Amanda : critique Paris sans la fête

Geoffrey Crété | 19 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 19 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Repéré après Memory Lane et Ce sentiment de l'étéMikhael Hers s'attaque à un sujet de taille : un Paris touché par les attentats. Mais c'est par la petite fenêtre de l'intime que le réalisateur aborde la douleur et la violence, en racontant l'histoire d'un jeune homme (Vincent Lacoste) dont la vie est profondément bouleversée suite à la tragédie dans Amanda.

DÉFLAGRATION

Ce n'était qu'une question de temps avant que le cinéma ne respire le parfum de cendres et de sang qui a flotté, et continue de flotter en un sens, sur la capitale française. Il y a déjà eu le magnifique Nocturama de Bertrand Bonello du côté de la fiction en 2016, et le documentaire 13 Novembre : Fluctuat Nec Mergitur sur Netflix plus tôt cette année. C'est maintenant Mikhael Hers qui se penche sur ce drame, mais là encore par un angle anti-spectaculaire.

Amanda porte le nom d'une petite fille de 7 ans, car c'est avant tout son histoire. Celle de David aussi, un garçon de 24 ans, insouciant donc. Leur lien s'appelle Sandrine. C'est la mère d'Amanda, et la sœur de David. Un attentat l'emporte, et David se retrouve quasi seul face à sa nièce, dans le silence de la déflagration de la tragédie qui secoue Paris.

Ses amours, ses errances, ses coups de folie, et la reconstruction après la destruction : Mikhael Hers s'attarde sur le quotidien de ces deux enfants perdus, avec énormément de pudeur. Et avec la force tranquille d'un Vincent Lacoste véritablement excellent.

 

Photo Vincent LacosteVincent Lacoste dans une scène déchirante

 

LE PRIX DE LACOSTE

Vincent Lacoste est le phare dans la brume tragique d'Amanda. Et c'est encore la preuve que l'acteur a entamé une ascension folle ces dernières années. Le Beau gosse de Riad Sattouf a vite commencé à tourner pour des réalisateurs plus intéressants que la moyenne (Julie Delpy, Noémie Lvovsky, Mia Hansen-Løve, Benoît Jacquot ou encore Gustave Kervern et Benoît Delépine), mais entre Victoria avec Virginie Efira, Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré et Première année de Thomas Lilti, il brille désormais de mille feux dans le paysage français.

L'acteur a peu à peu déposé ses attributs de pitre un peu facile pour endosser le costume faussement simple du garçon ordinaire. Dans Amanda, il trouve son rôle le plus fort. Paradoxalement le plus sobre et simple, et le plus puissant et audacieux. Dans la peau de ce grand môme qui grandit d'un coup, et doit aider sa nièce à grandir en même temps, il est parfaitement juste et touchant, et ne tire jamais sur la corde sensible outre mesure.

Mikhael Hers le dirige avec un talent certain, qui se retrouve chez tous les acteurs. En quelques scènes, Ophélia Kolb donne vie à cette grande sœur, tandis que Stacy Martin, à fleur de peau, à la fois étrange et banale girl next door, est excellente. Et bien sûr Isaure Multrier, révélation du film, qui échappe aux stéréotypes de ce type de rôle. Sa grande explosion finale, à Wimbledon, est un moment terrassant.

 

photo, Isaure Multrier Isaure Multrier, la Amanda du titre

 

PARIS JE T'AIDE

Amanda brille donc le plus souvent par sa retenue, et sa capacité à résister à bien des écueils. Le choix de ne pas remettre en scène la réalité des attentats mais lui privilégier une variation, dans un autre décor, et dans une mise en scène pudique et intelligente, y est pour beaucoup. Il suffit alors que Mikhael Hers fasse évoluer ses personnages dans un Paris désert et silencieux, pour que le spectateur comble tous les vides et l'espace autour.

Par petites touches, le réalisateur et sa co-scénariste Maud Ameline racontent l'horreur et la pulsion de vie qui s'ensuit avec délicatesse. C'est notamment réussi avec ce joli et discret personnage de Lena, interprété par Stacy Martin, qui apparaît et disparaît du récit sans pour autant perdre sa valeur.

Cette gravité qui flotte autour de l'histoire, en périphérie du film, n'est jamais surexploitée de manière bête ou gratuite. Le drame a ici une couleur trop familière, mais il aurait pu être différent : l'important reste le duo d'orphelins, que la caméra ne lâche pas. C'est ce point central qui mène Amanda, lui donne sa discrète force, mais marque aussi ses limites.

 

photo, Stacy MartinStacy Martin, l'une des bulles d'air du film

 

Si le scénario traite avec finesse le sujet des attentats en le laissant lointain et flou, il aborde le drame humain avec plus de simplicité dans l'écriture. Les scènes ont beau être (très) émouvantes, elles restent attendues. Cette construction va avec une mise en scène globalement très classique, qui laisse cette impression trop familière de découpage, photographie et montage utilisés fonctionnels. Hormis quelques scènes plus claires et précises, plans larges et champs-contrechamps s'enchaînent sans faire d'étincelle, laissant le terrain à peu près entièrement libre pour les acteurs. 

C'est pour cette raison aussi que Vincent Lacoste et Isaure Multrier brillent tellement. Amanda est un film qui leur est quasi entièrement dédié, et qui respire grâce à eux.

 

Affiche

Résumé

Vincent Lacoste mène avec talent ce drame, qui aborde avec pudeur le Paris brisé par les attentats. Et c'est bien le talent des acteurs qui permet de donner de la vie à ce drame qui manque souvent de force en terme d'écriture et mise en scène.

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