Top Science-fiction n°31 : Retour vers le futur

Florent Kretz | 16 novembre 2009 - MAJ : 14/12/2023 15:18
Florent Kretz | 16 novembre 2009 - MAJ : 14/12/2023 15:18

Pour lancer le compte à rebours avant l'évènement Avatar qui sortira sur nos écrans le 16 décembre prochain, la rédaction d'Ecran Large a remis le bleu de chauffe et a recommencé à se plonger dans une classement impossible. Après vous avoir proposé notre classement des meilleurs films d'horreur dans l'histoire du cinéma, nous avons opté pour l'univers de la science-fiction et ainsi d'élire ce qui sont pour nous les 31 meilleurs films du genre. La règle de ne pas avoir plus d'un film par cinéaste ne s'applique pas ici (c'était au dessus de nos forces pour certains réalisateurs). La seule règle que l'on a décidé d'appliquer (et qui sera critiquable comme beaucoup de règles) : un film qui était déjà dans notre classement de l'horreur ne pouvait pas réapparaître dans ce nouveau classement.  14 membres de la rédaction ont donc été invités à envoyer leur liste de leurs 70 films préférés. A partir de ces listes, on n'a gardé que les films cités plusieurs fois par chacun d'entre nous. On a alors resoumis la liste finale à un vote pour obtenir le classement final que nous allons vous faire découvrir quotidiennement jusqu'au 16 décembre 2009 qui révèlera le numéro 1 de la rédaction. Un éclairage par jour durant 31 jours sur des incontournables du cinéma de science-fiction.  Et en guest star pour commenter nos choix, on retrouve Vincenzo Natali, le réalisateur de Cube, Cypher, Nothing et du très attendu Splice, étant un parfait ambassadeur du futur de la science-fiction au cinéma.

 

 

31Retour vers le futur (1985) de Robert Zemeckis

 

 

 

Vincenzo Natali : « C'est tellement plus malin qu'il ne le laisse paraître, ou même qu'il n'a le droit de l'être. Il joue des paradoxes temporels avec une telle aisance et noue le tout dans un ruban de Möbius parfait. C'est aussi irrévérencieux et gentiment transgressif dans sa façon d'appréhender le complexe d'Oedipe. LA première fois que je l'ai vu, je commençais à être fatigué des films de Spielberg et j'étais prêt à le détester. Mais il est impossible de ne pas aimer Retour vers le futur. C'est un film parfait. Un de ceux qui vieillira bien avec les années. »

Florent Kretz

Génial, dingue, magistral et absolument culte, un monument du genre qui incarne à lui tout seul une époque ou le divertissement était intelligent! Et quel B.O !

Ilan Ferry :

Souvent imité, jamais égalé, Retour vers le futur fait partie de ces oeuvres cultes qui bercent une vie de cinéphage !

Stéphane Argentin :  

Le fun par excellence au ciné : personnages attachants, mise en scène alerte, répliques et BO mémorables. Culte.

 

 

Passage obligé dans n'importe quelle anthologie se respectant consacrée aux classiques de la science-fiction, succès monstrueux de l'année 1985 et film culte absolu, Retour vers le futur se devait d'être en bonne position dans le classement. D'ailleurs s'il n'est qu'à la trente et unième place, sa position ingrate lui permet tout de même d'être mis en valeur, en détachement du lot, et d'ouvrir les hostilités! Et si quelques trente autres chefs d'œuvre se seront hissés devant lui, ce seront assurément ses atours de divertissement populaire 100% 80's qui l'auront relégué en queue de liste. Pourtant, derrière son énergie tonitruante et ses allures de comédie teenager matinée de science-fiction, Retour vers le futur se révèle être une démonstration implacable de mise en scène et une géniale aventure qui sera source d'inspiration pour beaucoup mais que très rarement égalée... voire jamais!

 

On aura très certainement tout dit sur Retour vers le futur: depuis sa sortie dans le courant des années 80, le métrage n'a cessé de faire des émules. Adulé instantanément et dépassant très vite le titre de film générationnel pour s'inscrire dans les méandres de la culture pop, il ouvrira littéralement les portes de la gloire à son réalisateur Robert Zemeckis et à sa vedette Micheal J. Fox. Car si les deux naviguaient déjà dans les eaux hollywoodiennes depuis quelques temps, leur collaboration restera à jamais dans les annales au risque même de laisser une sacrée ombre sur leur carrière respective. Mais les deux tireront profits de l'expérience, l'un s'imposant comme un metteur en scène consciencieux, le second comme l'une des figures mythiques des années 80. Une consécration évidente aujourd'hui mais pourtant pas assurée à l'époque : la conception du film connaitra moult embûches ! Explications.

 

Lorsque le script de Retour vers le Futur fait son entrée dans les divers bureaux de production, les choses ne sont pas gagnées : loin de là ! Robert Zemeckis, à cette époque, n'a pas encore la réputation de grand réalisateur qu'on lui connait : papa d'une poignée de courts-métrages qu'il a mis en scène à l'université et qui lui a valu un award étudiant (pour Field of Honnor), il s'est vaguement fait remarqué avec ses deux premiers longs-métrages (Crazy Day en 78 et La grosse magouille avec Kurt Russell plus tard) mais est surtout connu pour avoir pondu, avec son compère de toujours Bob Gale, l'histoire du démentiel 1941 de Steven Spielberg. D'ailleurs c'est cette rencontre qui va lui mettre le pied à l'étrier et ce même s'il fréquente le même groupe d'amis composé de George Lucas, John Milius ou encore Brian De Palma. Car depuis quelques temps le duo ne parvient pas vraiment à percer: le scénario qu'ils ont rédigé se fait refouler pour diverses raisons. Inspiré par un délire de Gale (il tente de s'imaginer ami avec son père lorsque celui-ci était adolescent), Retour vers le futur connait tout d'abord un refus catégorique des studios Disney : le fait que le jeune héros, Marty, connaisse une romance avec sa mère trouble véritablement les dirigeants. Retravaillant pour rendre ce rebondissement narratif anecdotique, ils proposent alors une version édulcorée mais essuient un nouvel échec. Pire encore, les autres studios trouvent la trame niaise et peu courageuse comparée à l'humour provocant des teen-movies du moment !

 

Ils sont alors pris en charge par Spielberg, déjà producteur de La grosse magouille, et qui tente d'établir son nom comme marque de fabrique : il accepte que l‘on vende le projet sur son nom et Retour vers le futur est enfin accepté par la Universal qui émet tout de même quelques réserves : d'une part, le script devra être remanié pour des raisons budgétaires. Ensuite, la réalisation sera confiée à une tierce personne. Contraint d'accepter les conditions et désireux de se faire légitimement accepter aux manettes, le duo réécrit tentant d'aller à l'essentiel en s'affranchissant des réelles difficultés. A commencer par la machine à voyager dans le temps: initialement pensée telle un laser puis imaginée en frigo exposé à des radiations atomiques, ils évoquent enfin une simple voiture, la fameuse DeLorean, choisie pour sa plastique futuriste. Les problèmes étant réglés au fur et à mesure, il reste cependant la place de réalisateur à reconquérir: celle-ci est alors convoitée par Leonard Nimoy, mythique Spock, qui se verrait bien faire une pause entre la réalisation de deux volets de Star Trek. Heureusement, il prend du retard sur l'écriture du script de Star Trek IV : Retour sur Terre et il abandonne, la réalisation incombant à Zemeckis ! Surtout que celui-ci a, entre temps, accepté un film de commande passé par Michael Douglas :  A la poursuite du diamant vert est un succès et Zemeckis est accueilli les bras ouverts !

 

 Un réalisateur aux commandes, la production peut commencer. La construction des décors, éléments décisifs de la qualité du métrage, n'est pas un problème puisque Universal met à la disposition de la production ses plateaux extérieurs déjà en place : ainsi le tournage de la plupart des plans extérieurs se déroulera dans le même cadre que celui de Gremlins, autre production estampillée Spielberg. Reprenant fatalement l'ambiance très Capra du film de Dante, la petite ville de Zemeckis, Hill Valey, obtient tout de même une nouvelle Tour de l'horloge, mais totalement identique à celle présente dans Du Silence et des ombres de Robert Mulligan. A une exception près: le carillon a été remplacé par celui présent dans La machine à explorer le temps de George Pal. Quelques références assumées et glissées parmi tant d'autres, les clins d'œil étant légions : Monte là-dessus ! avec Harold Lloyd, Chitty Chitty Bang Bang, C'était demain, Star Wars, plusieurs Kubrick (2001, Orange Mécanique...), quelques uns avec Reagan (La reine de la prairie) ou même ses propres films (The lift)... Zemeckis tend discrètement quelques perches aux cinéphiles. Pour l'anecdote, Reagan lui-même sera tellement fan des allusions faites à sa personne qu'il s'offrira une copie du film et reprendra même la fameuse phrase « Là où on va, on n'a pas besoin de route ! » pour l'un de ses discours.

 

 Avec un budget de 19 millions de dollars et le mentor Spielberg (entouré de sa clique composée de Frank Marshall et Kathleen Kennedy) veillant aux grains , Zemeckis est totalement libre: il impose Christopher Lloyd dans le rôle du Doc Brown alors qu'on lui préfère John Lithgow ou Jeff Goldblum, il fait apparaitre ses connaissances dans le film (Deborah Harmon par exemple). Subsiste tout de même un problème de taille : Marty n'a pas d'interprète. Michael J. Fox, acteur adulé et spécialisé dans les feuilletons à minettes, ne peut se libérer pour le tournage : suite à son apparition dans le tendancieux Class 1984, son image s'est prise un coup et il est obligé de continuer son rôle récurrent dans la série Sacrée famille. Spielberg propose alors C. Thomas Howell avec qui il a déjà collaboré sur E.T, l'extra-terrestre et qui est de plus en plus populaire grâce à des films tels que Outsiders ou L'aube rouge. Peine perdue, Sheinberg, producteur, impose Eric Stoltz. Zemeckis entame le tournage avec celui-ci. Après près de cinq semaines, Stoltz est viré pour différents artistiques et on propose à nouveau à Fox : ce dernier accepte mais, sous contrat, il ne peut abandonner la série sur laquelle il est engagé. Aucun problème, Retour vers le futur sera tourné entre 16h00 et 4h00 du matin, l'acteur passant d'un plateau à l'autre et ne dormant que deux heures par nuit !

 

 Un tournage de folie, le rythme étant pour le peu tendu : se rendant compte de l'impressionnante différence de taille entre Lloyd et Fox, Zemeckis doit abandonner une sous-intrigue pour mieux se consacrer à la mise en scène et plus précisément au travail sur la profondeur de champs, histoire de faire illusion. Au montage, il mise avant tout sur le rythme évinçant à nouveau quelques séquences et parvient à imposer les partitions de son compère Alan Silvestri : Spielberg, détestant les mélodies de celui-ci sur A la poursuite du diamant vert, finit par accepter en entendant l'orchestration de Retour vers le futur de manière anonyme. Reste tout de même Sheinberg qui persiste et qui, convaincu qu'un titre possédant le mot « futur » ne peut fonctionner au box-office, réclame que l'on rebaptise le métrage « L'homme de Pluton ». L'histoire ne lui donnera guère raison puisque le film engrangera plus de 350 millions de dollars à travers le monde le positionnant ainsi en première position devant des mastodontes comme Rocky IV, Rambo: la mission. Retour vers le futur met même la pâté aux autres productions de Spielberg qu'il les réalise (La couleur pourpre) ou pas (Les Goonies) ! Et Zemeckis dans tout ça ? Tandis que la Universal comptait les billets, il entrait à nouveau en production mais cette fois-ci à une nouvelle échelle : celle de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?

 

Et que reste-t-il aujourd'hui de Retour vers le futur ? Si le film est devenu avec le temps un modèle du genre, c'est parce qu'il possède assurément quelques atouts non négligeables : forte de personnages hauts en couleurs, originaux, brillement écrits et auxquels une pléiade d‘acteurs apporte une réelle fraîcheur (parmi lesquels Crispin Glover et Lea Thompson), l'intrigue s'affranchit du sensationnalisme qu'implique généralement le concept du voyage dans le temps pour se consacrer à l'émotion. Finalement, rien de plus impressionnant qu'une rencontre avec ses futurs géniteurs sur fond de carte postale nostalgique des années 50... Paradoxes temporels et aventure œdipienne, c'est à cela qu'est confronté Marty qui amène, par la même occasion, l'âme du rock'n roll dans une Amérique puritaine et rétrograde. Une exaltation et un dynamisme communicatif qui agit directement sur le spectateur.

Pur moment de bonheur, Retour vers le futur se révèle être avec le temps l'une de ces bandes immuables et toujours aussi jubilatoires. Vif, décomplexé, novateur, respectueux, le tour de force de Zemeckis s'impose certainement comme l'une des pépites du cinéma popcorn, une de celles que l'on revoit toujours avec autant de plaisir et ce une à deux fois par an ! Tout comme ses deux suites, toutes deux aussi frappées, et qui forment ainsi l'une des plus brillantes trilogies qui soient, nom de Zeus !

 

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