In the Shadow of the Moon : critique qui demande pas la lune

Simon Riaux | 27 septembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 27 septembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après son remarqué Cold in JulyJim Mickle s’en était allé diriger la sympathique série Hap and Leonard, laissant attendre cinq longues années ceux qui voyaient en lui un espoir du cinéma américain. Après un néo-Noir sauce redneck, le metteur en scène s’amuse une nouvelle fois à brouiller les frontières entre les genres, en nous embarquant dans une enquête qui vire progressivement au trip de science-fiction, intitulée In the Shadow of the Moon.

BON COMME LA LUNE

De petits rôles de tatoués en apparitions charismatiques, Boyd Holbrook a commencé à se tailler un nom à Hollywood, jusqu’au jour où les spectateurs de Logan ont découvert qu’il était capable, en une réplique glaçante, d’en imposer même à Hugh Jackman. Dans un registre bien différent et éminemment plus vulnérable, c’est lui qui fait briller In the Shadow of the Moon. Flic traumatisé par une nuit d’investigation cauchemardesque, il se lance dans une enquête secrète et obsessionnelle.

 

photoQuand on vous dit de mettre votre ceinture !

 

Tour à tour magnétique, brisé, nerveux, fiévreux, Holbrook se love avec délice dans un cinéma à l’ancienne, râpeux et roublard, qui joue autant de la complicité établie avec un spectateur qui sait parfaitement ce qu’il est venu regarder, que des surprises qu’il espère lui réserver. Toujours premier degré, jamais cynique, l'acteur embrasse avec simplicité et talent ce rôle faussement facile de flicard envisageant progressivement que sa proie soit bien différente du premier assassin venu. Manifestement féru de séries B, Mickle s’avère plutôt très à l’aise dans cet environnement, et son film enchaîne logiquement les séquences plaisantes et autres câlins nostalgiques adressés au public, sans jamais le prendre de haut.

On cite Hidden, on suit du poulet à moustache, on a droit à un chouia de body horror qui laisse espérer quelques happenings à la Scanners, comme on s’amuse à sentir le récit changer progressivement de nature, pour nous offrir un changement de point de vue, forcément radical et forcément tragique. Pour l’amateur, ces charentaises ne manquent pas de confort. A fortiori à une époque où ce type de production est devenue rarissime, ne répondant pas aux attentes commerciales des studios, mais coûtant souvent trop cher pour que de petites structures indépendantes s'en emparent. Sans jamais atteindre la célérité ou la force d'un Upgrade, cette nouveauté Netflix rappelle combien le genre manque de représentants dignes de ce nom.

 

photo, Cleopatra ColemanUne suspecte pas comme les autres

 

FACE CASSÉE

Malheureusement, il ne faudra pas en attendre beaucoup plus. La faute d’abord au scénario de Gregory Weidman et Geoffrey Tock, lesquels ignorent manifestement que L’Armée des 12 Singes ou encore I, Robot ont familiarisé le grand public avec des enquêtes SF à tiroirs. Ne cherchant jamais à repenser les stéréotypes qu’il convoque, In the Shadow of the Moon se condamne donc à n’être qu’une sympathique évocation.

Plus gênant, le duo de scénaristes tente de couvrir plusieurs lièvres simultanément, quitte à alourdir une narration qui n'en demandait pas tant, poussant le film à conclure hâtivement ses enjeux à l'occasion d'une voix off moins digeste qu'une pièce montée nappée dans le sang d'un jet-setter moscovite.

 

photo, Michael C. HallMichael C. Hall de retour chez Jim Mickle

 

Et encore, pour l’apprécier, il faudra accepter que le film se traîne terriblement durant sa première moitié, comme s’il entendait nous convaincre sincèrement avec son enquête policière allumant un à un les voyants d’alerte du film à twist.

Autre problème, au-delà de l’atmosphère de thriller à la papa, on a du mal à retrouver la patte de Mickle. Son métrage manque cruellement de personnalité, et on guette en vain un plan qui s'avère autre chose que simplement fonctionnel. Le problème est patent lors des scènes d'action, tantôt expédiées mécaniquement, tantôt inutilement étirées et toujours chorégraphiées grossièrement (ah cette bousculade avec des cadavres de cochons…).

Perdant trop de temps à établir un univers aux codes rebattus, ayant du mal à trouver son ton, In the Shadow of the Moon souffre d’autant plus de son budget trop serré, et galère tout à fait quand il doit déployer son concept, sa grande idée. Forcé de déployer une conclusion qu’on voit venir à des kilomètres, mais qui aurait pu être sacrément émouvante, le récit reste trop à la surface de son sujet.

Autant de problèmes qui n’amputent pas tout le plaisir du spectateur, mais condamnent In the Shadow of the Moon à rester un petit plaisir anodin de vidéo-club, plus qu’une pépite de SF.

 

Affiche officielle

Résumé

Trop prévisible et impersonnel pour marquer la mémoire du spectateur, In the Shadow of the Moon est un thriller de science-fiction jamais déplaisant, porté avec classe par Boyd Holbrook.

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(2.3)

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commentaires
Andarioch1
06/04/2020 à 12:29

Pas un chef d'oeuvre mais il a pour moi une qualité. Explication: Je mate ce genre de film, disons confidentiel, quand la maisonnée est au pieu. Du coup, la plupart du temps je pique du nez avant la fin et me retrouve, malheureusement, à me mater l'oeuvre en 2, 3 fois. L'heure y est certes pour quelque chose mais il y a aussi l'intérêt que le film suscite qui joue. Et justement celui là m'a fait coucher à pas d'heure, preuve s'il en est que s'il n'est pas exempt de défauts divers il était suffisamment efficace pour me garder éveillé ce qui, par les temps qui courent, n'est pas si mal.

@Simon
"Perdant trop de temps à établir un univers aux codes rebattus"
Je ne veux pas être désagréable mais c'est typiquement une réflexion de critique qui voit sans doute trop de films (et oui, c'est possible^^). Vu la culture ciné des jeunes de nos jours je peux t'assurer qu'on ne perd pas du temps à établir des codes, à moins de ne vouloir contenter qu'une poignée de cinéphages.

@ Birdy
"Le scénario enchaine les facilités, tout est cousu de fil blanc, tu devines tout, de la scène suivante à une fin écrite dans le taxi en arrivant sur le tournage."
Ben oui, on voit le truc venir. En même temps ça me semble voulu. On peut bien sûr discuter de l'intérêt de ne pas maintenir le suspense plus longtemps mais certainement pas d'y voir, comme tu semble le faire (je me trompe peut-être), une erreur.

(The) Aurelio
07/02/2020 à 09:21

Et bien c'était plutôt pas mal du tout.

Certes l'histoire est déjà un peu vue ailleurs (L'Armée des 12 Singes et la série adaptée du film, la série Travelers également, comme quelques autres), mais le côté polar (merci True Detective) lui donne un peu plus de saveur et la fin avec son petit twist plutôt sympathique est assez belle.

Pas le film de l'année certes, oui le film a les défauts de ses qualités (et vice-versa), mais il y a un vrai plaisir de cinéma derrière.

Chris
29/09/2019 à 00:56

Excellent film vraiment!! J'ai adoré, je peux pour une fois comprendre la critique mitigée de Simon Riaux, car rien de vraiment nouveau, mais vous spoilez l'histoire dans votre critique ce qui fait que vous allez gâcher la surprise à ceux qui ne l'ont pas encore vu. Car si comme moi vous ne savez pas vers quoi l'histoire va aller, le début est vraiment passionnant avec ces meurtres étranges ( et ne se traîne pas du tout en longueur comme vous dites) ensuite on comprend très vite vers quoi ça se dirige mais le film est vraiment prenant du début à la fin. J'ai beaucoup aimé la réalisation aussi et surtout les lumières et couleurs, peu de films m'ont autant plu dernièrement visuellement mais celui est très beau malgré quelques passages qu'on devine très bien fait en images de synthèse. Pour finir ce film m'a fait pensé tout du long au très bon "l'effet papillon" malgré un scénario différent j'ai ressenti la même ambiance tout du long et la même semi-tristesse ou mélancolie à la fin. Bref je le conseille vraiment, un des meilleurs films Netflix actuellement.

Bubble Ghost
28/09/2019 à 23:20

" [...]qu'une pièce montée nappée dans le sang d'un jet-setter moscovite[...] "... Alors celle là, je dirais bien que la replacerais à l'occasion. Mais après, j'aurais trop peur de finir en internement psychiatrique forcé :D

Birdy
28/09/2019 à 20:30

Désolé d'être rabat joie mais ce film a bien plus de défauts que de qualités. A commencer par une histoire déjà vue au moins 4x, en 3x mieux.
Le scénario enchaine les facilités, tout est cousu de fil blanc, tu devines tout, de la scène suivante à une fin écrite dans le taxi en arrivant sur le tournage.
Mais surtout, le passage du temps est incroyablement raté point de vue maquillage. Les persos semblent plus crades, un peu usés, mais pas plus vieux de dizaines d'années. Déjà que cette histoire hésitait entre le polar et la science fiction, et ratait toutes les figures imposées, mais en plus tu ne crois en rien, tellement les séquences sont fades.
Je ne parle pas des persos secondaires inexistants, comme Michael C Hall, le scientifique, ou le collègue au destin immanquablement similaire à celui de tout bon partenaire qui se respecte dans ces films clichés.
Bref, 3 étoiles pour ça, c'est vraiment trèèèèèèèèèès sympa pour ce réal qui avait plus de corones dans son précédent film.

Pinkman
28/09/2019 à 19:22

Ah bah...Damn, moi j'ai beaucoup aimé ^^.

SPOILER (enfin je dit surtout ou le film va glisser, donc regarder avant le film).

Quel bonne surprise.

Alors pour les habituer a la SF, oui il aura sans doute un gout de "déja vu", et un manque de rigueur dans la dernière partie (un peux rusher...).

Mais l'ensemble est des plus efficace, avec une réalisation d'une grande élégance, et surtout d'une efficacité redoutable (la 1er heure est une petite bombe, renvoyant a certains classique).

Ce que j'ai aussi adoré, c'est que le film n'hésite pas a aller sur plusieurs genre au fur et a mesure que le film avance. Que ca soit le Polar, en passant par le film d'horreur ou au Thriller, et a de la bonne vielle SF.

Je dois bien avouez que ce qui n'ont pas vu le Trailer (malheureusement qui dévoile BEAUCOUP trop de chose), auront de belle surprise, même si le final devient sans doute trop attendu.

En tout cas le réa Jim Mickle réussi un film "typique" des 80's (sous leur meilleur jours), qui manque cruellement. Avec un casting tous aussi excellent les uns que les autres, que ca soit Boyd Holbrook (Narcos, Logan), Cleopatra Coleman (The Last Man On Earth), et le trop rare Michael C.Hall (Dexter, Six Feed Under).

Ça n'a trop rien a voir (enfin sur le fond), mais ca ma rappeler un épisode d'X-Files sur le voyage dans le temps (Saison 4 épisode 19), y'a quelque similitude dans l'approche de la chose ^^...C'est le fan qui se réveille sorry.

Bref bonne découverte, pour une série B tout a fait honnête et de qualité. Dommage qu'il va passer sous le radar (il fait peux parler de lui).

En tout cas je recommande, surtout vu la maigre proposition au cinéma (du genre ou actuellement en salle ^^), mais ne regarder pas le Trailer, vraiment !

4/5

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