Gloria Bell : critique Moore is less

Geoffrey Crété | 1 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 1 mai 2019 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Julianne Moore est Gloria Bell dans le film de Sebastián Lelio, qui assure lui-même le remake de son propre film, Gloria, sorti en 2014. L'actrice oscarisée pour Still Alice est de tous les plans, et le film respire, avance et tremble avec elle. Elle est sans surprise excellente, mais le film, nettement moins.

JULIANNE BELLE

Le réalisateur chilien Sebastián Lelio a émergé sur la scène internationale en quelques années. D'abord en 2014 avec Gloria, portrait d'une femme divorcée proche de la soixantaine, en quête d'un second souffle dans sa vie amoureuse et intime. Célébré à Berlin avec un Ours d'argent de la meilleure actrice pour Paulina Garcia, le film a été pré-sélectionné pour l'Oscar du meilleur étranger. Rebelote avec Une femme fantastique, Ours d'argent du meilleur scénario à Berlin avant d'empocher la statuette hollywoodienne du meilleur film étranger en 2017.

Naturellement repêché par les studios, Lelio a continué à filmer et raconter les femmes dans Désobéissance, son premier film en anglais, centré sur l'histoire d'amour entre Rachel Weisz et Rachel McAdams. Et dans la foulée, il a accepté de réaliser lui-même le remake de Gloria, intitulé Gloria Bell. La raison était simple et assumée dès l'annonce : Julianne Moore.

Immense actrice à la filmographie riche et passionnante, d'une audace maintes fois éprouvée, Julianne Moore avait bien des raisons de s'intéresser à un tel rôle, sur lequel est bâti tout le film. Sa collaboration avec Sebastián Lelio a donc du sens, pour eux. Mais à l'écran, le résultat n'a pas grand-chose à dire.

 

photo, Julianne Moore Julianne, magnifique, fantastique évidemment

 

L'ELLE DU DÉSIR

C'est bien simple : la raison d'être de Gloria Bell semble être Julianne Moore, et rien d'autre. La caméra la repère et l'attrape dès le premier plan, et ne la lâche plus. Le film ressemble alors à une chronique douce-amère de la solitude, masquée derrière un sourire si doux qu'il en devient peu à peu douloureux à voir. C'est joli et bourré de charme dans un premier temps, le quotidien de Gloria prenant une couleur particulière dans les silences, les attentes, les moments faussement anodins.

Entre le bleu chatoyant d'un club et le soleil doux de Los Angeles, le film baigne dans une atmosphère envoûtante, ensorcelante même. Loin de tomber dans la peinture faussement naturaliste et grise, Sebastián Lelio enveloppe son héroïne dans un halo souvent magnifique, presque irréel. La photographie de Natasha Braier est à saluer, elle qui a travaillé sur The Neon Demon et The Rover, et s'aventure avec brio dans un monde terre-à-terre.

Julianne Moore est alors le soleil du film. Celle qui illumine les images, capte le regard, rayonne sur le monde, discrètement mais sûrement. Son interprétation n'est pas celle de la prouesse ou la démonstration, mais de la finesse - sa voix posée plus basse que d'ordinaire, ses gestes pour marquer la présence de ses lunettes. Et le trop discret John Turturro est étonnant et excellent face à elle.

 

photo, Julianne Moore Superbe photo de Natasha Braier

 

MOORE & MORE

Quel est donc le problème de Gloria Bell Sebastián Lelio semble avoir été aveuglé par Julianne Moore, et la perspective de la filmer, au point qu'il a oublié de donner une autre raison d'être à ce remake. Le film reprend de très, très près le film de 2014, et l'américanisation du décor ne change pas fondamentalement l'histoire et le sens.

Mais au-delà de ce bégaiement attendu, et à peine gênant puisque ce type de remake arrive d'abord pour amener le film à un public qui n'a pas vu (ou envie de voir) la version originale, Gloria Bell manque de substance. En prenant à nouveau le parti pris de simplement observer et suivre cette femme, et l'amener dans des chemins rebattus autour d'une romance finalement accessoire, le film laisse l'impression trop familière d'évoquer, plus que de traiter. La chronique reste trop facile, et sur des rails.

 

photo, Julianne Moore, John TurturroUne romance trop simple et survolée

 

Le film de 2014 avait au moins l'attrait de Paulina Garcia, actrice méconnue qui trouvait un rôle en or pour naître à l'écran. Ici, Julianne Moore n'a plus rien à prouver. Son talent est là, à presque tous les instants, et reste en soit une raison de suivre le cheminement de cette femme. Mais Gloria Bell semble exister uniquement pour le rappeler, le mettre en scène et en lumière.

C'est bien beau, et l'actrice occupe toute la place avec un plaisir évident, d'une confrontation musclée dans la rue à un énième tour de piste. Mais ça ne suffit pas à donner à donner un réel sens au film.

 

Affiche française

Résumé

Faut-il encore démontrer que Julianne Moore est une actrice extraordinaire ? Gloria Bell semble pourtant exister pour le clamer. Pas désagréable ni mauvais, parfois joli et souvent touchant, mais simplement trop facile et limité.

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