Wounds : critique qui te plaie

Simon Riaux | 25 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 25 octobre 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Remarqué d’un cercle plutôt restreint d’amateurs d’horreur, Under The Shadow de Babak Anvari était une tentative modeste et passionnante de régénérer des motifs horrifiques classiques en les mariant à la culture iranienne. On était donc curieux de découvrir dans quelle direction s’orienterait le réalisateur. Et avec Wounds, il prend à nouveau beaucoup de risques.

DARKPHONE

Série B fantastique usant d’un artefact technologique comme vecteur du surnaturel, le film fait d’abord mine de nous jouer un air connu, pour ne pas dire rebattu. D’ailleurs, le public de la Quinzaine des Réalisateurs s’y est largement trompé, ignorant massivement le métrage, fraîchement débarqué sur Netflix, dans l’indifférence la plus totale.

Pourtant, la partition de Wounds déraille rapidement pour nous offrir un concerto extrêmement dérangeant qui n'est pas sans rappeler, dans ses teintes ocres comme son piège à mâchoires dépressif, un certain Last Days on Mars, également snobé à Cannes et lors de sa sortie.

 

photo, Armie Hammer Armie Hammer

 

Jadis brillant étudiant démissionnaire, Will est un barman charismatique, mais sur le point de s’écrouler. Beau, mais négligé, souriant, mais mélancolique, drôle, mais imbibé d’alcool, il laisse sa vie dériver. Jusqu’au jour où il récupère le téléphone oublié par des lycéens dans son établissement après une rixe, et en étudie le contenu… Loin de faire du smartphone la source d’on ne sait quelle malédiction, Babak Anvari l’utilise comme un fuseau qui va révéler le vide intérieur de ses héros en déchirant le voile de leur identité, vide existentiel bientôt rempli par une harde de visions monstrueuses.

Ce qui saisit initialement dans Wounds, c’est la précision psychologique avec laquelle le scénario capture la vacuité d’individus laissés sur le banc, faisant de leur mieux pour se dissimuler leurs échecs et les conséquences de ses derniers. Avec une acuité qui colporte un malaise diffus, puis palpable et écoeurant, la photographie de Kit Fraser compose un camaïeu de teintes brunes, qui se répercute tant sur les bois d’un bar glauque que sur les épidermes ensuqués des personnages, tandis que la caméra accroche les regards ou enregistre les râles et renoncements des corps.

 

photo, Dakota Johnson, Armie HammerQuand on vous dit qu'il ne faut pas boire l'eau du bain...

 

LET’S PLAIE

Prisonnier du soleil de La Nouvelle-Orléans comme des ténèbres de ses ruelles empuanties de vomi, le spectateur est suffisamment désorienté pour que la mythologie développée par Anvari le plonge dans une profonde hébétude. Le cinéaste n’a pas cherché à proposer une spirale classique, ou à narrer l’avènement de quelque banal esprit frappeur. L'abîme qui obsède Will (fascinant Armie Hammer) en appelle à de glorieux cauchemars de cinéma, sans jamais se contenter de les citer.

Ainsi, « L’interprétation des plaies » et les hallucinations fugaces qu’elle charrie évoqueront forcément l’avènement des Grands Anciens aux Lovecraftiens, quand la viralité du mal trouve des échos chez Vidéodrome. Refusant la facilité, le montage brouille chaque piste, laisse l’horreur émerger du doute, du statut même des rebondissements, chacun étant libre de décider s’il assiste à l’écroulement d’un esprit, ou au débarquement de forces obscures dans notre monde.

 

photo, Armie Hammer, Dakota JohnsonUn couple qui va vraiment super bien

 

Wounds encourage le spectateur à combler les vides apparents de son récit, mais n’est pas démissionnaire pour autant. La répétitivité de ses symboles (le gouffre de L'Antre de la folie, un globe oculaire monstrueux, les scolopendres…) offre d’innombrables pistes de lecture, qui délivrent toutes le même message. Notre monde produit des humains vides, des coquilles « creuses » comme le décrit la citation de Conrad qui ouvre le film, dont le néant extérieur ne peut plus être rempli que par les ténèbres.

À jouer ainsi le pur trip hallucinogène, l’errance putride, Wounds prend le risque de laisser le public sur sa faim, et on aura beau se passionner pour son abominable jeu de piste, pour une fois, il n’est pas interdit de regretter que le scénario n’en donne pas un peu plus. Refusant les longueurs et privilégiant l’accélération de son infernal dédale, le métrage aurait peut-être gagné à donner plus d’ampleur aux deux séquences qui le concluent, extrêmement fortes, mais un peu trop vite expédiées pour laisser à l’ensemble l’occasion de nous terrifier tout à fait.

 

photo

Résumé

Avec sa horde de visions cauchemardesques et son atmosphère dépressive, Wounds est une proposition aussi originale que radicale. Un cauchemar presque expérimentale, dont on pourra seulement regretter la brièveté.

Autre avis Geoffrey Crété
Obscur, noir, tortueux, Wounds est un superbe cauchemar livré sans mode d'emploi, qui laisse le spectateur tomber et sombrer avec les personnages dans ce vertige de l'angoisse. Casse-gueule, mais brillant et riche.
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Lecteurs

(2.4)

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commentaires
Alex&co
31/10/2023 à 22:38

Film purement naze. Intrigues multiples, et aucune réponse, un final en queue de poisson... ça m'aurait fait chier de payer une place de cinéma pour voir cette daube.

Devine
18/02/2023 à 23:05

Ce film es comme une phrase qui n'es pas

Cidjay
11/08/2022 à 13:49

Film aussi intéressant qu'inabouti.
c'est comme regarder une multitude de chemins tous plus attirants les uns que les autres pour une super rando et finalement se décider à remonter dans la bagnole sans rien faire.

Yass
03/07/2021 à 02:31

Juste une occasion de mettre des symboles sataniques , bidon .

Quetzalcoatl
09/05/2021 à 22:06

C’est comme un cocktail raté; le Long Island Iced Tea des films!
Il y avais de bons ingrédients au départ qui séparément étaient intéressants à développer, mais le mélange n’a pas pris...
Des longueurs pas nécessaires, certains personnages auraient eu le mérite d’être plus creusés, et la fin abrupte qui manque de subtilité...
T’es saoulé et t’as même pas apprécié!

Jujulia
21/12/2020 à 00:05

Tout d’abord, film plutôt intéressant au début mais un peu trop lent . La suite , comment vous dire qu’on s’ennuie énormément. Je m’attendais à quelque chose de traumatisant mais au final j’ai juste affirmé que j’aime pas les cafards . Pour finir,le film ce termine au moment de la meilleure scène . je ne recommande pas ce film. Bonne journée

Molox
11/12/2020 à 14:29

Non mais au secours le snobisme, y a plein de gens qui raisonnent encore sur le mode du "si t'as aimé c'est que t'as pas compris, moi je vais dire que j'ai aimé et inventée une explication hyper tirée par les cheveux, comme ça j'aurais l'air intelligent". Un peu de bon sens svp. Si 98% des critiques disent que ce film est nul, c'est tout simplement pcq il EST nul. Pas de scénario, pas de rythme, vous pouvez y mettre tous les concepts et faire tous les parallèles que vous voulez, ça n'y changera rien. Arrêtez de convoquer Conrad ou Lovecraft pour justifier cette bouse svp, visiblement vous ne les avez pas lus. Sinon moi aussi je peux faire un parallèle avec "Videodrome" :si tu changes les 5 lettres de "wounds", tu obtiens le mot "vidéo". Wooooowwww.

Tina
19/11/2020 à 21:35

Film nul à mort. On attend que ça commence mais rien ne se passe aucun sens....

linto
29/02/2020 à 10:39

je rejoins votre analyse. Après tout on est prévenus dès le début. J. Conrad est cité et la citation dit bien ce dont il s'agit: il s'agit du moyen de remplir un "homme creux" par la fascination. Le personnage principal très bien joué par A. Hammer cherche à se remplir devant son creux, le vide de son quotidien et ses échecs répétés. La "translation of the wounds" n'est là que pour justifier son remplissage via un élément déjà présent chez lui (et facilité par l'alcool): la violence. Quand un des "jeunes" lui annonce qu'il est "élu", ça signifie qu'il accepte sa nature enfin. Alors, son image dans le film bascule, il abandonne tout ce à quoi il était encore accroché, même l'alcool, dont il finit la bouteille , et demande alors dans cette superbe scène finale "aide moi à être entier". On comprend pourquoi J Conrad par son oeuvre "au coeur des ténèbres" a inspiré Apocalypse now (même thème du remplissage par les ténébres) et les "hommes creux" de T.S. Eliott. Il y a aussi, même si la mise en scène n'est pas du même tonneau, du "lost highway" dans "wounds"; et certains regards de A. Hammer évoque largement ceux de Bill Pullman. Certes la fin est déconcertante car le film finit par là où on s'attend à ce qu'il débute. Mais nous étions prévenus: comment un homme à la dérive choisit de se remplir des ténèbres pour devenir "entier" ...

Yuma
12/11/2019 à 12:48

Déçu, le point de départ et le traitement laissaient espérer quelque chose de plutôt bon et malsain. Au final on n'en sera pas plus sur les thèmes abordés et le film se termine là ou on espère que cela commence. Quel gâchis.

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