Series mania : la sélection américaine

Nicolas Thys | 5 mai 2014
Nicolas Thys | 5 mai 2014

Pour résumer, on espérait mieux des Etats-Unis. Sur quatorze titres présentés, on a surtout eu droit à quelques répétitions, plusieurs fausses bonnes idées et certaines choses désuètes avant même d'être créées. Si la production d'outre-Atlantique domine le marché des séries depuis un grand nombre d'années, plus on en voit, plus on perçoit également ses ficelles et rouages et son éternel formatage à l'image de ce qu'on a pu constater dans la première moitié de la saison 4 de Walking dead.

Heureusement certaines s'en tirent avec les honneurs, c'est notamment le cas de Rectify et de Ray Donovan sur lesquelles on s'attardera plus bas. D'autres, auxquelles on associe des noms importants comme James Gray qui a réalisé le premier épisode de Red road, possèdent un certain intérêt formel à défaut d'avoir une histoire réellement palpitante. On a aussi droit aux séries communautaires à l'image de Looking. Réalisée et scénarisée par Andrew Haigh, la série ressemble à son premier long : Week-end à la réalisation impeccable mais qui fait office de somnifère et à part apprendre que les gays de San Francisco ont une existence aussi chiante que les hétéros ailleurs, elle ne sert à rien.

 


 

Toutefois, un constat s'impose : les producteurs semblent de moins en moins enclins à vouloir des saisons longues de 22 ou 24 épisodes et la plupart des shows présentés ici comportent 6 ou 8 épisodes, parfois 12 mais rarement davantage. On se dirige peut-être vers une nouvelle mode qui serait davantage celle de la mini-série qui pourra être prolongée sur plusieurs saisons que du développement à rallonge avec l'inéluctable affaiblissement qu'on voit apparaitre après 4 ou 5 saisons (au mieux). La plus susceptible d'aboutir à ce résultat est peut-être Believe, le nouvel opus d'Alfonso Cuaron avec J.J. Abrams à la production. Les deux premiers épisodes sont entrainants, mystérieux et on y retrouve clairement la patte des deux hommes avec une road-serie aux accents fantastiques dont une préado est l'héroïne. On retrouve avec plaisir Kyle McLachlan mais on ne peut s'empêcher de penser que si l'ensemble tarde à trouver une résolution, on finira par s'ennuyer ou courir à la déception...

 

Ray Donovan et Rectify

Les deux séries sont à la fois très différentes mais elles ont beaucoup en commun. La première dresse le portrait d'un « fixeur », c'est-à-dire de quelqu'un qui est chargé à Los Angeles de gérer les problèmes et l'image des stars afin de tout arranger. La séquence initiale donne le ton avec un sportif célèbre qui se réveille dans un hôtel à côté d'une femme morte d'une overdose pendant la nuit. La seconde montre le retour chez lui d'un homme arrêté et condamné à mort pour le viol et le meurtre de sa petite amie 19 ans plus tôt, alors qu'il était adolescent, alors que de nouvelles preuves ADN pourraient le disculper. Elles sont portées par un personnage principal fort. Certes, Ray Donovan respire la force brute et à l'esprit accaparé de tous les côtés et n'a rien à voir avec l'ex-taulard de Rectify, perdu et fragile, qui cherche quelques points de repères dans un monde qu'il reconnait à peine. Mais les deux hommes ont ceci de forts qu'ils gardent en eux un mystère indéchiffrable, une fêlure ancienne et que l'empathie gagne assez facilement le spectateur, d'une manière différente mais qui pourrait être complémentaire.

 


 

Les deux sont également pris aux pièges d'un espace qui semble hostile. Si Ray maîtrise un Los Angeles aux allures gigantesques, la ville parvient toutefois à le submerger et les distances énormes auxquelles il est confronté font office de frein à son existence en dehors du travail. Imaginée par Ray McKinnon, qu'on connait comme acteur de Deadwood ou Mud, Rectify se déroule dans l'Amérique profonde, un paysage à la fois connu et en apparence minuscule mais qui regorge d'endroits méconnus et de pièges insoupçonnés. Ses habitants semblent perclus dans une fureur conservatrice qui torture bien plus que n'importe quel meurtrier ne pourrait le faire et les mentalités pourries donnent aux lieux une angoisse qu'ils ne devraient guère avoir.

Enfin, si les séries se rejoignent c'est sur les relations humaines. Rarement on aura vu aux Etats-Unis des séries TV aussi fortes dans la représentation d'individus perdus. Les familles sont délitées, envolées, chaque phrase est remplie de non-dits et il leur semble impossible de formuler quoi que ce soit. Chez Ray Donovan, ça passe par des crimes, des coups et une fureur accumulée qui n'aura de cesse d'exploser alors que dans Rectify on est plutôt dans l'implosion, les pleurs, la joie rentrée et la difficulté de communiquer après deux décennies d'absence. Mais les deux séries tentent de réconcilier leur antihéros avec leur milieu, avec les gens qui les entourent, avec leur famille et leurs amis d'une manière très subtile et maîtrisée.

Difficile de savoir si les auteurs réussiront à conserver au fil des saisons cette énergie à la fois contenue et libérée dans les deux figures centrales décrites juste avant mais on l'espère. Et on parie dessus.

Potentiel sur la durée : 5/5

 

 

 

Black sails

Moins subtile que les deux séries précédentes, il était difficile de faire l'impasse sur Black sails. Les amoureux des films de genre ne pourront qu'aimer cette nouvelle production, l'une des toutes premières consacrées à la piraterie. En voyant le nom de Michael Bay apparaitre au générique, le premier réflexe a été la peur mais nul romantisme exacerbé, héros sauveur du monde, effets spéciaux horribles et montage clip ici. Au contraire, même si parfois le scénario n'est pas très fin (la recherche d'un trésor et une île où la seule attraction des hommes sont des prostituées toutes plus belles les unes que les autres et où la seule femme forte a des penchants saphiques), la facture assez réaliste est l'un des gros points forts de la série, de même que la réalisation du premier épisode qui a été laissée à Neil Marshall, auteur de The Descent ou Centurion. L'image des pirates est loin d'être idéalisée ou parfaite et s'ils se montrent parfois monstrueux, ils sont surtout marchands et rivaux les uns des autres. La série est donc éminemment politique et on assiste à des trahisons, des complots et même un vote pour un changement de capitaine. Le navire n'est pas la propriété d'un homme à vie mais sa destitution est possible et ce n'est pas tant son charisme qui mène ses hommes que l'argent qu'il parvient ou non à ramener !

Potentiel sur la durée : 4/5

 


 

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