Critique : Cría cuervos

Nicolas Thys | 20 novembre 2007
Nicolas Thys | 20 novembre 2007

Cria Cuervos est l'un des films sur l'enfance les plus aboutis. Entremêlant trois générations au sein d'une famille marquée par des décès à répétition, un récit délité, à plusieurs niveaux, suit le périple d'Ana et de ses deux sœurs, l'une plus âgée, l'autre plus jeune dans une ambiance petite bourgeoise de la fin de l'époque franquiste.

Se rencontrent et s'affrontent alors l'imaginaire, le réel et le souvenir. Imaginaire d'enfants se dotant d'une carapace fictive pour affronter ce qui les accable : un monde presque surnaturel sans véritable frontière avec le réel où Ana peut retrouver sa mère mais surtout un monde de jeux où toutes trois exorcisent par le théâtre leurs tourments en rejouant l'inquiétante et incompréhensible existence de leurs parents décédés et de leur entourage, se déguisant et se maquillant afin de rendre le tout supportable par le rire.

Le réel fait peur, d'autant qu'elles grandissent et devront affronter tôt ou tard cet univers qu'elles défient. Plus proche du leur, le souvenir et la grand-mère paralytique qui passe ses journées à contempler des photos, derniers articles d'un passé révolu. Pourtant ces deux mondes s'opposent encore quand Ana tente d'imaginer des souvenirs pour son aïeule et que cette dernière, toute sourire en général, réagit plutôt brusquement.

Idem pour la mort et la solitude, au cœur du film. L'enfant est endeuillé à trois reprises : sa mère, son mère et son hamster. Le monde adulte ne peut les atteindre et seule cette dernière mort interpellera la plus petite alors qu'Ana s'amuse d'un mystérieux pouvoir qu'elle croit posséder : le droit de vie et de mort sur quiconque la dérange. Joué par ses sœurs dans une partie de cache-cache, elle l'expérimentera maladroitement et naïvement plus tard.

Le jeu, partie intégrante de l'imaginaire enfantin aide à vivre, à rendre un monde austère et vide plus joyeux et amusant. Opposition d'ailleurs qu'on retrouve dans la forme : des décors vieillis, ternes et stricts face à une caméra très mobile, vivante et prodigue en travellings, zooms et mouvements en tout genre. Tout rappelle une mort à laquelle les enfants tentent d'échapper en la niant, en l'apprivoisant ou en s'en amusant.

Cruelle merveille que cette fable sur la fin du franquisme qui reste un pur chef d'œuvre trente ans après, également le plus beau film de Carlos Saura.

Résumé

Newsletter Ecranlarge
Recevez chaque jour les news, critiques et dossiers essentiels d'Écran Large.

Lecteurs

(0.0)

Votre note ?

commentaires
Aucun commentaire.
votre commentaire