Critique : Général Idi Amin Dada : autoportrait

Nicolas Thys | 28 août 2007
Nicolas Thys | 28 août 2007

Idi Amin Dada est un dictateur africain, démocrate révolutionnaire selon ses propres termes, qui a sévi en Angola dans a presque totalité des années 70. Quelque peu passé aux oubliettes il reste de lui l'image d'un homme imbu de lui même, violent et fou qui se prenait pour le maître à penser de tous les grands de ce monde alors que ces mêmes grands savaient tout juste qui il était. Le film de Barbet Schroeder, incontestablement l'un de ses meilleurs, dresse un portrait saisissant de cet admirateur d'Hitler, antisioniste, et manipulateur invétéré dans ce qui reste un témoignage unique, le tyran ayant rarement accepté de se laisser filmer de cette manière.

Général... est donc à la fois un document précieux, une trace historique à prendre en compte et une tentative réussie de pénétrer l'esprit torturé d'un psychopathe au pouvoir et par là une nouvelle vision, 30 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, de ce qui peut subsister du totalitarisme à l'heure où les pays occidentaux tentaient de réparer leurs propres dégâts délaissant un continent entier ou s'en servant uniquement pour faire fluctuer son économie sans se soucier des dégâts politiques. La séquence de pré-générique décrivant l'état du pays avant et après l'accès au pouvoir d'Amin Dada est frappante de ce point de vue là.

Mais partagé entre des images de l'homme dans sa vie de tous les jours, des entretiens et une voix-off qui rétablit la vérité sur certains points cruciaux, ce portrait peut se voir également comme une réflexion plus générale sur la forme documentaire, abordant des thèmes importants comme la vérité, la manipulation d'image et interrogeant en les mettant au jour directement les dispositifs de mise en scène propre au documentaire, d'une manière différente mais tout aussi percutante que le faisait Chris Marker dans Lettre de Sibérie 20 ans plus tôt. Déjà le titre laisse songeur : non portrait mais autoportrait. À quoi sert donc Barbet Schroeder si le Général réalise son propre autoportrait ? La réponse est simple : il sert de guide au spectateur. En effet dans plusieurs séquences on voit Amin Dada montrer au cameraman ce qu'il doit filmer et par là se mettant lui même en scène avec sa propre voix en toile de fond. On retrouve mêlé à tout cela un autre style documentaire, celui de la reconstitution : le général, désireux de montrer son pouvoir allant jusqu'à mettre en scène avec l'armée de son pays : soldats, hélicoptères, etc... une fausse tentative pour s'emparer d'un territoire ennemi (avec bien entendu un happy-end pour lui et fausse victoire à la clé).

Schroeder se laisse faire dans un premier temps par le dictateur pour ensuite mieux retourner les images contre ce dernier grâce aux quelques mots de commentaire et au relâchement d'Amin Dada qui se sentait en confiance. À l'aide d'anecdotes amusantes ou effrayantes, de questions menant à des contradictions ou à des non-dits explicites, le cinéaste dévoile la face cachée d'un dictateur qui désirait plus que tout contrôler son image comme il contrôlait les médias et son simulacre de gouvernement, et finit par atteindre son but de manière magistrale. L'auto-dénonciation du régime est parfaite et la réflexion sur les pouvoirs de l'image très bonne.

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