7 classiques Hollywoodiens chez Universal
Universal vient de poursuivre son édition de grands classiques américains avec sept nouveaux titres qui raviront les cinéphiles de tous bords. Sept films où la plupart des grands genres sont représentés avec la comédie et l'aventure, le mélodrame et le thriller, le film d'espionnage et le suspense, etc.
Ces sept disques permettront de voir ou de revoir de nombreux grands acteurs, souvent à la fin de leur carrière. C'est le cas de Lana Turner qu'on retrouve dans deux de ses derniers rôles, deux films des années 1960, Meurtre sans faire part (Portrait in black) et Madame X. Deux films qui portent également la marque de leur producteur, Ross Hunter davantage que celle des cinéastes. Ross Hunter fût le producteur de quelques uns des grands mélodrames de Douglas Sirk, dont Mirage de la vie déjà avec Lana Turner. Films flamboyants, souvent situés dans un univers riche aux contraintes multiples et à la morale très stricte qui étouffe des personnages manquant cruellement de liberté, ces mélo étaient transcendés par la patte de Sirk qui apportait sa touche au point de lui voir associé cet univers pourtant si codé.
Ce n'est malheureusement pas le cas des deux derniers films cités ci-dessus. Les réalisateurs, respectivement Michael Gordon et David Lowell Rich, semblent nager dans un monde qu'ils ne savent pas pleinement maîtriser, trop centrés sur les acteurs pour se préoccuper réellement du reste. Hunter parvient à recoller chaque pièce de son monde, la famille brisée, l'enfance au centre du problème dans des histoires d'amour complexes, aux ficelles parfois énormes et dont la cruauté est au cœur du récit. Histoires signées par de grands scénaristes comme Ivan Goff et Ben Roberts (plus connus pour avoir créé la série Drôles de dames quelques années plus tard) pour Meurtre sans faire-part. A défaut de choisir, de bons metteurs en scène, Hunter préfèrera prendre les meilleurs techniciens au savoir-faire déjà éprouvé comme Russell Metty à la photographie, par ailleurs splendide, et Frank Skinner à la musique dont on reconnaît un thème déjà utilisé pour Les Amants de Salzbourg dans Madame X., ou Milton Caruth au montage, tous trois déjà à l'œuvre chez Douglas Sirk et ayant participé au succès considérable de Mirage de la vie.
Si Sirk n'était pas reparti pour l'Allemagne en 1958 après ce dernier film, on pourrait légitimement supposer que ces deux films, assez bons mais fortement inégaux, lui auraient été attribués. Et à chaque plan, on se demande ce que le réalisateur allemand aurait pu en faire, et on ne peut qu'être pris de regrets face à ces illusions qui font tout pour reproduire le miracle, sans jamais y parvenir.
Deuxième star sur la fin présente dans les sept films, Joan Crawford, second rôle dans I saw what you did, possible matrice de la série des Souviens toi l'été dernier, 30 ans plus tard même si le scénario est encore plus niais, et c'est pourtant chose difficile à concevoir. Impossible de ne pas revenir sur son réalisateur, William Castle, personnage étonnant et touche à tout. Producteur de Rosemary's Baby, scénariste de La Dame de Shanghai et cinéaste de films Bis, comme La Nuit de tous les mystères, Homicidal ou Le Désosseur de cadavres, il s'est fait connaître par des projections spéciales où il créait des effets dans la salle, squelettes pendus au plafond ou explosions pour accentuer la peur ou les sensations du film.
Ses films font régulièrement référence à certaines oeuvres d'Hitchcok desquelles il s'inspire sans jamais chercher à le cacher. Psychose notamment. La scène de la douche de I saw what you did est affligeante tant elle cherche à copier le maître, et difficile ensuite de ne pas voir dans l'apparition de Joan Crawford une réminiscence de la mère castratrice mais vivante cette fois et dont il va falloir se débarrasser. De même du générique avec la marque des yeux ou l'objet mortel du film, le téléphone, vont nécessairement rappeler Fenêtre sur cour ou Le Crime était presque parfait. Au delà de ces petits hommages, il reste un film mineur, avec quelques petits moments intéressants mais sur lequel on passera vite.
Au delà de l'hommage, Universal ressort par la même occasion deux autres films d'Hitchcock. Un film plus connu, Pas de printemps pour Marnie, et un plus rare mais non moins excellent, Le Rideau déchiré. Deux films tardifs, comme les précédents déjà évoqués puisqu'ils datent de 1964 et 1966. Le premier voit Tippi Hedren et Sean Connery dans une histoire où les problèmes psychologiques sont une fois encore très présents, comme souvent chez le réalisateur. Couleurs, mouvements, montage, tout concourt dans ce film à donner vie à la névrose de la jeune femme pendant que son ami, brutal et à l'opposé de ses rôles de séducteur facile des James Bond, la brutalise et va jusqu'à la violer afin de faire ressortir son passé trouble et qu'elle cherche à oublier.
Marnie est certainement l'un des films les plus machos et brutaux du cinéaste, à l'image de la haine qu'il a dû éprouver pour son actrice lors du tournage qui a refusé ses avances. C'est également la dernière collaboration d'Hitchcock avec Robert Burks son directeur de la photographie et son monteur George Tomasini, qui mourront tous les deux peu après. Le musicien Bernard Hermann ne restera guère plus, quittant Hitchcock après son film suivant, Le Rideau déchiré, pour lequel sa partition sera refusée et remplacée par une musique de John Addison.
Beaucoup moins connu, injustement inconsidéré, comme L'Etau quelques années plus tard, peut-être à cause de leur thématique beaucoup plus politique et ancrée dans une réalité concrète que ses précédentes oeuvres, Le Rideau déchiré reste un film majeur. La ligne directrice du film est le rideau de fer et la guerre froide qui frappe de plein fouet l'occident à cette époque. Film politique teinté d'espionnage, il se situe clairement entre ses films précédents et sa période à venir, entre les codes des grands studios et le savoir faire du retour en Angleterre. Malgré la performance du duo principal, Julie Andrews et Paul Newman, et l'excellente mise en scène d'Hitchcock notamment dans une séquence de filature en bus et une géniale scène de meurtre, le film fût décrié car trop conventionnel comparé aux films du nouvel Hollywood qui arrivaient en force. On retiendra également l'excellent générique, proche de ceux composés par Saul Bass.
Les deux derniers films de cette vague Universal, sont plus anciens et appartiennent clairement à la période classique d'Hollywood. On retrouvera dans En route pour le Maroc réalisé en 1941, Anthony Quinn dans un second rôle et beaucoup plus jeune que dans Meurtre sans faire-part. Sa prestation passe malgré tout à l'arrière plan face au duo génial Bod Hope et Bing Crosby, qui n'en sont pas à leur premier road-movie comique et chanté, auxquels s'ajoute une très belle Dorothy Lamour.
Situés quelque part entre Laurel & Hardy et Jerry Lewis & Dean Martin, beaucoup plus que dans l'approche des autres comiques de leur époque, les manières du duo peuvent par moment se situer dans une veine proche du burlesque mais ils y échappent notamment grâce à leurs dialogues vifs et au chant qui les ramènent vers la screwball comedy. Néanmoins, l'absurde règne souvent en maître dans leur monde enchanteur qui n'a rien de très réaliste malgré quelques décors qui pourraient le laisser croire. Si l'intrigue est simplissime, impossible pour autant de résister à l'ambiance générale et au comique exacerbé de l'ensemble qui donnent naissance à mille rebondissements et à une grande comédie.
La même année, et dans un tout autre genre, Mitchell Leisen réalisait l'un de ses plus grands films avec Par la porte d'or (Hold back the dawn). Un autre trio cette fois mais deux femmes et un homme, pour une histoire d'amour et de manipulation tragique et grandiose écrite par le plus grand duo de scénaristes de l'histoire d'Hollywood, Billy Wilder juste avant qu'il ne passe de l'autre côté de la caméra et Charles Brackett. Si cette histoire n'est pas leur meilleure, mais leur scénario a été revu et corrigé par un Leisen très puissant à l'époque et quelques caprices d'acteurs, elle porte toutefois leur empreinte et elle reste supérieure à un grand nombre écrites sur le même modèle, notamment dans la finesse apportée à la psychologie du protagoniste masculin incarné par Charles Boyer. Ses deux compagnes, Paulette Goddard et Olivia de Havilland, ne sont pas en reste. Le film, qui sera d'ailleurs nominé six fois aux Oscars sans en remporter aucun, porte en lui l'élégance et le faste des oeuvres de son cinéaste aux idées parfois géniales.
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Une chose est certaine, la restauration a été faite, les films étant lavés de tout défaut à l'exception d'une petite poussière de temps à autre mais pratiquement invisible. Seule la définition de certains films pêchent parfois, notamment Tuer n'est pas jouer, au piqué plus faible que les autres. Les lumières sont très bien restituées, notamment dans les deux films d'Hitchcock et dans les film mis en lumière par Russell Metty.
On ne passera cependant pas outre la grosse erreur de l'éditeur, celle des formats. A la limite, trafiquer un 1.85 pour en faire un 1.78, on peut comprendre même si on le regrette pour Madame X, mais que dire des deux Hitchcock et de I Saw what you did proposés en 1.33 mais tournés en 1.85 ? C'est tout simplement lamentable, une pure trahison des œuvres. On peut encore attendre longtemps avoir de les avoir en Zone 2 France dans un format approprié...
SON : 4/5
Les films sont tous proposés dans un DD mono plutôt correct. Forcément l'amplitude du son est par moment un peu faible mais l'ensemble reste bon. Les voix sont toujours correctement mises en valeur et la musique est toujours présente. En outre, la plupart des films possèdent également une VF mais celles-ci sont rarement très bonnes et ne semblent pas avoir été restaurées.
BONUS :
Trois films seulement disposent de compléments.
Les deux Hitchcock avec documentaires ou making-of. Quelques séquences du Rideau déchiré sont également proposées avec la musique de Bernard Hermann (séquences au format 1.85, soulignant davantage le 1.33 ridicule du film). L'ensemble est excellent.
Et une jolie surprise pour En route vers le Maroc qui, contrairement à ce qui est annoncé sur le boitier, est proposé avec quelques petits suppléments. Quelques uns amusants comme un Karaoké et des photos de tournage mais aussi un documentaire sur Bob Hope et une émission de Command performance de 1945 avec ce dernier. Passionnant.