Top science-fiction n°20 : Soleil vert

Vincent Julé | 27 novembre 2009
Vincent Julé | 27 novembre 2009

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible. Après vous avoir proposé notre classement des 31 meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs). La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

 

20 - Soleil vert (1973) de Richard Fleischer

Vincenzo Natali

Stéphane Argentin :

Fulgurant récit d’anticipation à l’origine, Soleil vert se mue peu à peu en un édifiant reflet de l’avenir de l’Humanité en ce début de 21ème siècle.

Thomas Messias :

Un monument anxiogène, peu optimiste à propos de notre avenir commun.

Jean-Noël Nicolau :

Le film a pris un sérieux coup de vieux, mais les scènes sublimes (en particulier le départ d’Edward G. Robinson) n’ont rien perdues de leur force.

 

«  It's the year 2022...

People are still the same.

They'll do anything to get what they need.

And they need SOYLENT GREEN »

 

Des fleurs bercées par le vent, des biches et des cerfs en vadrouille, des oiseaux sur un soleil couchant, des bancs de poissons, des nuages dessinés dans le ciel... il est temps de rentrer à la maison. Les lumières se rallument, le film est fini, Sol Roth est mort et le spectateur anéanti. Qui auraient cru que des images aussi banales, communes, kitsch, vous retourneraient le cœur et vous feraient ressentir, même 35 après, plus que n'importe quel film de Nicolas Hulot ou Yann Arthus-Bertrand, la fin de notre civilisation. Pendant ces quelques minutes, l'humanité toute entière est au chevet de l'acteur Edward G. Robinson. Et Charlton Heston, lui, pleure, pour de vrai. Car son ami lui a dit juste avant, et à lui seul, qu'il était en train de mourir du cancer. Il s'agit de la dernière scène qu'il n'est jamais tourné, s'éteignant neuf jours après la fin du tournage. Soleil vert ne tient pas seulement de la mise en abyme, mais plus encore du cauchemar éveillé !

 

En 2022, les hommes ont épuisé les ressources naturelles. L'industrialisation à outrance est passée par là, et rares sont les terres encore cultivables. Plus problématique encore, la surpopulation avec rien de moins que 40 millions de personnes à New York. Les maisons sont détruites ou squattées, les SDF s'amoncellent dans les rues et la nourriture est devenue une denrée rare ou inaccessible. La plupart survivent alors grâce aux rations produites et distribués par l'entreprise Soylent. Il y a le « soleil rouge », le « soleil jaune » et le petit nouveau, le « soleil vert », plus nutritionnel et plus abordable. Mais il n'y en a jamais assez pour tout le monde, ce qui entraîne émeutes et autres soulèvements. La police est ainsi omniprésente et répressive. Flic de la police new-yorkaise, Robert Thorn vit avec son vieil ami et coéquipier Sol Roth. L'un se rappelle le temps avant l'apocalypse écologique, l'autre a du mal à y croire et donc à s'y intéresser. Lorsqu'il doit enquêter sur le meurtre de William R. Simonson, un dirigeant de la société Soylent Corporation, Robert Thorn ne se doute pas qu'il va découvrir, au péril de sa vie, l'effroyable vérité derrière le « soleil vert » et notre société inhumaine.

 

Aussi culte soit-il aujourd'hui, on peut se demander d'où les distributeurs français ont sorti le titre de Soleil vert. En effet, le « Solylent » du titre original vient de la contraction « soybean-lentil », que l'on peut traduire par « soja-lentille ». Donc, maintenant que la vérité est rétablie, vous pouvez écrire sur le poster de votre chambre ou modifier la fiche film d'Ecran Large avec le vrai titre : Soja-lentille vert ! Il s'agit bien tendu du nom trouvé pour désigner cette  mystérieuse et tentaculaire multinationale de l'agroalimentaire, qui a inventé ces barres vitaminées rectangulaires, lisses, sans saveur, vertes. A l'image de notre société qui les produit, consomme, recyclent, etc... A l'image de ce générique de début qui revisite l'industrialisation de notre monde en photos et en accéléré. C'est Harry Harrison qui a eu l'idée de cette mise en situation aussi réaliste que brutale. Mais qui est Harry Harrison ?

 

C'est lui qui en 1966 écrit le roman de 200 pages Make Room! Make Room! Nous sommes en 1999 à New York et la surpopulation atteint des records. Dans ce monde où il faut « faire de la place », l'auteur dépeint, et défend, en filigrane et à travers plusieurs destins un futur du développement durable et du contrôle des naissances. Des combats qui venaient à peine d'être engagés ou même pensés à l'époque. Presque dix ans plus tard, lorsque Hollywood s'intéresse à son livre, Harry Harrisson a peur que le film ne se fasse pas ou alors qu'il se fasse mal. En effet, la MGM voit dans la surpopulation un enjeu insuffisant pour un film de science-fiction. Le studio et le scénariste Stanley R. Greenberg imposent des thématiques qu'il trouvera au final excellentes, comme l'euthanasie et surtout le cannibalisme. Une idée folle, surréaliste, et qui pourtant fait l'effet d'un miroir déformant brandi au spectateur. Regarde-toi, es-tu prêt à perdre ton humanité pour vivre ? La scène de « suicide » de Edward G. Robinson n'en est que plus belle, désarmante et inouïe. Surtout qu'elle n'était pas prévue à l'origine et que le monteur l'a improvisé avec des stock-shots.

 

Bien que Charlton Heston soit la vedette de Soleil vert, le cœur du film est Edward G. Robinson. Le premier agit, le second pense. Il est les pieds, l'autre la tête. Son 101ème et dernier film. Il le savait, il se savait condamné. Comme lui est Heston avaient déjà travaillé ensemble sur Les 10 Commandements, il avait décidé, au moment le plus symbolique, de lui dire la vérité. Beethoven, Tchaikovsky, Grieg résonnent encore dans la salle et sur la terre. Richard Fleischer savait-il ce qui se jouait dans cette scène ? A l'époque, beaucoup de critiques lui ont reproché d'en faire un peu trop avec Charlton Heston. Il est à presque tous les plans, mais c'est aussi parce que le réalisateur du Voyage fantastique et de 20 000 lieux sous les mers signe un film SF d'aventure héroïque... et tragique. A l'instar du final dans la cathédrale, Soleil vert ne cesse de se refermer sur lui-même, ne laissant passer aucun rayon de soleil ou d'espoir. Anxiogène, malaisé, il est une descente incontrôlable, mais indispensable pour le spectateur, en enfer. Et l'enfer, c'est les autres.

 

« You've gotta tell them! Soylent Green is people! We've gotta stop them somehow ! »

 

  
 

 

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