The Hunt : critique qui purge

Geoffrey Crété | 22 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 22 juin 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

The Hunt devait sortir en septembre 2019, mais suite aux terrifiantes fusillades qui ont (encore) sécoué l'Amérique l'été dernier, ce film où des riches chassent des gens pour le plaisir, a été repoussé. Il devait se rattraper début 2020, avec une sortie américaine en mars, et prévue en avril pour la France, mais la pandémie de coronavirus a quasi tué sa carrière. Si bien que le studio Universal a décidé de le sortir en VOD aux Etats-Unis puis en France dès ce 22 juin, jour de réouverture des salles. Tant mieux, car le film de Craig Zobel vaut le détour.

SANG POUR SANG

Les Chasses du comte Zaroff, La Dixième victime, La Proie nueLes Traqués de l'An 2000, Battle RoyaleHunger Games, Happy Hunting, The Hunters... Des films sur des chasses à l'homme, il y en a eu. Mais The Hunt a une saveur particulière, parce qu'il dépasse ce simple cadre pour s'en amuser, et raconter quelque chose du ridicule du monde d'aujourd'hui, avec une cruauté et un humour noir savoureux. Un peu comme La Cabane dans les bois qui jouait avec la formule du film d'horreur, ou Assassination Nation qui utilisait le film de genre pour une peinture au vitriol de l'Amérique, The Hunt ne chasse qu'une chose derrière le gore, le flingue et les cadavres : la bêtise humaine, mise en scène de manière flamboyante et sensationnelle.

L'irrésistible première demi-heure est très claire à ce niveau. Les têtes, les corps et les entrailles sont mis à nu par des balles, des grenades et divers pièges, le film se jouant des attentes du spectateur avec une perversité hilarante. C'est le début d'un cirque où la rigole le dispute au réellement gore, avec l'avertissement que rien ne se déroulera comme prévu, pour les personnages comme pour celui qui s'attendait à un survival pur et dur. Et à mesure que la réalité derrière ce cauchemar est révélée, et que les répliques absurdes fusent ("C'est mon anniversaire !", "Chéri, c'est du poison !") The Hunt devient de plus en plus ridicule, drôle, et donc, intéressant.

 

photo, Emma RobertsThe Purge : blonde edition

 

BETTY BUTE

Passé cette introduction, le film a un ventre mou, la faute à un joyeux amoncellement de cadavres au départ qui rend les scènes suivantes plus ternes. Mais Betty Gilpin est là. L'actrice révélée dans la série Netflix GLOW est phénoménale à tous les niveaux, que ce soit dans les affrontements, ou dans les moments décalés. Son flegme est la chose la plus inattendue, désarmante et hilarante dans cette mascarade, et sa rage tranquille et méthodique est la meilleure idée du film.

Il suffit de voir comment elle se sort d'une interminable scène typique du genre (le monologue censé donner la clé de la survie, au milieu de l'horreur), dans un mélange de grossièreté et d'absurdité désopilante, pour se dire qu'il y a une forme de génie dans le casting et l'écriture de ce personnage loin d'être le cliché attendu. Et ce sens du timing, qui lui offre une petite grimace en pleine bataille, ou un regard lourd de sens avant une mise à mort, est du plus bel effet.

Difficile aussi de ne pas évoquer Hilary Swank, l'actrice aux deux oscars qui se fait un gros plaisir avec ce petit rôle de tarée, notamment dans une scène de baston excellente, tour à tour ultra-violente et ultra-risible ("Non, on arrête le verre !"). L'affrontement entre les deux actrices est le clou du spectacle dégénéré de The Hunt.

 

photo, Betty GilpinGlow fuck yourself

 

POLITICAL ANIMALS

Mais ce qui peut énerver et exaspérer dans The Hunt, et explique en grande partie l'accueil compliqué aux Etats-Unis, c'est son discours extrême sur la société du "on ne peut plus rien dire", la guerre des camps politiques, et les dérives des réseaux sociaux et compagnie. En faisant de ses bourreaux des démocrates piégés dans leur manuel de vie progressiste, qui ont sélectionné les représentants de tout ce qui va mal dans le pays selon eux (des complotistes aux braconneurs, en passant par les homophobes), le film renverse les rôles.

Habituellement du côté des héros et des victimes, les experts de l'écriture inclusive et de la théorie des genres, les féministes, les défenseurs des minorités, avocats des bonnes causes et visages d'une soi-disant dictature du politiquement correct, sont ici transformés en monstres siphonnés. Visés aussi parce qu'ils sont au sommet de la chaîne alimentaire du capitalisme, ils voient leurs jolies vies de privilégiés vaciller à cause de la puissance de la plèbe et d'un hashtag. Une simple blague entre amis, sortie dans un piratage de mails dans une grande entreprise, est l'allumette qui met le feu à la lutte des classes, et les pousse à ravaler leurs grands principes pour redescendre dans la basse-cour et se battre.

 

photo, Hilary Swank"Nous sommes en guerre"

 

Que ces farouches opposants au port d'arme oublient leurs convictions pour dégommer leurs ennemis, avec l'aide d'un militaire reconverti en consultant sur les films hollywoodiens (l'occasion de se souvenir de l'existence du navet Les Larmes du soleil avec Bruce Willis), montre bien que The Hunt ne cherche même plus à délimiter les camps et tracer une ligne morale. Des deux côtés, il y a de la bêtise, de l'arrogance, de l'hypocrisie, de la colère, des préjugés, de l'hystérie, et un aveuglement narcissique qui vire au sketch.

Démocrate ou républicain, homme ou femme, jeune ou vieux, majorité ou minorité, riche ou pauvre : le scénario de Nick Cuse et Damon Lindelof passe tout le monde au lance-flamme, avec une ironie mordante. Que le casting des futures victimes amène la question de la représentativité des minorités dans la sélection, qu'un chasseur se réjouisse qu'Ava DuVernay ait liké un de ses posts, ou qu'une proie s'énerve en pleine fuite car il refuse de revoir sa position sur les réfugiés, et il est clair que The Hunt veut tirer une balle dans toutes les têtes.

 

photo, Betty Gilpin, Hilary SwankUn dîner presque pas fait

 

Tout ça est bien sûr grotesque, et sans nuance aucune dans le chaos, comme lorsqu'une riche s'étonne qu'une bouseuse ait lu et compris La Ferme des animaux de George Orwell. Et en cumulant de nombreuses références (Manorgate pour Pizzagate, un piratage des mails qui révèle les coulisses des puissants et ruine des carrières, une blague de mauvais goût tristement prise au sérieux et transformée en fake news), le film prend le risque de ne rien en dire, et rester comme le jeu facile de petits malins trop sûrs de leur coup.

Mais le réalisateur Craig Zobel (Compliance, Z for Zachariah) va jusqu'au bout de l'exercice, avec la générosité, le second degré et la simplicité recquises, jusqu'à une conclusion qui enfonce le clou dans la tête de l'american dream.

 

Affiche française

Résumé

Un joyeux massacre aussi cruel que grotesque, qui passe au lance-flamme à peu près tout le monde, pour le plaisir de brûler l'Amérique. C'est ridicule, bordélique, extrême, un peu bloqué dans une posture de film de petit malin, mais The Hunt est bien trop méchant, gratuit et drôle, pour ne pas être irrésistible.

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Lecteurs

(3.9)

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commentaires
steve
11/09/2023 à 20:25

Un film qui ne met pas de barrière morale, ça fait du bien et super bien ficelé en plus avec de grosses surprises côté casting...J'adhère !! (et je retrouve un peu foi en Lindelof du coup qui avait tendance à trop se prendre au sérieux )

iPodz
22/01/2022 à 22:53

Depuis quand les féministes et ceux qui soutiennent les immigrés sont en haut de la chaine du Capitalisme ?!?!
Un film débile et abjecte qui met tout le monde dans un même sac histoire de rendre le monde encore plus illisible.
Pitoyable !

Reallu
23/06/2020 à 11:23

Un navet ennuiyant

Kyle Reese
23/06/2020 à 00:43

Vraiment très sympa ce film.
Une bonne série b comme on les aime.
Gilpin que je ne connaissais pas est excellente avec un jeu décalé inattendu.
Swank toujours au top, je l’avais bien aimé il y a 1 an dans le film de sf Mother.
Cette chasse m’a mis en forme j.ai pu tuer à l’instant le moustique nazi qui se planquait dans ma chambre depuis 2 jours. Lol.

Bayhem
22/06/2020 à 18:46

Je me serais bien fait une toile pour fêter la réouverture en allant voir un film pas encore sorti comme The Hunt, mais il s'avère qu'il n'y a même pas 150 copies France et pour la plupart en VF. Quel dommage !

Rick hunter
22/06/2020 à 16:49

Grosse purge ce film il n y a vraiment rien d extraordinaire en plus Emma roberts qui es juste la 2 min pour faire de la pub pour le film c es du foutage de gueul du déjà vu 100 fois se film faudrait un peu innover

Kelso
22/06/2020 à 12:36

Je l'ai vu sans en attendre rien et je me suis éclaté devant ce film, une vraie bonne surprise, le début est vraiment surprenant et m'a bien fait rire, le reste du film continue sur le même tempo sans temps morts. Un bon gros plaisir bien jubilatoire.

Kouak
22/06/2020 à 12:10

Bonjour,
Vu, au départ, simplement pour le plaisir de revoir Hillary...
Mais Betty pète également la forme !
Pour le reste, ça ce regarde sans trop se poser de questions.
Surtout lorsque l'on tient compte de l'espérance de vie des différents protagonistes proche de celle des lucioles.
Au générique de fin ils auraient pu mettre le nom des acteurs "par ordre de DISPARITION à l'écran" tellement ça va vite...
Bonne distraction.
Bref...

dahomey
22/06/2020 à 12:03

@M1pats, tu as la fibre dans ton bunker ? entre tes com sur DC/marvel et ça.....vraiment je suis fan !

Aragorn59
26/04/2020 à 18:24

Je viens de le voir, que ça fait du bien de sortir des sentiers battus avec tant d irreverence , la première demi heure m a enthousiasmé tellement elle est jubilatoire , on entre dans le sujet direct , l actrice principale est parfaite, SPOIL( la surprise Hillary swank, j ai bien fait de lire votre critique après) une baston finale qui envoie du lourd, de l humour grotesque ou pince sans rire et que dire de cette critique sociétale, elle est extrême et tire sur tous le monde , ça divisera...
Pour moi un classique instantané

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