Flo
20/07/2023 à 12:02

« – Public, vous ne m’avez encore jamais vu quand je m’énerve.
– Très bien Cruise, notre patience a des limites. Vous nous avez soudoyé avec la nostalgie de Top Gun, fait des promesses de grands spectacles, et soutenu « The Flash »… et vous l’avez aussi fait en engueulant vos équipes – vous avez fait avec un pacte avec la Warner, ça ne nous gêne pas, pourvu que ça soit pour qu’on ait une action d’Enfer ! »

Pour résumer mieux les « Mission Impossible », un seul nom… Et ce n’est pas celui de Tom Cruise, enfin pas au début : c’est Alfred Hitchcock.
Comme pour le cinéaste, chaque film est un exercice de style, continuant à peine à explorer des thématiques récurrentes.
L’anglais avait jadis inspiré en bonne partie l’identité des films de James Bond (démiurges criminels bizarres, héros tout le temps en mouvement, sexe et perversité), et un peu celle de la série Mission : Impossible originelle (des professionnels en action, des faux semblants et du méta-cinéma puisqu’il sont l’équivalent d’une équipe de metteurs en scène, comédiens, techniciens…).
Passant sur grand écran, et dans la foulée de la série « …20 après » (qui mettait déjà en scène un chef d’équipe un peu écrasant, et la fin de la Guerre Froide), cette dernière a ajouté du Bond à son pédigrée. Avec la science des cascades et grosses explosions, qui n’ont rien à voir avec le métier d’espion cela dit.
Et un héros plutôt solitaire et autoritaire, prenant littéralement toute l’affiche au détriment de la notion d’équipe. Mais en même temps, fidèle aux tropes hitchcockiens du faux coupable en cavale, de la paranoïa, des Macguffin, des trains… Étrangement chaste par contre, hélas.
Quoiqu’il arrive, tout ça va rester longtemps.

Là où cette grande franchise peut-être considérée comme l’une des meilleures (la meilleure ?) du cinéma commercial, c’est que l’on peut prendre n’importe quel épisode par n’importe quel bout, et y trouver les ordres de lecture qu’on veut :
– On peut se contenter du premier, par l’héritier hitchcockien Brian De Palma, qui a digéré tout son cinéma mais aussi celui de Jules Dassin et Kubrick (parce-que Cruise tournait avec ce dernier juste après ?). Film qui poussait loin l’absurdité – on est à Prague au début, donc chez Kafka, puis à la fin dans un tunnel sous la Manche entièrement mensonger (le TGV ? pas de caténaires ? deux voies parallèles ? un hélicoptère ? c’est quoi ce bin’z !!?). C’était Fou, le casting était terrible, le reformatage de la série était audacieux (disons que le nom de Phelps est comme celui de George Kaplan, puisque Peter Graves n’est pas là), la musique de Danny Elfman était monstrueuse, les moyens techniques à l’avant garde !!
– Et puis on peut s’amuser avec ce téléfilm d’action des années 90, un peu autoparodique pour John Woo, qu’était le deuxième. Contrepoint total au précédent (chaud au lieu de froid etc), créant ainsi un diptyque autour d’un héros encore trop parfait. Et nanti d’un appendice bien marrant avec Ben Stiller (si si, ça compte).
– Considérer aussi le troisième, qui était plus un épisode de série des années 2000, comme un film qui déconstruit (le prologue montre un Cruise en échec total, pour une fois) pour amener à une retraite post-canapé de Oprah. Ou bien bouclant une trilogie à propos d’un Ethan Hunt en quête d’amour, là où les suivants sous l’égide lointaine de JJ Abrams (et la VF désormais fixe de Jean-Philippe Puymartin) le montreront plus en quête d’une famille.
– Ou juste adorer individuellement l’énergie cartoonesque du quatrième de Brad Bird, carburant à la poisse jouissive, malgré un épilogue qui sent la mythomanie (en gros, c’est lui qui aurait exflitré sa femme de… la CIAthologie ?).
– Ou admirer Christopher McQuarrie se creuser la tête avec Cruise pour reformater chaque nouvel épisode – « allez le 5 ça sera un peu du polar, le 6 du Nolan avec bombe nucléaire à la montagne, et ça fera un diptyque avec le même antagoniste… et pourquoi pas ensuite un autre diptyque, qui fera revenir tout le monde ? »
On change de style dans la continuité, on flaire ce qui marche bien dans d’autres films – Bond le fait aussi, depuis toujours. Mais quand on compare le final de « …Rogue Nation » à celui de « …Spectre » (simultanés mais similaires), c’est le premier qui s’en sort le mieux.

Malgré tout, il y a une ligne conceptuelle qui ne bougera pas, et permettra aux films de rester sur des rails solides sans être aussi relous que ceux d’un Bond :
La mèche allumée, le générique spoilant, la musique, les masques etc sont des totems intouchables…
Les cheveux de Cruise alterneront toujours les épisodes entre courts et mi-longs…
Il va courir très vite et faire de la voltige, avec ou sans corde…
Les cascades se répèteront (faire l’araignée, de la varappe, de la moto) mais seront faites d’une autre manière, toute aussi excitante…
Les méchants seront toujours transparents, même s’ils sont sensationnels – comme Owen Davian, Solomon (K)Lane…
Luther sera toujours seul rescapé des débuts, archétype du sage costaud – Benji viendra le suppléer en tant que caution humaine et candide…
Chaque épisode invitera des acteurs plutôt cools, et certains ne seront cantonnés qu’à pas plus de deux volets – Jeremy Renner (c’est toute l’histoire de sa vie), Alec Baldwin…
Ou les verra être la sensation du moment, installé comme récurrent avant de se faire voler la vedette par un autre – Rebecca Ferguson, Vanessa Kirby…
Et tous ces personnages resteront des professionnels sans vie privée, dévoués uniquement à un idéal sauveteur (du Monde…du Cinéma). Comme Cruise, drogué de travail qui ne sait rien faire d’autre, en tout cas publiquement.
Le Batman du Monde réel. De toute façon, chacun des films de Cruise sont aussi des films Sur Cruise.

Mais heureusement, Hitchcock sera toujours là, donc le Cinéma, le grand écran : le 2 refera « Les Enchaînés », on aura du Macguffin (littéralement) dans le 3, « L’homme qui en savait trop » carrément cité dans le 5, encore des trains et des héros qui doivent se débrouiller tous seuls face à une bureaucratie obtuse… Tout change, mais rien ne change.
« Vous êtes une sorte de paradoxe ! »



« Who is Tom Cruise ?
What is Tom Cruise ?
Why is Tom… Cruise ? » (Tom Crooze)

Oui, Pourquoi !!!
Pourquoi ce « …Dead Reckoning partie 1 » suit exactement les mêmes effets de mode que les gros films modernes… et arrive à être bien mieux réussi que la globalité d’entre eux ?? Mieux qu’avec les produits Netflixiens, Batman, Everything everywhere, John Wick, Gunn, Spider-Verse, Indiana Jones, les Fableman (oui, même Spielberg s’est fait avoir) ??? Plus véloce que Avatar en tout cas.

Pourtant il y a toute la panoplie là dedans :
– une portion d’histoire, puisque la suite est déjà prévue.
– une durée exagérée (en même temps, tous les films M:I ont progressivement subit cette inflation budget/temps), rien que dans le prologue d’une demie-heure (redondante). À même de caser plein d’intrigues secondaires, et préparer à un futur visionnage morcelé en streaming.
– et donc plein de bons acteurs là dedans, mais on a l’impression que leurs personnages sont écrits en fonction de leur disponibilité. Et qu’ils ne peuvent jamais mourir.
– un bout de Origin Story, pour ajouter du drama.
– l’esprit de sérieux, parce-qu’on veut dire des choses sur le Monde, quitte à bien appuyer le trait et enfoncer des portes ouvertes, pour les spectateurs pas attentifs.
– de l’action en Dur, pour prouver qu’on est des vrais gens.
– des ruptures de ton, pour prouver qu’on peut aussi être drôle – raté, la majorité du temps.
– de la musique qui se contente de répéter des thèmes, sans beaucoup de variations.
– des références nostalgiques en pagaille, un peu au 2 (on a une voleuse et un rival), mais surtout au premier – Kittridge, les contre-plongées en biais de De Palma (utilisées ici n’importe où et n’importe comment), les tours de pickpocket (jusqu’à l’abus), les surnoms de Luther…
Et on a une fin en queue de poisson.

À l’évocation de Tout ça, et si on ne connaît que trop toutes ces ficelles, on devrait normalement lever les yeux au ciel, soulés devant ce qui ressemblerait plutôt à une énième mini-série pour fans, superficielle et… trop courte.
Alors pourquoi là, non ?
Est-ce une question de point de vue, de bonne humeur du moment, de film bien vendu en amont ?
Est-ce parce-que le côté désordonné du scénario, avec son accumulation de pistes narratives, ses rebondissements incongrus et ses incohérences (la couleur des yeux de Alanna, personne ne le remarque ?) n’est pas si gênante, puisque l’Artificialité fait intrinsèquement partie de cet univers ?
Est-ce juste de la confiance envers cette franchise ciné de 27 ans, à cause de toutes les qualités citées plus haut ?
Ce n’est pas non plus à cause de l’argument filmique, fourre-tout, du « Conceptuel » – il n’y en a pas là dedans.
Surement aussi parce-que il y a la bonne efficacité des scènes de suspense (chassé-croisé à l’aéroport, confrontation en boîte de nuit), et d’action avec des fusillades dans le désert, une rigolote poursuite en Italie, et un final (catastrophe) en train, à se taper les cuisses tellement c’est rocambolesque ! Un spectacle souvent à l’ancienne (on pense aux 60’s, ou même aux 80’s), souvent confiné mais qui a vraiment l’ampleur faite pour le grand écran, sans lourdeurs ni ascétisme forcé (hein, Villeneuve ?). Et dont le rythme vient peu à peu équilibrer la durée.
Mais sûrement aussi pour une raison toute simple : ces personnages là sont des justiciers au service du Bien, et ça se voit.
Clair et net, et c’est Bon.
Pas de costumes/pouvoirs/bon esprit un peu enfantin. Mais il reste cependant la volonté jusqu’au-boutiste, le côté risque-tout, la camaraderie (Hunt dit de plus en plus des phrases rassurantes comme « tout va bien… ça va aller… »), l’optimisme idéaliste mais non dénué d’interrogations sur les limites qu’on doit s’imposer.
Un film Héroïque, n’en déplaise à ceux qui n’y croient pas… eux aussi finiront d’ailleurs par se laisser convaincre (dans le film).

Il semble que c’est tout ce que Cruise et McQuarrie veulent raconter ensemble depuis le 4, avec un héros devenu quasiment mythologique : il ne faut plus juste être sûr (comme le disait jadis Kittridge)… il faut y croire, penser qu’on peut y arriver sans compromissions, sans trahisons. Transcender l’Impossible, et persuader les alliés potentiels – dont le public.
Le fait que le personnage que joue Hayley Atwell (sensation du moment, donc) devienne l’axe central de l’intrigue au fur et à mesure qu’elle comprend ce qui motive cette équipe, et que les poursuivants de Hunt changent progressivement leur regard sur lui… ce n’est pas un hasard. Ça sert le propos.
Le fait que l’on y pourchasse une Intelligence Artificielle, également : il s’agit ici d’un enjeu pour façonner une Réalité dominante, comme ça a existé de tous temps avec des royaumes, des religions, les dictatures.
Opposer alors une entité artificielle et ses apôtres, qui pensent que l’esprit humain peut être programmatique, face à une bande de saltimbanques indépendants, qui croient à l’entraide, au jeu et à l’imprévisible…
Quelle belle métaphore sur le Cinéma de Divertissement ! Même sans prendre en compte les débats du moment à Hollywood (les scribouillards sans imagination n’ont jamais eu besoin d’ordinateurs pour exister).

Voilà enfin un film qui n’a peur de rien, et qui trouve toujours son chemin même s’il « navigue à l’estime »… on n’en pouvait plus d’attendre !
Et en plus, ce n’est même pas un épisode frustrant, il arrive à créer une sensation d’autonomie, de satisfaction immédiate.
Mission encore accomplie, on sera à nouveau là pour la suite des aventures de l’IMF…

Institut Méditerranéen de Formation ?

Geoffrey Crété - Rédaction
19/07/2023 à 17:59

@Ethan

Vous ne comprenez pas les critiques de qui ? Entre le 3,5/5 d'Antoine et tous nos avis plus que mitigés en bas de la critique, on ne sait de qui vous parlez.
On aime Fallout mais on aime aussi beaucoup Rogue Nation, Protocole fantôme, le premier Mission : Impossible, le 3ème... donc on ne saurait être résumé à Fallout.

Ethan
19/07/2023 à 17:53

Vu le film je ne comprends pas vos critiques. En fait je crois que vous aimez fallout pour moi c'est le moins bien : trop long, intrigue réchauffée

Ethan
19/07/2023 à 17:53

Vu le film je ne comprends vos critiques. En fait je crois que vous aimez fallout pour moi c'est le moins bien : trop long, intrigue réchauffée

Morcar
16/07/2023 à 23:50

Pour être bref, je suis d'accord à 100% avec l'avis de Judith. J'étais convaincu après "Fallout" que McQuarrie devait passer la main, celui-ci ayant trouvé la formule parfaite de sa recette avec ce 6e volet, il aurait dû.
Pas que le film soit mauvais, ça reste un bon divertissement, mais on sent que la formule répétée depuis "Le protocole fantôme" s'épuise un peu.

Geoffrey Crété - Rédaction
13/07/2023 à 12:00

@Romain

Oui WTF, parce que je suis le premier étonné par cette mollesse. Mathieu et Judith l'ont ressenti aussi.

Romain
13/07/2023 à 11:47

Cruel manque de rythme Geoffrey, WTF ? Personnellement je trouve que le personnage de Tom Cruise n’est pas assez mis en avant.

Akitrash
12/07/2023 à 20:51

J'ai beaucoup aimé même si je l'ai trouvé un brin moins bon que Fallout... Je pense que je m'attendais à un film nettement plus sombre. Je pense qu'avoir fait trop de tapage autour des principales cascades a cassé l'effet de surprise. Je regette également le traitement donné au personnage de Rebecca Ferguson (bon cela dit elle est annoncé au casting du prochain volet, donc patience) et je n'ai pas vraiment adhéré à ce nouveau triangle amoureux. Au-delà de ça le film reste fun et fonctionne pour ce qu'il est, un film d'action avec Tom Cruise quoi!

Jim Phelps
12/07/2023 à 19:47

Pas accroché du tout sur ce nouveau volet et dégoûté du traitement du personnage Rebecca Ferguson. La bande-son est également insupportable.

Marc
12/07/2023 à 17:07

Les 2h43 de MISSION IMPOSSIBLE 7 on les sent passer malgré de bon Passage de poursuites, Le saut de Ethan de la falaise en parachute la poursuite en voiture en Italie...dans le train.....

Cette bande s'autodétruira dans cinq secondes...

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