la demi-mesure.

 

 

 

Une des belles séquences de frousse nous est offerte grâce à sa composition lors de l'affrontement dans le van autour de la reconstitution du drame en temps réel, mais c'est celle d'Erin, traquée par son agresseur, posant son oeil dans un petit trou laissé béant dans une pièce décrépie au milieu des carcasses de viandes suspendues, qui remporte les suffrages au trouillomètre. Un plan fabuleux qui renvoie à celui tout aussi traumatisant du regard de Marilyn Burns pendant la scène finale du repas. On regrettera tout de même, malgré ces qualités, une mise en scène par moments un peu tiède ou hésitante sur ses effets, et faisant passer au second plan Leatherface, plus fantomatique que charismatique. La scène des draps blancs est si efficace que sa durée frustre, de même que la fin est un peu bâclée et peu crédible.

 

Michel Strachinescu

Résumé

Massacre à la tronçonneuse 2004, c'est en définitive un hommage des plus sympathiques, doté d'un certain savoir-faire, et prouvant, à défaut d'une ambition folle, un respect du genre très plaisant. Un pari réussi et honorable, souvent ludique.

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