Sylvester Stallone : Rocky, Rambo... parcours d'un working class hero du cinéma américain

Simon Riaux | 13 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Simon Riaux | 13 janvier 2016 - MAJ : 09/03/2021 15:58

Retour sur la riche carrière de Sylvester Stallone.

 Que de chemin parcouru depuis Peter Biskind, qui voyait en Rocky un film raciste, destiné à rasséréner le public blanc après plusieurs années de perturbantes luttes sociales emmenées par diverses minorités. L'auteur de Mon Hollywood semble aujourd'hui à contre-courant des analyses actuelles, qui commencent timidement à envisager Sylvester Stallone comme un auteur à part entière.

S'il convient encore de le gratifier de ce titre prestigieux du bout des lèvres, les mentalités changent lentement mais sûrement. Mais de quoi Sylvester Stallone est-il donc l'auteur ? Y a-t-il un cinéma de Sylvester Stallone ?

 

 

Photo Sylvester Stallone

Creed

 

POPULAIRE OU POPULISTE ?

 

Comme en témoignent les millions de dollars engrangés par la saga Expendables, il y avait un public désireux de s'offrir un dernier baroud d'honneur en compagnie de ses action men préférés. Le fait que le projet ait été initié par l'un des emblèmes du cinéma d'action et non par un aréopage d'exécutifs en goguettes est tout sauf un hasard. Que cet emblème soit Sylvester Stallone s'avère une évidence.

 

On aura volontiers caricaturé ses fans en un amas de beaufs arriérés, incultes, sensibles plus que de raison à une imagerie viriliste et rétrograde. L'image est cynique, réductrice, mais contient sa part de vérité. Car si le cinéma de Stallone est un cinéma populaire, ce n'est pas parce qu'il flatte les bas instinct d'une plèbe en mal de sueur et de sang, mais bien parce qu'il a fait du peuple son héros et oppose à la folie Reaganienne qui accompagne son époque une conscience de classe ancrée dans son vécu.

 

 

Photo Sylvester Stallone

Le premier Rambo 

 

L'image de Stallone a été profondément bouleversée par les sorties consécutives Rocky Balboa et John Rambo, respectivement en janvier 2007 et février 2008, qui auront permis de réaliser, ou plutôt confirmer, que Sly n'avait jamais fait autre chose que prendre le pouls d'une Amerique à bout de souffle.

 

Deux personnages vénérés par le public, jumeaux complémentaires plus complexes qu'il n'y paraît : le premier est un boxeur loser, le rejeton bâtard d'un Nouvel Hollywood sur le déclin, quand le second est un soldat déshumanisé, dont sa patrie ne sait trop quoi faire, jouant avec sa carcasse avant de réaliser que la Bête n'est pas morte.

 

 

Photo

 

L'AMÉRIQUE QUI SE LÈVE TÔT

 

Ce couple séminal, pensé, écrit et interprété par Sylvester Stallone, donnera le La thématique de tous les films dont il sera à l'initiative. Personnages issus de la classe ouvrière, écrasés par le système, l'institution et en rupture de ban, les avatars de Stallone sont à mille lieues des soldats surhumains incarnés par son concurrent Schwarzenegger, dont l'actuelle décrépitude physique amène à réévaluer la valeur artistique. Le récit de ces luttes fait écho au parcours de leur auteur, forçat du Septième Art qui batailla pour s'y imposer.

 

Le gamin de Hell's kitchen handicapé par une paralysie faciale partielle et un esprit que le système scolaire juge trop lent va lutter corps et âme pour devenir acteur, sans grand succès. Figurant, prêt à tout pour payer les factures (jusqu'à jouer dans un Étalon Italien devenu célèbre), Sly ne perce pas mais se nourrit des personnages, souvent des rebelles, qu'il incarne. 

 

Photo Sylvester Stallone

Rocky is back 

 

Qu'à cela ne tienne, il écrira donc ses propres scénarios. Il signera les dialogues des Mains dans les poches, avant de signer la Taverne de l'enfer, puis de vendre le script de Rocky à Irwin Winkler et Robert Chartoff. À la clef, le succès que l'on connaît, forgé au feu d'un combat suffisamment âpre pour irriguer la suite de sa carrière.

 

Les années 80 et l'impérialisme filmique ne battent pas encore leur plein, Stallone peut imposer F.I.S.T., passionnant récit des luttes syndicales américaines et de leurs compromissions, hanté par la figure du sulfureux Jimmy Hoffa. Engagé et radical, le film ne convainc pas, déjà le vent tourne et l'on exige des muscles de Rocky des combats autrement plus caricaturaux.

 

 

Photo , Sylvester Stallone

Rocky III

 

Malgré les outrances à venir de la saga Balboa et les relectures délirantes que fera Rambo de la politique extérieure des U.S.A. l'artiste conserve jusque dans ses collaborations les moins abouties un solide ancrage populaire. Chauffeur de taxi, camionneur, simple fic (dans Les Faucons de la nuit où son look n'est pas sans évoquer le Pacino de Serpico), Sylvester imprime la pellicule comme un héros de la working class avant toute chose. La persérance, la constance dans l'échec et l'humilité le définissent bien plus qu'une quelconque volonté de puissance.

 

 

K.O. DEBOUT

 

Jusque dans ses plus embarrassants nanars, sa patte de scénariste semble indélébile et constitue souvent l'unique supplément d'âme de productions paresseuses, capitalisant sur leur tête d'affiche. Il en va ainsi de Driven ou encore de Staying Alive, quand Cliffhanger annonce de manière embryonnaire le devenir de la star.

 

En effet, ce héros traumatisé dès l'ouverture du film par la mort d'une femme dont il avait la responsabilité, n'est jamais que la chrysalide du futur Stallone, un personnage en avance sur son auteur, qui n'a pas encore les épaules pour le soutenir. 

 

Photo Sylvester Stallone

Cliffhanger 

 

C'est tout naturellement que ces éléments vont nourrir les œuvres où officient Stallone à la sortie de sa traversée du désert, en 2007. Si le dernier épisode de Rocky a longtemps était envisagé comme la chronique d'une campagne politique où l'ex-boxeur deviendrait candidat au poste de maire, l'époque et l'homme n'en sont plus là. Rocky Balboa se bat pour retrouver un peu de dignité au milieu du champ de ruines d'une existence où surnagent ici et là les épaves de sa gloire passée. Le dernier combat du boxeur touche le public au cœur, mais la chrysalide n'éclora tout à fait qu'avec l'ultime retour de John Rambo.

 

Désespéré, essoré et ultra-violent, le boucher laisse une dernière fois parler la poudre pour le salut d'une militante humanitaire naïve, lui faisant don d'une lucidité zébrée d'éclairs de cordite. Le cinéma d'action de Stallone est arrivé à maturité. Le comédien-scénariste-producteur-réalisateur déclinera alors continuellement ce système de valeurs, simultanément simple et complexe, poétique et barbare, une chanson de geste mettant toujours en scène un vieux briscard, prêt à accorder encore une chance au monde pourri dont il s'est retiré.

 

La femme, élément sacré de l'aventure stallonienne, y joue un rôle déterminant. Progéniture rebelle, passionaria virginale, élève zélée, elle n'est pas un trophée, plus un McGuffin mammaire ou un vulgaire love interest mais l'unique horizon salvateur.

 

John Rambo

 

ALLUMER LE FEU

Sly aime décidément trop ses personnages pour en faire de simples fonctions sommées de faire avancer le récit par à coups mécaniques. Et Homefront de s'imposer comme un parfait condensé de l'univers de l'artiste. Le film avec Jason Statham était à l'origine développé par Stallone comme un nouveau Rambo, et il y est donc crédité comme scénariste. L'histoire s'appuie longuement sur son contexte social, prend toujours le temps de décrire les tenants et aboutissants du script.

 

On aura beau jeu de pointer du doigt les raccourcis narratif qui y abondent ou de moquer la simplicité apparente des motivations des protagonistes, ce serait oublier le soin apporté à la construction psychologique de chacun d'entre eux. Même Winona Ryder, malmenée le temps d'une saillie automobile craspec, y est traitée avec plus d'égards que toutes les bimbos victimes de Michael Bay réunies. Que Jason Statham ait finalement tenu le rôle qui devait échoir à un hypothétique Rambo cinquième du nom n'a rien d'une surprise.

 

 

Photo Jason Statham

Homefront

 

La chaleur de l'acteur, son aura de brute au grand cœur, cette force qu'on imagine d'autant plus herculéenne qu'elle ne s'abat jamais qu'à contre-cœur en font un descendant évident du tigre Balboa, lui qui s'illustra d'abord dans les farces de prolo-gangsters qui firent la gloire éphémère de Guy Ritchie. Quand le working hero semble parti pour un ultime tour des popotes mercantiles (Expendables 3, Match retour...) avant une inéluctable retraite, il prend de toute évidence soin de ne pas laisser son héritage entre n'importe quelles mains. Ainsi assistons-nous en ce début d'année 2014 à l'un des plus discrets, émouvant et sincère passage de flambeau cinématographique que nous ayons vu depuis longtemps.

 

 

Photo Sylvester Stallone

 Expendables 3

 

Dans  CreedSylvester Stallone ne se contente pas de transmettre symboliquement la flamme de Rocky à l'incandescent Michael B. Jordan. Il met également son personnage dans une position qui revient à lui faire définitivement raccrocher les gants (jusqu'à Creed 2). Assumant son âge, son parcours et son héritage plus que n'importe quel autre légende hollywoodienne, il consacre ainsi une nouvelle fois son statut de "working class hero". Le vétéran fatigué, pour ne pas dire agonisant, nous renvoie ainsi aux décennies passées aux côtés de ses personnages mythiques, dans un moment de communion filmique inattendu. Et précieux.

 

Photo Sylvester Stallone Rambo II

Tout savoir sur Sylvester Stallone

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commentaires
Kennedy
07/07/2017 à 12:06

Merci EL de ne pas avoir attendu qu'il ne soit plus de ce monde pour lui faire ce bel hommage.
Je me joins à vous. Joyeux anniversaire Sly, tout mon respect !

Galamoth
07/07/2017 à 09:13

Beau portrait, bravo Écran Large.

the riddler
13/01/2016 à 23:09

Cette année, les piles des sabres laser n'avaient pas été rechargées, James Bondait mou et Terminator refusait d'admettre qu'il avait sérieusement pris la rouille. Mais derrière cette démarche mercantile des plus répugnante, nous pouvions toujours compter sur une vieille gloire du passé. Au delà des références des plus évidentes, Stallone nous revient avec un regard lucide sur lui même et un jeu d'une justesse des plus touchante. Un bien bel hommage à la légende qu'il fut et une réponse respectueuse à ceux qu'il l'ont moqué et humilié au cours des trente dernières années. L'histoire chaotique d'un homme simple et digne qui malgré les erreurs nous a accompagné depuis quatre décennies. Après l'ultime baroud d'honneur sorti il y a 9 ans déjà, Rocky nous livre son chant du cygne. Un message d'adieu ponctué de thèmes forts sur la vie et la transmission. Le temps est le plus grand adversaire et certains savent l'affronter avec grandeur, retenue, majesté et élégance. Les embuches rencontrée par l'acteur, les épreuves traversées par la légende, nous les connaitrons tous. Merci de m'avoir accompagné depuis que je suis tout petit... Merci d'être encore là pour nous livrer une ultime déclaration d'amour...

Liojen
13/01/2016 à 20:06

La petite larme à coulée...
Sly je t'aime!

amen
13/01/2016 à 19:13

amen