The Grudge : critique qui a encore laissé des poils dans l'évier

Simon Riaux | 11 janvier 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 11 janvier 2020 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Après un premier remake américain réalisé par Takashi Shimizu, qui a donné deux suites dont la dernière n'est même pas sortie au cinéma,The Grudge avait tout d’une licence moribonde. Mais Hollywood étant plus que jamais en quête de marques à exploiter, voici venir une sorte de reboot du remake de 2004, espérant remettre au goût du jour cet univers dérivé de l’horreur japonaise, qui déferla en Occident à la suite de Ring.

LE RING EST BOUCLÉ

Et pour mener cette mission aussi anachronique que difficile, Sony a choisi le metteur en scène Nicolas Pesce. Un choix plutôt inspiré, l’artiste ayant déjà réalisé deux films, largement passés sous les radars malgré d’évidentes qualités. Dans The Eyes of My Mother, il auscultait la psyché d’une femme, traumatisée par sa mère et portée sur le découpage d’êtres humains, avant d’adapter Murakami avec Piercing, conte pervers ou John Abbott et Mia Wasikowska entamaient une danse cruelle et éreintante. Des qualités et un amour des tordus qu'on retrouve dans sa réinterprétation de The Grudge (Ju-on chez nos amis nippons).

 

photo, Lin Shaye"Qui veut du caaaaaaaaaaaaaaaake ?"

 

Amateur d’une image organique, épousant les contours changeants de personnages perturbés, et chroniqueur efficace de névroses profondes, Pesce semblait tout indiqué pour narrer une histoire d’esprit mauvais, que son ressentiment et sa colère poussent à détruire quiconque l’approche. Et à plusieurs égards, The Grudge témoigne des efforts de son metteur en scène pour s’approprier le matériau. Avec sa photographie tirant sur un jaune cendré, volontiers putrescent, Zack Galler offre à la caméra une image perpétuellement inquiétante, permettant aux amples mouvements d’appareils d’établir une atmosphère particulièrement étouffante.

Cette dernière devient quasiment palpable lorsque les personnages interprétés par Andrea Riseborough et Lin Shaye entrent en scène. Entre la flic essorée au regard incandescent et la vieille dame glissant progressivement dans une folie aussi contagieuse que « gourmande », on assiste à un échange touchant et inquiétant, les névroses de l’une glissant progressivement sur l’autre. Signe qu’à nouveau Pesce accorde une grande importance à son casting féminin, la travailleuse sociale jouée par Jacki Weaver n’est pas en reste, et certains plans jouent admirablement de son expressivité pour bâtir une atmosphère d’inquiétante étrangeté prête à déraper à tout moment.

 

photoIl était temps de le prendre ce bain

 

MÊME PAS PEUR

Mais si The Grudge se révèle efficace quand il s’agit de composer de belles images, ou tout simplement dévoiler les conséquences de la malédiction au cœur de son récit, le film manque de s’écrouler quand il doit construire une véritable intrigue. Multipliant les lieux, les intrigues et les personnages (quand seuls deux d’entre eux sont vraiment le moteur de l’action), ainsi que les lignes temporelles, le scénario se complexifie inutilement, et donne l’impression de vouloir masquer sa simplicité derrière un écran de fumée aussi irritant qu’artificiel.

Un écueil qui ruine en partie nos efforts d'implication émotionnelle ou d'identification, tantôt par des ellipses lourdingues, tantôt par des facilités scénaristiques rageantes. Qu'on passe trop vite sur la démence du personnage de Lin Shaye pour nous introduire de nouveaux protagonistes est un des nombreux mauvais embranchements d'un scénario qui n'en manque pas, osant ici et là nous expliquer que l'inspecteur Goodman (Demian Bichir) a bossé des mois sur une enquête sans jamais se rendre sur le lieu du crime. Dans ces égarements, il faut toute l'implication du réalisateur pour empêcher le cerveau du spectateur de fondre.

 

photo"Coucou c'est la petite souris !"

 

Plus problématique : malgré de belles séquences d’expositions et des moments d’angoisses où se mêlent un sens lancinant de l’attente et le dévoilement de corps suppliciés, le film semble régulièrement échapper à son auteur. Les citations issues directement de la J-horror semblent curieusement datées, greffées à l’ensemble sans véritable cohérence ou sans jamais avoir été pensées pour s’intégrer dans la palette chromatique développée par Pesce.

Enfin, le film oublie souvent la réussite de ses séquences d’effroi, pour aller à fond dans le jumpscare et le sursaut de supermarché, sans jamais véritablement maîtriser ces effets, qui alourdissent cruellement l’ensemble.

 

affiche française

Résumé

Nicolas Pesce sait composer de belles images et propose de plaisantes bouffées d'angoisse. Mais les diktats de l'horreur de supermarché et un scénario fastidieux l'empêchent de nous terrifier durablement.

Autre avis Geoffrey Crété
De bons acteurs et une photographie soignée ne peuvent sauver ce film sans aucune âme ni mystère, qui se résume à un ridicule enchaînement de courtes apparitions prévisibles, sans aucun sens du suspense ou de l'angoisse. Un bien triste produit-fantôme.
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Lecteurs

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commentaires
BadTaste
11/01/2020 à 19:38

Les légendes sous les photos sont très drôles. :')

pepe 2
11/01/2020 à 15:00

Lol pas mal

Crazy-night1
11/01/2020 à 14:21

Hâte de pouvoir enfin visionner ce long-métrage qui s'avère être intrigant et captivant !

Numberz
11/01/2020 à 12:35

C'est plus The gruge du coup. Dommage..

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