Les Deux Papes : critique cardinale

Simon Riaux | 20 décembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 20 décembre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

En cette fin d’année 2019, Netflix resserre les rangs et enchaîne énormes sorties grand public (6 Underground, The Witcher) et propositions prestigieuses. À quelques jours de Noël, la plateforme aimerait bien que la messe soit dite pour les Oscars avec Les Deux Papes de Fernando Meirelles porté par Anthony Hopkins et Jonathan Pryce. L’heure est-elle venue de sanctifier le poids lourd de la SVoD ?

GODS OF WAR

À première vue, on pourrait s’étonner de voir l’auteur de La cité de Dieu et The Constant Gardener, deux œuvres flirtant plaisamment avec le thriller, se pencher sur la foi catholique et deux de ses plus éminents représentants. Mais le réalisateur de Blindness se pose depuis longtemps la question des croyances des hommes, de leur appréhension de la cité, et de comment ils comptent agir sur elle. Autant de thématiques au centre de son dernier long-métrage.

Il y narre la rencontre, l’affrontement puis la fraternité entre le cardinal Bergoglio (futur pape François) et le souverain pontife Benoît XVI. Le premier veut faire accepter sa démission, alors qu’il ne se reconnaît plus dans la doctrine de l’Église, quand le second veut la réaffirmer et se refuse à accepter qu’un prélat envisage sa mission comme un emploi que l’on peut quitter.

 

photo, Anthony HopkinsAnthony Hopkins, au meilleur de sa forme

 

Fernando Meirelles s’intéresse ici à un dispositif dramaturgique éprouvé et complexe, qui va amener ses deux personnages à se convaincre mutuellement, chacun adoptant finalement le point de vue de l’autre. Peu importe que les joutes oratoires entre un croyant de gauche (proche de la théologie de la libération) et un rigoriste gardien du temple aient effectivement eu lieu dans les alcôves de Castel Gandolfo, la gourmandise et l’intelligence avec laquelle Les Deux Papes dépeint les échanges entre ces deux hommes est un véritable régal.

Bien servis par des partitions riches en nuance et en malice, Anthony Hopkins et Jonathan Pryce s’amusent comme des gosses. Tous deux profitent des dialogues d’Anthony McCarten, toujours d’une précision psychologique acérée, et néanmoins capables de laisser leurs interprètes nous livrer des petits numéros d’une truculence jubilatoire. C'est avec un vrai plaisir d'observateur, de quasi-entomologiste, que l'on observe la pensée de l'un faire son trou dans l'esprit de l'autre ou que l'on constate comment, incidemment, progressivement chacun donne à l'autre les clefs de son raisonnement, jusqu'à ce que nos deux belligérants, tous deux face à face, comprennent qu'ils ont échangé leurs trônes respectifs.

 

photo, Jonathan Pryce, Anthony HopkinsAttention, ça swingue vénère au Vatican

 

POPOPOPAPE

Curieusement, le film semble ne pas avoir tout à fait confiance dans son dispositif, pourtant admirablement maîtrisé par Fernando Meirelles, qui parvient à transformer chaque duel oral en un petit traité d’affrontement philosophique. Le métrage s’encombre alors de flashbacks non seulement dispensables, mais formellement très faibles, aux airs de docu-fiction fauchée. Ces ajouts sont d’autant plus regrettables qu’ils entament un peu du mystère de ces deux hommes, comme si le spectateur ne pouvait accepter leurs énigmes intimes, ou les profondeurs de leurs secrets.

De même, quand le film aborde enfin la question de la gestion de la pédophilie par l’Église, le metteur en scène trébuche. Lui qui s’est amusé depuis l’ouverture de son récit à nous placer au cœur d’une bataille des âmes et des idées, lorsque cette dernière atteint son point culminant, préfère s’éloigner, couper le son, et nous offrir un hors-champ censément méditatif. Mais cette soudaine reculade affecte le film dans son ensemble, concourant à faire des Deux Papes une fable habile, plaisante, très joliment écrite, mais irrémédiablement anodine.

 

photo, Anthony Hopkins, Jonathan Pryce

Résumé

Alourdi par ses flashbacks et timoré quand il questionne les fautes de l'Eglise, le film de Fernando Meirelles n'en demeure pas moins une belle joute oratoire servie par deux fantastiques comédiens.

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Lecteurs

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commentaires
Petergun_1
27/12/2019 à 11:00

le genre de critique orientée anti cléricale gratuitement que nauséabonde sur une film dont l’interprétation d’exception n’est qu’à leu or et saluée tant il est facile de faire l’amalgame entre l’objet du film et la gratuité de l’attaque envers l’église autour d’une actualité qui n’a rien avoir ici avec l’objet de ce film. Ce film est une merveille d’interprétation qui n’a pas vocation à présenter ni argumenter sur les fautes nombreuses de l’église - j’ai hâte de lire une critique aussi peu objective sur un film qui portera sur l’Islam par exemple et dont in sait qu’aucune ligne à charge ne sera rédigée étant donné le grand courage journalistique enclin néanmoins à faire des croyances des gens une dérision de tout instant.
Ce film en l’occurrence est une photographie de la relation entre 2 hommes que tout oppose sur la forme mais que tout rassemble dans leur foi. Ce n’est pas une plaidoirie contre les tristes et scandaleuses actualités qui touchent l’église et certains de leur représentant, ni une ode à l’église mais cela faut-il avoir une once d’honnêteté pour l’accepter en le regardant et comme ce film montre un peu de bienveillance naturellement il faut la saloper ! Vive le journalisme !

Nicotine46
26/12/2019 à 17:59

Je suis assez d'accord avec les points faibles soulevés (flashbacks et questions épineuses) mais je trouves votre note finalement décevante.

Je n'ai personnellement pas boudé mon plaisir devant cette joute entre deux acteurs fabuleux !
Un vrai bon film selon moi.

Je recommande.

Simon Riaux
23/12/2019 à 10:24

@Grand Monarque

Non, le film, comme le dit un peu la critique, reste très très timide sur la question, elle est présente, mais on ne peut pas dire qu'elle soit courageusement abordée.

Et c'est ce qui rend la très belle joute entre les deux personnages très anodine.

Grand Monarque
20/12/2019 à 19:08

le Pape s'est barré car l'Eglise est infiltrée par des deviants:
ce film parle -til des raisons du depart du Pape Benoist 16:
l'arrestation du majordome du Pape de 2012,
le scandale de la banque du Vatican (IOR), blanchiment d'argent, de ladrogues pour la mafia etc ...
le Vatileaks de 2013 ?
et des rapports: du genre :
Dans ce document sont résumés les abîmes, en rien spirituels, dans lesquels l'Eglise est tombée : corruption, finances occultes, guerres fratricides pour le pouvoir, vol massif de documents secrets, luttes entre factions et blanchiment d'argent.
j'espere que le film nous raconte un peu ce genre de trucs, des fois que çà serait trop demandé
Ratzinger était trop vieux pour essayer de corriger le tir, Jean Paul 2 avait les me rapports, il a rien pu faire

Hank Hulé
20/12/2019 à 16:35

Et sinon, ça pète ?

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