Test : Cruising - Deluxe Edition

Si techniquement, l'édition DVD de Cruising est une réussite majeure, l'interactivité déçoit non par sa qualité intrinsèque mais plus par rapport à l'attente qu'elle avait suscitée, le film fut longtemps annoncé et sans cesse repoussé et promettait de sortir avec un montage bien différent de celui que l'on connaissait. Il n'en est rien comme le souligne Friedkin dans son commentaire audio : les fameuses 40 minutes de scènes inédites n'ont jamais été retrouvées.

Justement, un commentaire audio de William Friedkin est toujours un événement en soit tant le cinéaste ne manie jamais la langue de bois et se montre extrêmement pédagogue dans sa volonté d'expliciter ce qu'il a voulu faire. Celui de Cruising était sacrement attendu tant le film a fait coulé beaucoup d'encre depuis sa sortie. Ceci explique sûrement la déception une fois écoutés les dires du père William. Ce dernier se contente quasi exclusivement de commenter ce qui se passe à l'écran, de détailler les motivations et pensées de ses personnages. Toutefois, cette sorte de paraphrase cinématographique n'est pas aussi ennuyante que ça tant l'auteur de French connection possède un magnétisme et une conviction dans la voix sans pareil.

Et puis pour en savoir plus sur le film et sa genèse rocambolesque et douloureuse, le DVD propose un supplément de choix, un documentaire en deux parties signé Laurent Bouzereau. S'il laissera sur leur faim les connaisseurs tant il ne fait que survoler les événements, ce making of rétrospective (manquent à l'appel essentiellement Al Pacino et Karen Allen) permettra d'apprendre aux néophytes d'une part à quel point le film s'est inspiré de faits réels et dans quelles conditions épouvantables il fut tourné (l'hostilité de la communauté gay et sa volonté de nuire au bon déroulement du tournage).

Dommage en revanche qu'une nouvelle fois, William Friedkin démontre sa capacité à dire tout et son contraire. A l'image d'un film énigmatique comme bon nombre des autres bandes du cinéaste, on aura bien du mal finalement à connaître la vérité de l'époque. En effet, si désormais, Friedkin avoue dans l'un des deux doc qu'Al Pacino avait parfaitement su capter l'essence de son personnage, laissant à penser que désormais il appréciait la performance du comédien, il est utile de rappeler qu'il y a dix ans, le même homme interviewé par Gilles Boulenger (propos retranscrits dans l'excellent Petit livre de William Friedkin aux éditions Le Cinéphage) déclarait ceci : « Travailler avec Pacino a été l'une des pires expériences professionnelles de ma vie. C'est vraiment un acteur surestimé....J'ai aussi dût lutter constamment contre sa manie d'être hors du personnage. Il a fallu systématiquement que je le force à bien plus intérioriser les réactions de Steve Burns... Je pense qu'il n'a pas sa place dans Cruising. C'est une erreur de casting flagrante. » Sacré Bill !

Quel sacré tour de force technique ! Annoncé en laserdisc NTSC américain à l'époque mais jamais sorti, sans cesse annoncé en DVD sans qu'une date ne soit arrêtée, très rare à la TV, Cruising est un film qui se fait désirer. Le voir dans une copie aussi magnifiquement restaurée est donc un vrai bonheur.

Respectant merveilleusement les tons chromatiques proches du noir & blanc du film, l'image du DVD bénéficie d'une définition plus que remarquable. Le master a été fort joliment nettoyé au point de nous faire oublier que le film a presque 30 ans. Parmi les louanges, on n'oubliera pas la tenue impeccable des contrastes ainsi que la maîtrise de la compression.

Pas de VF ici, il faudra attendre le zone 2 en novembre pour cela. Pour autant, la piste anglaise remixée pour l'occasion en DD 5.1 fait des merveilles. Elle donne une seconde jeunesse au film notamment dans les séquences de bars où la bande originale prend une ampleur inédite.