Critique : Poil de carotte

Nicolas Thys | 16 mars 2008
Nicolas Thys | 16 mars 2008

Sorti en salles en 1926, Poil de Carotte est la première adaptation du roman de Jules Renard par Julien Duvivier, qui en réalisera une seconde version, parlante et avec Harry Baur dans le rôle de Monsieur Lepic, quelques années plus tard. Le film se situe clairement dans la veine du film « dont le héros est un enfant », à la manière de Visages d'enfants, énorme succès de Jacques Feyder l'année précédente. Outre une trame narrative plutôt bien ficelée, cette première version est dotée d'une mise en scène solide.

 

Pour établir une rapide comparaison avec le roman, les modifications importantes sont minimes et tout à fait opportuns quant au désir du cinéaste d'opposer un paysage montagneux absolument idylliques à une situation familiale monstrueuse. Duvivier se situe en fait entre deux styles en apparence opposés qu'il parvient pourtant à combiner agréablement. D'une part une veine réaliste et naturaliste lancée par André Antoine, réalisateur de l'Hirondelle et la mésange - qui, rappelons le, adapta également Poil de Carotte au théâtre - et d'autre part une veine plus « expressive » et poétique proche des expérimentations plastiques du muet avec quelques relents expressionnistes.

 

L'expressionnisme du corps de la mère qui affiche toute la cruauté et l'horreur de son moi profond sans même avoir besoin de faire la moindre grimace fait face au naturalisme des situations et des personnages et au réalisme des décors naturels car chaque séquence en extérieur est l'occasion pour Duvivier d'insister sur la beauté des paysages dans de sublimes plans d'ensemble. En contrepoint de cette dualité fondamentale, l'imaginaire poétique enfantin est très présent à travers des apparitions fantomatiques ou cauchemardesques liées à la mère et à son domaine : la maison, et une vision amusée et joyeuse libérée de toute contrainte laborieuse dans les jeux et les extérieurs.

 

Duvivier, tout en reprenant à son compte les expérimentations formelles de ces riches années 1920, parvient à représenter de manière tout à fait juste et intuitive le regard d'un enfant martyr sur un monde d'adultes auquel il ne comprend rien.

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