Le Rire de madame Lin : Critique

Chris Huby | 18 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Chris Huby | 18 décembre 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Le cinéma chinois social n’en finit plus de s’exporter hors de son pays. Le Rire de madame Lin ne fait pas exception à la règle par le biais du distributeur français Sophie Dulac qui nous permet de découvrir le premier long-métrage du réalisateur. La dernière génération des cinéastes locaux se penche de plus en plus sur les changements sociaux en cours, souvent problématiques, suivant le choix complexe de Jia Zhang-ke et mettant souvent leurs idées en opposition à celles des autorités de Pékin. Zhang Tao apporte indéniablement une touche particulière à ce mouvement.

RIRE JAUNE...

Dans un village du Shandong, une vieille Chinoise fait une chute. A la suite de celle-ci, sa famille s’empresse de vouloir la faire interner dans un hospice. La trame suivra une famille dans un petit village de la grande province du Shandong, au sud de Pékin. Le cinéaste, originaire du coin, déroule une réflexion sur le grand bouleversement opéré depuis des années sur les mentalités de la jeunesse. Le propos évoque l’ennui et la volonté de mouvement, le changement et donc les moyens mis en œuvre pour que ceux-ci soient concrets.

Le personnage de la vieille dame fait déjà partie d’un autre temps, celui où les générations plus jeunes s’occupaient des anciens. La Chine, pays ancestral, a toujours cultivé le groupe et l’intérêt pour le savoir des personnes âgées – pays de transmission, les vieux ont toujours été essentiels à la construction de la culture. Mais depuis quelques dizaines années, les grandes villes subissent un afflux constant de la jeunesse issue des provinces les plus démunies, résultat de la politique de libération des terres. Or, le pays compte presque 900 millions de paysans, ce qui représente un souci évident de migration, de changement rapide et de transformation obligatoire de société, quitte à en sacrifier les plus fragiles.

 

Photo Last Laugh

 

...BILLETS VERTS

L’élément moteur devient alors, comme partout, celui de l’argent. Et donc de la survie. L’une des scènes est emblématique du discours du réalisateur Zhang Tao. Alors que la veille dame, interprétée par Yu Fenguyan, donne 50 Yuan à sa petite fille pour aller s’acheter une poupée, elle est obligée de se justifier quelques scènes plus tard, traitée de voleuse par sa propre famille qui voit en ce geste un égoïsme sans réflexion.

De cette séquence, le metteur en scène met en avant la fin d’un partage familial naturel, pour ne pas dire clanique, ainsi que l’infantilisation des vieilles personnes qui, au regard de cette scène, n’en deviennent que des poids dont il faut se débarrasser. Le fond est là, à peine démonstratif, mais tel est le message du film : la société chinoise se divise et met à mal ses racines. Il s’agît d’un danger permanent. La nouvelle génération se dirige vers un inconnu trouble et en subira les conséquences.

 

Photo Last laugh

 

Le Rire de madame Lin  est d’une facture sobre, les plans sont longs, humbles, et il se dégage régulièrement une petite lumière émotionnelle lorsque les soubresauts de Madame Lin éclatent, dans un rire étouffé, signe d’un désespoir profond et d’une meurtrissure à la hauteur du drame qui se joue dans le plus grand secret du village. Pour un premier film, la réalisation est absolument maitrisée et le propos est d’une limpidité qui ne laissera pas indifférent. 

 

Affiche française

Résumé

Un premier long-métrage signé Zhang Tao auquel il faut s’intéresser pour peu que l’on connaisse la Chine et ses problématiques. Le cinéaste propose un film important pour son pays et il est fort probable qu’il finisse par développer des réflexions encore plus universelles.

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commentaires
karlito
19/12/2017 à 21:40

Merci de nous faire découvrir un film très intéressant 8)

Edge
19/12/2017 à 08:11

C'est intéressant cette génération de cinéastes chinois qui se penchent (avec talent) sur les changements qui ont lieu dans leur pays.

MystereK
19/12/2017 à 06:45

Très tentant.

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