Doctor Strange : rencontre avec le chef décorateur du film, Charles Wood
À l'occasion de la sortie de Doctor Strange en Blu-Ray et DVD, EcranLarge a eu l'occasion de rencontrer Charles Wood, son chef décorateur. Actuellement en poste sur Avengers : Infinity War, l'artisan se livre sur son Art, ses expériences et l'appréhension qui fut parfois la sienne à l'aube de rejoindre Hollywood.
EcranLarge : Le travail de chef décorateur est la fois le plus épanouissant et le plus contraignant des postes sur un tournage. Il participe activement à la mise en place de l'univers mais doit aussi jongler entre ses propres désirs, ceux du réalisateur et souvent du chef opérateur. Quel est le secret d'une bonne entente ?
Charles Wood : Parler. Parfois savoir imposer ses idées, ses opinions. Peu importe les engueulades sur un tournage, l’essentiel est de parler. S’assurer que tout le monde va dans le même sens. C’est précisément là où le bas blesse sur bien des plateaux : le manque de dialogue entre les différentes équipes. Si tout le monde ne tire pas dans le même sens, impossible de poser des bases saines. Donc pour résumer : parler. C’est primordial.
EL : Lorsque l’on regarde votre filmographie, on s’aperçoit qu’avant votre arrivée chez Marvel vous aviez déjà exercé au sein d’une multitude de genres : on retrouve de la comédie familiale (Jumeaux Jumeaux), du drame (Flyboys), de l’adaptation vidéoludique (Mortal Kombat : Destruction Finale) et même de l’hommage aux grandes oeuvres de Walt Disney (The Wonderful World of Disney - Episode Gepetto). Comment décrieriez-vous, grâce à vos deux décennies de carrière, votre évolution artistique personnelle et celle de votre métier ?
CW : (rires) C’est en fait une très bonne question. Pour être honnête, il y a quelques années, j’aurais été terrifié à l’idée de travailler sur un film Marvel. Ils sont d’une si grande ambition qu’ils représentent beaucoup de pression, d’attente autour de soi et donc beaucoup de travail. J'appréhendais aussi beaucoup le fait d'atterrir à Hollywood, moi qui n'avais connu que mon Angleterre natale.
Mais en un sens, c’est aussi tout le sel de ce métier : bâtir ou détruire les uns après les autres les murs nous empêchant d'avancer. Parfois vous arrivez en fin de tournage, vous êtes exténué et vous ne souhaitez que du repos jusqu’à nouvel ordre. Puis vous regardez en arrière et vous vous dites « Wow, ce fut un expérience assez dantesque, j’ai l’impression d’avoir avancé ». Ces films représentent tellement d’attente qu’ils sont compliqués à faire « bien » et c’est pour ça que les liens que l’on tisse sur les tournages s’apparentent souvent à des liens familiaux. A mon sens, c'est tout leur intérêt.
À la vision de de Doctor Strange, le mariage entre esthétique occidentale et asiatique se fait évident, on ressent l’envie de marier la grandiloquence de New York au style plus « wabi-sabi » (minimalisme tourné vers la texture et le naturel) du Japon. Quelles ont été vos influences ? Y’en a-t-il eu des cinématographiques (si oui lesquelles) ?
Je ne vais pas être original : l'essentiel a constitué à prendre un avion et découvrir ces lieux. Aller sur place, étudier la lumière, leur monde, leur culture. Ce fut en revanche une expérience extrêmement immersive, voire extraordinaire. Vous prenez un avion, débarquez pour trois semaines à Katmandou et y prenez une claque à chaque coin de rue. Vous reprenez ensuite un autre avion, rejoignez une nouvelle destination dont vous êtes vierge de tout à priori, et remettez en cause tout ce que vous venez de vivre. En un sens, vous apprenez sur vous, vos certitudes, votre quotidien. Il m'est arrivé de rester béat devant la beauté de certaines de leurs processions funéraires.
Et le plus motivant fut certainement que le studio nous encourageait à vivre ces expériences. Ainsi notre vécu a permi de donner vie au monde de Doctor Strange sur grand écran, et c'est peut-être pour ça qu'il a autant plu.
Les transformations « ésotériques » des décors de Doctor Strange sont le facteur, en grande partie, du succès du film. Les spectateurs et critiques ont salué ces transformations, qui narrativement et esthétiquement, représentaient une maîtrise certaine. De quelle manière avez-vous dû adapter votre travail pour atteindre ces objectifs ?
C’est simple : dès la base, le matériau est bon. On y a forcément mis du notre mais l’univers de Doctor Strange est quelque chose de très intéressant à mettre en image, de très fort. Le script était d’ailleurs très généreux vis à vis de ce que nous allions devoir mettre en place, vraiment permissif. À partir de là, il nous semblait important d’être respectueux avec ce que l’on nous avait mis entre les mains et de faire de notre mieux. Mais clairement, tout est dû au matériau de base : il nous a suffi, pour ne pas nous tromper de route, de respecter l’architecture de ce que l’on nous avait présenté.
Nous parlions tout à l’heure des oeuvres qui ont influencé votre travail sur Doctor Strange. Si aujourd’hui vous deviez remercier ou rendre hommage à des artistes (ou films) qui vous ont donné envie d’exercer ce métier, vous citeriez qui ?
Principalement des artistes avec qui j'ai pu échanger. Je pense à Stéphane Ceretti (ndlr : nommé deux fois pour l'Oscar des meilleurs effets spéciaux), mais il y a bien trop de monde qui pourraient être cités ici. Je suis amoureux de cinéma depuis que je suis petit garçon. Je me souviens de mes déouvertes de Il était une fois dans l'ouest, Midnight Cowboy ou encore Vol au dessus d'un nid de coucou. À cette époque je n'étais pas encore dans l'idée de devenir chef décorateur, mais je voulais faire partie de ce monde de l'imaginaire, de ces histoires. Aujourd'hui, j'ai accompli mon rêve.
24/03/2017 à 23:49
Difficile d'apprécier les décors du film, la photographie étant à mon avis beaucoup trop sombre durant la majeure partie du film...