L'amour est une fête : critique qui déchante

Simon Riaux | 20 septembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 20 septembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Avec une poignée de premiers films prometteurs, Cédric Anger s'est taillé une place de metteur scène capable de jongler entre style, réalisme et thriller, trois ingrédients rarement mariés par le cinéma hexagonal. Avec L'amour est une fêteporté par Guillaume Canet et Gilles Lellouche, il propose une création ambitieuse, qui plonge dans les arcanes de la pornographie française.

BANDE  AVEC LES MOUS

L'idée n'est pas nouvelle, l'avènement des "tubes" et de la consommation massivement décomplexée de pornographie en ligne l'ont remise au goût du jour : avant, le cul, c'était mieux. Les "films d'amour" étaient couchés sur pellicule, tournés en famille, par des épicuriens amoureux de la bonne chair, du lien et du partage. C'est cette innocence supposée que le métrage voudrait ressusciter, la fin de cette parenthèse enchantée, qui précède l'arrivée du sida, l'avènement de la vidéo et in fine la mort d'un artisanat de la jouissance.

 

photoUne partie de Mastermind toute en finesse

 

C'est cette bulle mythique que doivent percer deux flics à la couverture approximative. Franck (Guillaume Canet) et Serge (Gilles Lellouche) sont ainsi mandatés pour prouver que l'industrie du vice blanchit de grosses sommes d'argent, qui échappent ainsi à l'Etat. Et c'est cet angle qui pose  d'abord problème à L'amour est une fête, car il occupe une part bien trop importante de l'intrigue.

On comprend bien comment Anger veut faire de ses deux héros un vecteur idéal pour le regard du spectateur, mais il s'attarde bien trop sur les arcanes d'une investigation fastidieuse, quand le milieu et les personnages suffisaient amplement à générer l'intérêt du public (et n'est pas d'une complexité qui nécessite la présence de deux guides).

De même, l'ensemble prend un temps incroyable pour établir ses enjeux, si bien que le coeur du sujet ne sera pas abordé avant plus d'une heure de métrage. Dès lors, le parcours, plus ou moins croisé, de nos deux héros, aux personnalités trop indistinctes, aux affects trop arbitraires ou prévisibles, intéresse bien peu.

 

photo L'Amour est un tournage

 

PURGE PROFONDE

De ce flou narratif  va découler une autre imprécision, autrement plus problématique, relative à la tonalité du film. Ce dernier ne choisit jamais entre le portrait élégiaque de personnes interlopes, délirantes et libérées, ou la description glaçante d'un système hypocrite, qui exploite et broie sous couvert de jubilation sexuelle.

Bien sûr, ici et là, quelques indices sont là pour nous rappeler que tout de même, ces messieurs n'ont pas plus de considération pour les femmes qu'ils exploitent que pour une pile de gants de toilette mal rincés, mais tous les personnages féminins sont hélas traités avec une condescendance qui annule toute portée critique.

Non seulement l'objectification des femmes n'est jamais véritablement remise en cause, mais elles n'auront à aucun moment l'opportunité de devenir sujets du récit, centre de l'action. Et pour cause, de saynètes à gags potaches, elles apparaissent comme autant d'idiotes charmantes et jamais avares de leurs charmes ("Mais bien sûr que tu peux baiser Pamela ! Si tu le fais pas, elle va croire que tu l'aimes pas..."). Elles sont formidablement épanouies à l'idée de s'essayer au porno, mais évidemment incapables d'apprendre trois lignes de texte - et certainement pas à même de comprendre leurs dialogues pas franchement cryptiques.

 

photo, Guillaume Canet L'insoutenable teinture péroxydée de l'être

 

L'inconsistance de l'écriture, la maladresse aux relents misogyne et un humour de mauvaise blague Carambar étouffent la réussite d'un projet qui ne manquait pourtant pas d'atoutsCédric Anger sait le plus souvent parfaitement où poser sa caméra et ne craint pas à se frotter au cinéma anglo-saxon, le plus souvent avec réussite, quand l'image composée par Thomas Hardmeier jouit d'une photographie parfois somptueuse.

De même, pour deux héros intordables, il nous est donné de suivre quantité de seconds rôles passionnants, Michel Fau et Xavier Beauvois en tête. Quant à Camille Razat, elle ne serait pas en reste et pourrait nous faire profiter de son magnétisme ravageur si elle bénéficiait d'un peu plus de présence à l'écran, et d'un rôle mieux construit.

 

Affiche

Résumé

A force de lourdeurs et de maladresses, ce qui se voulait l'évocation élégiaque d'une partouzerie innocente se mue en vieux fantasme rance, doublé d'un mauvais polar.

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commentaires
STEVE
03/10/2018 à 23:56

"Le fllm est homophobe. Point bar"

Haha j'adore cette OBJECTIVITÉ!

Mr. prétend détenir LA vérité absolue.
Que c'est drôle.

Comme ici parler de misogynie!
Car le film montre TROIS cruches travaillant dans le porno ça y est ça insulte TOUTES les femmes???

Et si je lis hélas bien vos affreuses critiques pleines de rage, d'aigreur et d'insultes.

Heureusement qu'il reste les autres journalistes pour écrire sur ce site car avec vos seules lignes pleines de frustrations ça serait bien écœurant.

L'insulte facile.
Quand on veut se la jouer "défenseur des opprimés" et "progressiste" alors qu'on se montre agressif, injurieux et intolérant...

La bien-pensance miroir inversé du fascisme...
Identique dans les traits. Seulement inversé.

A voir des discriminations partout c'est qu'il y a un problème...

Simon Riaux
21/09/2018 à 14:53

@STEVE

Le problème, quand on lit mal, de travers, en diagonale, c'est qu'on en vient rapidement à dire n'importe quoi.

Epouse-Moi mon Pote recycle les pires clichés homophobes. De long en large. C'est ce que disait la critique. Que les auteurs soient ou non homophobes n'était pas l'objet du texte. Je m'en fiche, ce n'est pas mon problème, mon sujet, c'est les films. Je ne suis ni procureur, ni désireux de dire aux gens quoi penser et comment.

Le fait est que le film est homophobe. Point barre. A chacun d'estimer si ça lui pose ou non un problème. Et là encore, je ne donne de leçon à personne.

L'insulte facile ? Vous aurez du mal à trouver quelque chose relevant de l'insulte dans ce que j'écris. A condition de le lire, bien entendu.

STEVE
21/09/2018 à 13:29

Sauf que la vie, et les Humains, ne sont ni noirs ni blancs. Cher Hank Hulŕ.
Il y a de tout:
Des femmes qui font du porno car n'ont pas la possibilité de faire autrement.
D'autres qui le font par choix.
Et oui toi qui kiffes youporn tu doisbsavoir que des tas de ces jolies femmes, plutot que de se faire sauter, pourraient faire caissieres ou vendeuses mais ont choisi l'argent facile.

C'est un fait.
Il y a de TOUT.
Donc le cliché que TOUTES les femmes sont soumises à se foutre à poil a cause des mecs c'est faux.
Pas toutes dsl.
Faut arrêter la mauvaise foi.
Il y a de TOUT.

Pour répondre à vous Simon Riaux, j'ai remarqué depuis le temps que je suis ecranlarge que vous avez une tendance, surtout depuis le mouvement me too, à vouloir "défendre" les droits de la femme même lorsqu'il n'y a pas lieu d'être et que cela vire un peu à la parano et aux procès d'intentions.

Défendre de nobles causes c'est le devoir de l'Homme.
Mais gare à ne pas virer dans la parano ou la caricature.

Et je vous sais l'insulte facile.
Comme insulter d'homophobes les "auteurs" de Epouse Moi Mon Pote (film que j'ai détesté mais de là à les insulter de la sorte...)

Simon Riaux
21/09/2018 à 11:59

@STEVE

La formule "défenseur des femmes" est déjà assez bizarroïde et problématique...
Je ne suis défenseur de personne.
Ce n'est pas mon travail.
Et je ne suis certainement pas là pour faire de la morale, et il y a u paquet d'auteurs qu'on peut qualifier de misogyne, dont je trouve les travaux passionnants. Le problème de L'Amour est une Fête, c'est qu'il est tellement mal écrit qu'il en vient à dire le contraire de ce qu'il voudrait.

D'ailleurs, le sexisme du film est un problème parmi beaucoup d'autres, beaucoup plus longuement explicités dans le texte.

Hank Hulé
21/09/2018 à 00:02

Mon bon Steve, si ta conception de la femme, quelle que soit l epoque, est de la voir s epanouir dans le porno, faut arreter Uporn!
Le gros probleme de ce film est de montrer que les filles sont heureuses de se faire dominer et instrumentaliser par les hommes et ont un pois chiche dans le bulbe

Ki
20/09/2018 à 23:15

Ki

STEVE
20/09/2018 à 20:48

De toute façon Simon Riaux se la joue "défenseur des femmes" quite à faire des amalgames et à en devenir une caricature sans la moindre nuance.

J'étais CERTAIN de cette note avant même d'ouvrir l'article.
Que c'est prévisible...

Les extrêmistes de la bien-pensance doivent avoir sacrément une mauvaise conscience pour être si paranoïaques...

Simon Riaux
20/09/2018 à 18:42

@Kibuk

Plusieurs petites choses. Sans instruction et con comme une bille, c'est un peu différent. Dans L'Amour est une Fête on a quand même une actrice qui ne comprend pas comment elle peut jouer la surprise quand son personnage découvre un château, parce qu'elle ne se sent pas surprise. On en est là.

Ensuite, oui, évidemment, cette critique est rédigée depuis un point de vue de 2018. Bien sûr. Mais c'est aussi le cas du film. il ne s'agit pas d'un boulard élégiaque retrouvé par miracle dans une brocante. C'est un film de 2018 qui propose un point de vue sur le porno, et on peut très légitimement estimer que ce point de vue est poisseux (comme on peut aussi le valider).

KibuK
20/09/2018 à 18:38

@ Ecran Large et Hank Hulé
Je n'ai pas vu le film, mais dans "the Deuce" en revanche, j'ai observé que les filles ne sont pas non plus très finaudes, même celle qui aime la lecture. Pour la plupart elles n'ont pas de culture ni d'éducation et ne cherchent pas trop à se prendre la tête. C'est peut-être la réalité de l'époque qui voulait que les filles croyaient s'épanouir, du moins au début, dans ce milieu. Peut-être que le porno était plus bon enfant à ses débuts car plus naif, avant de devenir une usine gérée par des professionnels.
J'ai l'impression que cette critique est faite par rapport à ce que l'on sait aujourd'hui du porno ce qu'il est devenu en 2018 et du respect que l'on a des femmes.

Hank Hulé
20/09/2018 à 17:48

En phase avec cet avis. Tenter de nous faire avaler que le monde du porno, c'edt genial pour les filles et qu elles adorent laisse reveur...quoique ce sont des cruches.
Si on compare avec the deuce, ça fait très très mal.
Belle photo ceci dit et Beauvois est top

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