Sibyl : critique volcanique

Simon Riaux | 23 janvier 2022
Simon Riaux | 23 janvier 2022

Sibyl, ce soir à 21h10 sur France 2.

On avait quitté Justine Triet avec Victoria, comédie féminine un brin surcôtée, mais qui faisait mine d’une grande vivacité dans l’écriture de ses personnages et d’un sens de la caractérisation trop rares dans le cinéma français contemporain. Accueilli en compétition officielle au Festival de Cannes 2019, Sibyl avec Virginie EfiraAdèle Exarchopoulos et Gaspard Ulliel marque-t-il un tournant dans sa filmographie ?

IN TREATMENT

Il ne faut pas longtemps pour mesurer le bond en avant formel et scénaristique opéré par la réalisatrice. On ne sait tout d’abord pas bien si ce drame veut suivre les traces d’un Claude Sautet, d’un Woody Allen ou d’un Alfred Hitchcock, puis il semble évident que Justine Triet entend et peut se permettre de tracer un sillon en propre.

Sa caméra est élégante mais jamais maniérée, capte toujours l’essence des nombreuses confrontations et manipulations qui unissent ses personnages. Alors que la psychiatre interprétée par Virginie Efira décide d’accompagner sa cliente (Adèle Exarchopoulos) sur l’île volcanique où aura lieu son prochain tournage, elle s’immerge dans un jeu complexe de trahisons et séduction qui n’est pas sans faire écho à son propre passé.

 

photo, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Virginie EfiraUn trio... explosif

 

Ce terrain s’avère plus que fertile pour l’intégralité du casting, qui oscille entre errance magnétique, grâce prédatrice et trouble savamment distillé.

Fidèle à Efira, Justine Triet affiche ici une passionnante complicité avec sa comédienne, qui dévore littéralement l’écran, à tel point qu’on la considérerait presque comme co-autrice de l’ensemble. Leur manière d'investir la figure de la thérapeute au bord de la crise de nerfs fait de Sibyl une héroïne puissante, toute en sensualité, failles et intelligence, qui illumine la première moitié du film

 

photo, Virginie EfiraVirginie Efira parfaite

 

VERONICA GARCE

Pour l’amateur de cinéma, Sibyl est une friandise acide qui se déguste avec ravissement. De la représentation, entre création et anarchie, de l’énergie du plateau, à un plaisir évident de la métaphore, l’aisance cinématographique de la metteuse en scène éclate ici avec une opulence qui fait plaisir à voir, surtout quand elle jette l'ancre au large du film noir.

 

photo, Virginie EfiraNiels Schneider et Virginie Efira

 

Petit théâtre de la fausseté, des espérances et de ses vertiges, ce film et son décor fournissent un précis très stimulant, où chaque personnage a des airs de montagne prête à exploser. De son bateau tanguant dangereusement à son Stromboli sur le point de s’embraser, jusqu’à ses séducteurs à la petite semaine, le récit paraît perpétuellement sur le point de s’abandonner à un feu passionnel et destructeur aux airs de sacrifice allégorique.

Malheureusement, là où Victoria parvenait avec malice à croquer quelque chose de la vie urbaine de son temps, capturant les petits désespoirs et grands écarts d’une femme bourgeoise, Sibyl souffre d’un vrai problème de positionnement. Comme dans La Bataille de Solférino, Sibyl est bien plus un film bourgeois qu’un film traitant de la bourgeoisie. Au-delà de sa reproduction du biotope d’un certain cinéma français, on ne devine aucune palpitation, aucun monde, aucune réalité. Trop terre-à-terre pour se transformer en turbine métaphorique, trop déconnecté pour capturer son époque, le film est condamné à demeurer une fantaisie, remarquable d’intelligence et d’art de la mise en scène, mais anodine.

 

Affiche

Résumé

Justine Triet livre un travail de mise en scène et d'écriture de haute volée, un peu miné par son incapacité à raconter quelque chose qui dépasse l'évocation du biotope un peu faisandé du cinéma hexagonal.

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commentaires
Flo
24/01/2022 à 15:24

Le « Virginie Efira Movie » dans toute sa splendeur… C’est à dire avec une catastrophe ambulante féminine, qui entraîne (et est entraînée) dans son sillage par une foule de dingos. Même aujourd’hui, personne ne semble s’en lasser, les films similaires s’enchaînent, mais ça se renouvelle encore.
Un peu plus complexifié ici par rapport à la précédente collaboration avec Justine Thriet sur « Victoria », puisque si mêlent transfert psy et mise en abîme de film dans le film, en parallèle d’un puzzle intime en forme de flashbacks…
Tout ça pour résoudre un mal-être caché sur la maternité.
Tout est lié, mais comme chaque scène (entrecoupée de plans signifiants) est une performance, l’effet est épuisant à force de rebondir dans des directions impossibles à prévoir. Surtout quand c’est soutenu par un regard féminin insolite.
Chaos énergique très prenant.
Et der ciné de Gaspard Ulliel, oui.

Kyle Reese
24/01/2022 à 00:37

J'ai essayé 20 mins et puis j'ai lâché l'affaire. Pas la faute des acteurs hein, mais c'est bien trop long à aller quelque part, du coup j'ai perdu l'intérêt de suivre l'histoire. Tant pis.

Indra
16/06/2019 à 15:07

Je viens de voir le film. J’ai beaucoup apprécié la complexité des personnages. Par ailleurs j’ai trouvé Virginie E magnifique dans ce personnage très complexe. J’avais L’impression qu’elle Cherchait à donner du sens à sa vie ( qu’elle a choisie) sans intensité. Famille, mari, enfants sont là pour certainement effacer les blessures d’une enfance mal vécue ( Mère alcoolique,). Elle a fait le choix d’une vie conventionnelle pour réparer le passé. Par ailleurs, son mari me semblait très étranger à ces questionnements, à ses désirs profonds....Il était là comme un garde- fou, pour que tout continue à bien fonctionner. Je vois le personnage de V.E vivre et revivre le passé avec intensité avec son ancien ami.. chose qu’elle n’arrivait Pas à retrouver dans sa «  nouvelle vie ». Les autres personnages sont intenses et passionnels... juste le piment qu’il fallait ... j’ai aimé ( bien que j’ai trouvé incroyablement fous) comme elle s’en ai débarrassée de tous les interdits pour goûter à l’intensité. ... certes , c’est moralement répréhensible, toutefois très humain...
J’ai adoré les images, l’endroit où ça a été filmé, la musique, les contrates des couleurs.... j’ai aussi apprécié que les actrices avaient l’air peu maquillées ( chose ultra rare dans le cinéma de nos jours).
En définitif, authenticité, passionnant et sensuel ....

ceciloule
02/06/2019 à 19:13

Une fantaisie déconnectée, c'est exactement ça que l'on ressent... le pitch nous perd assez rapidement et même si les acteurs sont exceptionnels, ils ne parviennent pas à nous entraîner dans le délire de la réalisatrice, sans doute trop bourgeois et intello pour nous (plus d'infos ici :https://pamolico.wordpress.com/2019/06/02/un-film-etrique-sibyl-justine-triet/)

ImanolEtche.
01/06/2019 à 23:44

A la suite du visionnage du film, qui m'a profondément bouleversé je me suis enfin décidé à renouer avec mon psychanalyste ( Jacques Kancan à la Porte de Vanves). V.Efira transcende d'une façon magistrale cette fonction sublime de l'analyste. La scène de la barbe à Papa et de la pomme d'amour à la fête foraine illustre parfaitement le désarroi de l'analyste en panne d'interprétation. Un bijou!

jonibigood
31/05/2019 à 09:52

Sur les acteurs: On parle bcp d'Efira, Je l'ai trouvé très bien comme le reste du cast mais c'est surtout Exarchopoulos et Sandra Hüller qui m'ont impressionnées. Leurs palettes sont bien plus larges (les rôles sont écrits comme ça) et ce qu'elles donnent à l'écran est assez impressionnant.

mfm48
30/05/2019 à 13:37

Je n’ai pas ressenti d’émotions en regardant ce film. Je suis allée le voir pour Virginie Efira car je la trouve magnifique, mais je suis au regret de dire que j’ai été déçue.

Miami81
29/05/2019 à 13:11

Une excellente actrice qui a su sacrément bien gérer sa carrière.

Simon Riaux
29/05/2019 à 09:53

@Guéguette

N'ayant pas eu le sentiment de surestimer Victoria, difficile de vous répondre.

Ce qu'on peut dire sans trop s'avancer dans un sens ou dans l'autre, c'est que l'écriture et la mise en scène de Triet ont beaucoup progressé, même si elle s'empêtre un peu avec un univers qui limite ici son propos.

Guéguette
29/05/2019 à 09:09

Aussi surestimé que Victoria ou pas?

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