Critique : Le Vélo de Ghislain Lambert
Quand le réalisateur du drôlissime Randonneurs,
Philippe Harel retrouve son acteur principal, le trublion génial Benoît
Poelvoorde pour nous raconter une histoire se déroulant dans le milieu du
cyclisme, on s’attend forcement à une sacré tranche de rigolade, sentiment
d’ailleurs renforcé à la vision de la bande-annonce. Or, si effectivement, on
rit à la vision du Vélo de Ghislain Lambert, l’hilarité est moins de
mise que lors de leur précédent opus. Non pas que les gags ne fonctionnent pas
mais tout simplement parce que le propos du film dépasse largement le cadre de
la simple et pure comédie. Voilà un état de fait essentiel à souligner afin de
pouvoir apprécier le film de Philippe Harel à sa juste valeur.
Le vélo de Ghislain Lambert co-écrit par le réalisateur et l’acteur
principal avec l’aide précieuse d’Olivier Dazat (qui a apporté sa connaissance
d’historien du vélo) est avant tout un film qui montre avec une belle justesse
la vie et les mésaventures d’un petit coureur qui se voyait déjà en haut de
l’affiche. On entre donc dans le monde du cyclisme par la petite porte, celle qu’empruntent
des milliers de coureurs comme notre Ghislain Lambert avec la conviction au
fond d’eux de pouvoir prouver qu’ils valent tous quelque chose. Très pédagogue,
le récit parvient de manière étonnante à nous faire comprendre les subtilités
d’un sport que seuls les aficionados du tour de France ont depuis longtemps
assimilé. L’histoire de Ghislain Lambert, c’est donc l’histoire d’un brave gars
qui un jour décide de franchir le pas et d’assouvir sa passion pour le vélo. En
choisissant cet héros quelconque auquel on peut tous s’identifier au lieu du
champion, Philippe Harel raconte une histoire à hauteur d’hommes où le
spectateur peut être tout de suite impliquer, prenant fait et cause pour son
Gishlain et souffrant en même temps que lui devant un parcours en apparence
atypique et semé d’embûches.
Bien sûr, le film repose énormément sur la personnalité et le tempérament de
feu de Benoît Poelvoorde. Dire qu’il porte le film à bout de pédales est un
sacré euphémisme tant le comédien nous fait croire à son personnage de bout en
bout. Bien évidemment, le talent hors normes du bonhomme dans l’art de faire
rire n’est plus à démontrer (la séquence où il est dopé plus que de raison par
son équipier et ami et les conséquences sur sa course nous offre un moment
d’anthologie où l’on rit à gorge déployée) mais là où il continue à nous
surprendre (dans la lignée de ce qu’il avait su faire dans Les convoyeurs
attendent et Les portes de la gloire) c’est dans sa faculté à
émouvoir. Les humiliations, les souffrances endurées par Ghislain Lambert dans
son chemin de croix qu’est sa vie dédiée au vélo, Poelvoorde les sublime à
l’écran et si le ton du récit n’avait pas gardé un certain humour, les larmes
auraient pu couler (on pense notamment à la remise de la coupe lors de la seule
victoire de Lambert où le comédien réussit à montrer l’homme durement touché
dans sa chair).
Dommage en revanche que les autres rôles et on pense en premier lieu à celui de
José Garcia en frère-manager et combinard de Ghislain, soient trop effacés par
rapport à celui du comédien belge. On espérait en effet beaucoup de la
rencontre des deux plus beaux phénomènes comiques du cinéma français (et
belge). Leur tempérament de feu, leur tchache et leur sens de la dérision
pouvaient nous offrir une ribambelle de scènes loufoques et hilarantes mais de
ça, Harel n’en a point voulu sacrifiant d’ailleurs José Garcia durant une
grande partie du récit. Frustrant !
Il ne faut toutefois pas bouder le plaisir car malgré des longueurs évidentes, Le
vélo de Ghislain Lambert nous fait visiter avec humour, tendresse et
lucidité l’envers du décor, l’univers du sportif de base, celui qui va jusqu’au
bout de lui même tout en étant conscient de ses limites. Se faisant, Philippe
Harel a pris le risque de faire un film qui ne plaira peut être pas
immédiatement mais qui a coup sûr saura toucher la part d’humain et de
compassion qui sommeille en chacun de nous.
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