Gaston Lagaffe : critique qui sait pourquoi on n'a pas voulu lui montrer le film

Simon Riaux | 22 décembre 2022
Simon Riaux | 22 décembre 2022

Gaston Lagaffe est ce soir à 21h10 sur TF1.

Dans quelques siècles, quand les droïdes qui auront supplanté l’humanité étudieront la bande-dessinée franco-belge, ils regarderont probablement avec désolation leurs adaptations cinématographiques. Ce champ de ruines, qui aura choisi de grands emblèmes de la culture populaire comme agneaux sacrificiels destinés aux prime times de chaînes boulimiques, compte une nouvelle tombe : celle de Gaston Lagaffe, adapté par Pierre-François Martin-Laval, avec Théo Fernandez, dans Gaston Lagaffe.

GAFFE AU NAVET ! 

Le doux dingue inventé par Franquin n’en est pas à sa première profanation. En 1981, Paul Boujenah réalisait Fais gaffe à la gaffe ! qui s’en inspirait déjà. Pétrifiant navet, le film témoignait cruellement des différences fondamentales qui opposent bandes dessinées et cinéma. On ignore si PEF alias Pierre-François Martin-Laval a pris connaissance de la chose, mais il joue malheureusement dans la même cour.

Il se heurte à la difficulté de mêler le rythme rapide du comic strip et celui d’une histoire au long cours. Gaston Lagaffe tente donc d’accoler à un récit convenu une batterie de happenings contenant les motifs de Franquin. Mais jamais les deux ne s’allient organiquement, transformant l’ensemble en un patchwork disharmonieux de sketchs grossiers. Ces derniers s’enchaînent sans la moindre notion de rythme ou de tempo, régulièrement défigurés par des effets spéciaux atroces, quand ce n’est pas carrément un mixage son déficient qui sabote les gags.

Ce ne sont pas non plus les personnages qui pourront sauver le métrage du fiasco. Gaston, écrit comme un héros de la start up nation au devenir de Youtubeur star n’est plus qu’un personnage secondaire (transformer un rêveur anar en obsédé du bio Macron-compatible, il fallait l’oser), qui laisse la place à Prunelle, que joue… Pierre-François Martin-Laval. C’est donc l’acteur-réalisateur qui prend les commandes de la narration, sitôt fini le générique qu’on jurerait sorti d’un numéro du Bigdil sous acides, dénaturant totalement le concept, et la dynamique de l’œuvre de Franquin.

 

PhotoLa légendaire voiture de Gaston

 

IDÉES NOIRES

Que PEF choisisse de phagocyter Gaston Lagaffe est agaçant, mais on se souvient que Alain Chabat ne faisait pas autre chose avec son excellent Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Le problème vient ici du fait que le metteur en scène n’a aucune idée de par où prendre le matériau d’origine, tout comme il est incapable de lui substituer un univers plus personnel.

 

Photo Théo FernandezEt oui, il y a un gag avec une vache qui pète

 

Citer, parfois avec maniaquerie, quelques cases de la bande-dessinée ou inventions du personnage principal ne suffit pas à garantir à l’ensemble une quelconque forme de cohérence esthétique. Des corps en mouvements, des accessoires bricolés et des couleurs criardes enregistrés par une caméra Arri Alexa ne pourront jamais traduire le rendu cartoonesque, fiévreux et enlevé de l’œuvre originale. L’affirmer est d’une banalité sans nom, mais Gaston Lagaffe s’entête pourtant à reproduire à l’écran des gestes qui échouent tous lamentablement sitôt qu’ils quittent leur berceau de papier.

Ce qui achève enfin de rendre le projet odieux n’est autre que son absolu manque de confiance en lui. Conscient peut-être d’avoir si peu à proposer au public de 2018, le métrage s’efforce de dragouiller une audience qu’il est persuadé de connaître. Références bio-écolo en pagaille, modernité greffée sans anesthésie et œillades aux youtubeurs dignes d’une Christine Boutin dopée au vin de messe un jour de Pentecôte, tout dans le film respire un opportunisme rance. Ce Gaston Lagaffe a sur la conscience les souvenirs de plusieurs générations de bédéphiles morts en le visionnant.

 

Affiche

Résumé

Un machin jamais drôle et techniquement honteux, qui plongera les amateurs de Franquin dans le désespoir et rayera durablement le cristallin des plus jeunes.

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commentaires
Mathilde T
23/12/2022 à 18:36

Je n'ai pas aimé les effets spéciaux comme la mouette en cgi ainsi que la fin . Par contre, au risque de paraître trop bon public, le film me parût plus drôle et regardable que les autres adaptations de bd type Boule et bill, Spirou, toto et les profs 2, nettement plus ternes ou lourds avec des acteurs pas forcément au top.

Luci1
22/12/2022 à 20:15

Vu "Fais gaffe à la gaffe" à sa sortie en 1981 et je l'avoue j'en garde un souvenir attendri. C'était un navet, certes, mais sympathique et avec un certain charme. Revu des décennies plus tard et l'effet est toujours le même. Par contre cette première tentative d'adaptation de Gaston établissait clairement que l'exercice était forcément voué à l'échec. Gaston n'est pas adaptable au cinéma ! PEF aurait du le savoir. Son film n'a même pas le charme désuet du film de 1981.

Hectopussy
22/12/2022 à 19:22

J'ai stoppé ma lecture du dvd emprunté à la bibliothèque au moment où "Mam'zelle Jeanne" fait son coup de tête "l'oréal"...

L'adaptation d'un strip paginé passe par l'écriture d'une vraie intrigue.
Avec Gaston, celle-ci pouvait aisément tourner autour de ses inventions et des contrats de Demaesmeker : ce dernier tenterait de s'emparer de l'une des créations contre son gré au moyen de plusieurs manoeuvres, et la naïveté de Lagaffe serait défendue par ses gaffes façon Pierre Richard, mais aussi ses amis Labévue et Laboulette, et Jeanne; dans un 1er temps, Prunelle appuierait les manoeuvres du businessman en espérant lui faire signer ses propres contrats et peut-être même se débarrasser du préposé au courrier au passage, jusqu'à ce que la déontologie du rédacteur en chef et l'esprit optimiste de Gaston l'incitent à l'aider en dernier ressort...L'entrée du personnage dans la boîte serait racontée en parallèle, sous la forme de témoignages contradictoires des autres employés sans qu'une version ferme et définitive ne se dessine (façon Joker du Dark Knight Rises). J'imagine très bien la scène d'ouverture reprendre le sketch de la "caverne de Gaston" parodiant la Moria...

Numberz
24/10/2020 à 07:03

Heureusement ce film a été un sacré tremplin pour la carrière de theo Fernández.

Mokko
23/10/2020 à 17:14

Le film reprend assez bien tous les aspects des bd, je m'attendais a bien pire, j'ai passé un bon moment, un fan-service pas mauvais, le marsupilami était sympa aussi, après chacun ces gouts, la bd restera la meilleur des deux oeuvres.

sylvinception
23/10/2020 à 12:57

*Franquin, sorry...
(retour de karma ? lol)

sylvinception
23/10/2020 à 12:56

Oui ben robins des bois ou pas, ce film est une m*rde, en plus d'être une insulte à la mémoire de Frankin et à son personnage culte.

Miami81
23/10/2020 à 12:23

Ah là là.... vu hier pour la 1ère fois. En évacuant le jeu des acteurs, il n'est pas si mauvais que ça ce film, franchement, je l'ai regardé sans déplaisir. Je suis juste toujours étonné des budgets qui sont parfois alloués.... il y a des gars qui vendent vraiment bien leur projet ou des gars qui ont de l'argent à jeter par les fenêtres.
Après, j'ai lu quelques albums de l'œuvre originale, mais je ne suis pas un grand connaisseur de la BD.

RobinDesBois
23/10/2020 à 00:54

@phil06 merci ! Enfin quelqu'un qui aime et défend les Robins. Ils sont pour moi la meilleure troupe comique Française. Après on adhère ou pas à leurs délires mais moi ils m'ont fait pleurer de rire à l'époque comédie-canal+ et ont contribué à rendre mon adolescence moins morne. Et c'était pas seulement drôle c'était un vrai spectacle qu'il proposait à travers leurs sketchs: cascades, déguisements, décors (démolissable) , musique, galerie de personnage récurrents tous plus barrés les uns que les autres, humour loufoque et absurde insituable, pièces de théatres (la cape et l'épée), ils poussaient leurs délires à leur paroxysme jusqu'à atteindre un état d'exaltation.

Dirty Harry
14/08/2020 à 16:36

@ Beyond : je pense que la seule adaptation réussie de Gaston Lagaffe (en dehors des deux adaptations catastrophiques dont cette dernière vient rejoindre le précédent du frère de Boujenah) est le film "Libre et assoupi" : on y retrouve l'idée de la paresse poussée à son paroxysme mais sans les inventions (l'esprit et pas la lettre).

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