Big Fish : Critique

Fabien Braule | 1 septembre 2004
Fabien Braule | 1 septembre 2004

Après le succès plus que mitigé de son remake de La Planète des singes, Tim Burton se devait de revenir à une histoire plus personnelle, faisant appel à son sens aigu de la poésie. Si Big fish va dans ce sens, c'est pour mieux sublimer les œuvres les plus audacieuses de son auteur, allant jusqu'à déverser un raz de marée de lyrisme et d'onirisme. En s'appuyant sur un schéma narratif proche de celui des récits homériques, Burton s'applique à conduire son film à la frontière de deux univers, celui de García Marquez et de son réalisme magique et celui de la littérature américaine du XIXe, dans la plus pure tradition des romans de Mark Twain.

A man tells stories so many times that he becomes the stories...

Hommage émouvant à une époque et à un monde au bord de l'oubli, le nouveau film du réalisateur aux mains d'argent devient, par la générosité qui s'en dégage, une œuvre à la fois innocente et mature, une fable humaniste. Il délaisse ses personnages acidulés pour se concentrer sur l'aspect positif de chacun d'eux, comme si La Planète des singes prenait à la vision de ce gros poisson un nouveau sens, comme s'il marquait le passage d'une vision à une autre, celle de son auteur face au monde qui l'entoure. En adaptant le roman éponyme de Daniel Wallace, Burton s'ajuste à son nouveau rôle de père et se place comme le narrateur à part entière de son film. Désormais adulte, le cinéaste hyperbolise chacune des péripéties de son personnage et joue sans concessions avec les figures de style. Parce qu'il ne perçoit plus la mort avec la même légèreté qu'avant, mais plus comme un drame familial, le cinéaste donne à son film le caractère intimiste nécessaire pour rendre possible la filiation et le leg. En portant un regard nouveau sur le personnage de Will Bloom au seuil de l'âge adulte, qui accepte son futur rôle de père et d'homme, Tim Burton joue avec subtilité sur la forme parabolique de son récit. De la vie à la mort, il pose comme thématique centrale celle de la postérité et de la peur de l'oubli. Ainsi le vieux Bloom et ses histoires, aussi excentriques soient-elles, lui permettent-ils d'appartenir à ces hommes uniques, vivant à travers leurs contes.

 

 

Le cinéaste développe une mise en abyme de l'univers du conte, générant en son sein une merveilleuse quête de soi pansant les plaies de personnages incompris. En voyant la figure paternelle s'évanouir avec l'âge, pour ne finalement redevenir qu'un homme possédé par son passé, il place son film comme une véritable réflexion sur les actes manqués entre un père et son fils, soutenu par la bouleversante partition de Danny Elfman. Cette dernière participe pleinement à l'envergure nostalgique et magique des récits, en alternant savamment les thèmes lyriques et les plages à connotation folklorique. Il laisse à l'Alabama toute une part de mystère et de joie qui se rapproche à bien des égards de l'univers de Forrest Gump.

 

 

...They live on him, and in that way, he becomes immortal.


Le voyage initiatique du jeune Edward Bloom permet à Burton de laisser libre court à son imagination et ainsi de renouer avec ses thématiques et son esthétique d'entant. Ainsi le film prête-t-il à sourire tant il ressemble dans son prologue à Edward aux mains d'argent et permet à Burton de mieux s'emparer d'un sujet qui, à la base, n'était pas le sien. Même en parsemant d'embûches le parcours initiatique du jeune héros, le cinéaste arrive à en extraire l'essentiel, et ainsi à sublimer une histoire d'amour proche de celle d'Ulysse et de Pénélope. Mais c'est aussi dans sa représentation du village de Spectre, ville fantôme inscrite dans l'oubli, elle aussi, que Burton retrouve les quartiers populaires des années cinquante du même Edward aux mains d'argent ou de Ed Wood. Avec comme différence, et pas des moindres, celle de la rencontre de l'univers de García Marquez, tant son petit village semble s'inscrire dans une même esthétique et une même représentation d'un mode de vie que celui de Macondo dans Cent ans de solitude.

D'arbres baroques en orages cataclysmiques, en passant par un florilège de personnages hauts en couleur (du géant aux saltimbanques tous sortis de l'univers délirant de Fellini), Burton ne se prive à aucun moment pour nous livrer une œuvre hors du commun, jusqu'à son final des plus émouvants et des plus symboliques qui soit. C'est les yeux chargés de larmes et le cœur gros que l'on ressort de ce qui est sans doute LE chef-d'œuvre de son auteur, avec pour seule envie celle d'y retourner, encore et encore, jusqu'à ce que le film devienne, lui aussi, sa propre légende.

 

Résumé

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