Outlaw King : critique qui a un Brave Heart

Simon Riaux | 8 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 8 novembre 2018 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Excellent réalisateur révélé avec Young AdamMy name is Hallam Foe ou encore Perfect Sense, reconnu à sa juste valeur grâce aux succès critique de Les Poings contre les murs et Comancheria, David MacKenzie est de ces artistes qui se soucient plus d’épouser le style qui servira le mieux leur récit, plutôt que d’y inscrire leur signature au burin. On était donc très impatients de découvrir comment il allait investir le récit de la bataille menée par l’Ecosse pour son indépendance, dans Outlaw King avec Chris Pine, disponible dès le 9 novembre 2018 sur Netflix.

BLOODY HEART

Démarrant alors que se jouent les dernières heures du Braveheart de Mel Gibson, Outlaw King raconte une toute autre histoire, autrement moins hollywoodienne. Oubliez les belles idées de révolte et le romantisme révolutionnaire : il sera ici question du poids de l’humiliation, de la souffrance des hommes, et des bouffées de violence que génère inévitablement un désir d’émancipation malmené.

Autant de thèmes que David MacKenzie a toujours abordé avec un rapport éminemment organique, essentiel dans son montage comme son découpage. Des peaux halées de Toy Boy aux riffs électriques de Rock' n' love, en passant par les espaces écrasants des Poings contre les murs, c’était déjà l’assujettissement des corps et la violence infligée aux petits que filmait Mackenzie, qu’il magnifiait dans Comancheria, avant de lui donner aujourd’hui un tour éminemment politique.

Car c’est là la grande force de Outlaw King : débarrasser le mythe de ses oripeaux de super-production, délaisser les plans de grue et autres images iconiques des Highlands (on n'en compte même pas une demi-douzaine dans le métrage) pour ramener ce morceau d’histoire au niveau du sol. C’est un récit de douleur, de rébellion, mais qui ne s’encombre jamais des ors de la couronne, lui préférant la boue, les cottes de maille trouées et les plaies béantes.

 

photo, Stephen DillaneStephen Dillane, un roi d'Angleterre pas trop porté sur la diplomatie

 

RÉVOLUTION DECAPITEE

Mackenzie cherche ici la chronique médiévale, et nous l’indique brillamment dès son ouverture : un plan séquence à la fois impressionnant techniquement (qui joue avec habileté sur les variations de perspective, de composition, mais surtout de lumière), et thématiquement parfait, en cela qu’il résume instantanément tous les enjeux des deux heures à venir.

 

photo,  Chris Pine Chris Pine

 

Dès lors, le scénario et la mise en scène nous happent, logiquement, simplement, qu’ils traitent du quotidien d’un peuple violenté (l’exposition des restes de Wallace) ou de la propagation simultanée de la colère et de la répression. Face à la déconcertante simplicité avec laquelle Mackenzie nous plonge dans cette guérilla impitoyable, on ne peut que regretter que suite aux retours glaciaux de Toronto, le film ait été amputé d’une vingtaine de minutes.

On sent à l'évidence que les personnages, excellemment caractérisés, ont souffert de ces transformations, tant les soubresauts émotionnels qui les assaillent semblent parfois relégués au hors-champ. Voilà qui agace d'autant plus que David MacKenzie  a toujours été un metteur en scène du tourment intérieur et de son explosion, comme en témoigne le premier acte de vendetta révolutionnaire de Robert Bruce (Chris Pine, parfait en meneur dépassé par ses propres valeurs) au coeur d'un lieu sacré, qui le condamne soudain à l'action.

 

photo, Chris PineChris Pine, à 1000 mille lieues de Mel Gibson

 

Si nous n’avons pas pu découvrir la version originale du réalisateur, tout indique que la politique de Netflix ne sera pas de proposer d’alternative à ce montage censé être plus dynamique. Et si dynamisme il y a, on sent bien comme le temps long, l’étirement propre à l’auteur, manquent ici, et comme le projet a été redécoupé pour satisfaire un spectateur hypothétiquement sujet au zapping, puisque devant un écran, et non une salle de cinéma. Un choix regrettable, quand bien même il n’empêche pas d’apprécier Outlaw King.

 

Affiche

Résumé

On regrettera de découvrir le nouveau film du réalisateur de Comancheria dans une version estropiée, quand bien même il demeure un récit médiéval incarné, organique et passionnant.

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Lecteurs

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commentaires
Thierry
19/11/2018 à 20:21

Magnifique. Un grand film à l'égal d'un Annihilation, autre coup de maître de Netflix. La photo est époustouflante de beauté, la tonalité shakespearienne, la composition des plans toujours parfaitement maîtrisée, les couleurs en myriades, la lumière grandiose, avec des acteurs vraiment bien dirigés. Un régal de film. Bravo. 100% bravo. ????

Hasgarn
11/11/2018 à 23:31

Et c’est un carton plein.
J’ai adoré !

Hasgarn
11/11/2018 à 10:45

J’ai commencé à le regarder hier soir et franchement, on sent que le film a été raccourci. Des passages perdent de leur substance à cause d’un montage rythmé sur un métronome au lieu d’une symphonie.
Ceci dit, c’est un excellent film vraiment magnifiquement interprété et c’est vraiment parce qu’il était tard que j’ai dû mettre pause…
J’y retourne ce soir !

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