Santa Clarita Diet : la comédie gore et cannibale de Netflix vaut-elle le détour ?

Geoffrey Crété | 6 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58
Geoffrey Crété | 6 février 2017 - MAJ : 09/03/2021 15:58

C'est la nouvelle série Netflix : Santa Clarita Diet avec Drew BarrymoreTimothy Olyphant et une dose d'hémoglobine absurde.

Pendant des mois, Santa Clarita Diet n'était qu'un obscur titre de série présent sur le planning de Netflix, avec un synopsis d'une banalité confondante : la vie d'un couple d'agents immobiliers d'une petite banlieue de Californie a priori parfaite prend subitement une direction inattendue. La présence de Drew Barrymore, associée à une quantité effarante de comédies plus ou moins romantiques, laissait présager une simple variation sur la vie maritale.

 

Photo Drew Barrymore, Timothy Olyphant

 

Sauf que Netflix aime surprendre. Stranger Things en est le meilleur exemple, et The OA le dernier en date : le service de streaming désormais incontournable adopte une stragégie marketing basée sur le court terme, avec une promo simple et parfois très tardive, qui brise le mystère et créé l'intérêt sur quelques semaines avant le déballage d'une série.

Santa Clarita Diet a donc révélé son vrai visage à peine un mois avant sa diffusion : celui d'une série comique sur le cannibalisme, centrée sur une Drew Barrymore subitement transformée en sorte de zombie, avide de viande fraîche et de chair humaine. Ainsi, la série créée par Victor Fresco est devenue en un instant un objet nettement moins ordinaire, et évidemment plus intrigant.


 

LES BANLIEUSARDS

Le décor est celui d'une série comique insipide, tendance soap opera : une maison au milieu d'un lotissement aux pelouses trop vertes pour être honnêtes, un couple d'agents immobiliers heureux et parents d'une adolescente, un soleil parfait et une fausse simplicité qui donne à chaque acteur et arrière-plan une artificialité typique.

25 ans de mariage pour Sheila et Joel, cette reine et de roi de promo, aux portes du chaos dès le pilote : elle a des douleurs à l'estomac et une sensation globablement étrange, confirmée lors d'une scène de vomi spectaculaire. Pas le temps ni l'envie d'expliquer ou s'attarder sur le comment ou le pourquoi : les scénaristes avancent vite et sans s'encombrer de détails pour présenter cette Sheila morte-vivante, qui a subitement un besoin irrépressible de manger de la viande fraîche tout en révélant une facette nouvelle de sa personnalité d'ordinaire stricte et ennuyeuse.

Sheila qui tue un personnage secondaire dans le pilote, Joel qui accepte de l'aider à tuer dans le deuxième épisode, un achat en couple d'un congélateur pour stocker et ne pas gaspiller la viande humaine dans le troisième : pour le plus grand plaisir du spectateur attiré par le pitch, Santa Clarita Diet avance vite. Mais pas forcément bien. 

 

ATTENTION LEGERS SPOILERS

 

Photo Drew Barrymore, Timothy Olyphant

  

NOTRE BELLE FAMILLE

Si la série ne s'embarrasse d'aucune subtilité, c'est d'abord pour le meilleur. En 10 épisodes d'une vingtaine de minutes, la série se contrefiche de la logique et la cohérence pour se reposer sur des personnages absurdes et grotesques. La métamorphose de Sheila ne pose au fond aucun problème véritable à Joel, leur fille Abby ou le nerd d'à côté, Eric : ce cauchemar se résume vite à une suite cocasse de péripéties liées à l'aspect pratique de l'horreur (qui manger, comment sélectionner les victimes, comment stocker la viande, trouver le bon mixeur pour se préparer un smoothie de boyaux). Par certains aspects, la série évite ainsi des scènes attendues et rébarbatives pour plonger dans la parodie et le second degré, sans perdre une seconde et ainsi capter l'attention.

Le personnage du voisin policier est très révélateur de la démarche scénaristique : présenté comme la menace claire qui plane sur les héros, il se révèlera n'être qu'un obstacle mineur, finalement évacué pour le plaisir d'emballer quelques scènes joyeusement ridicules.

 

Photo Drew Barrymore

 

DESPERATE WIVE

Il y a donc des moments drôles dans Santa Clarita Diet. Des dialogues amusants ("Pourquoi c'est si dur de trouver quelqu'un à tuer ! A chaque fois que je prends un café, y'a un con qui gueule sur le barman", "J'ai l'impression que t'es Batman... et Robin. Et que je suis Alfred") et des scènes irrésistibles (le passage à la morgue, la discussion sur les couilles de la première victime de Sheila, le running gag de Ramona).

Il y a aussi quelques passages peu ragoutants susceptibles de perturber quelques esprits sensibles, avec du sang et des tripes. Parfois, la série se révèle même particulièrement féroce, comme ce moment autour du problème des poils humains que Sheila ingurgite : Joel décidera alors de raser les jambes du cadavre masculin sous les yeux amoureux de sa femme, en pleine dégustation d'un organe. 

 

Photo Drew Barrymore, Timothy Olyphant

 

HOW I FEED YOUR MOTHER

Santa Clarita Diet souffre néanmoins de sérieux problèmes. Le plus évident : une carcasse de sitcom paresseuse, qui ne fonctionne pas à plein régime. D'où une désagréable impression, dès le pilote, d'un timing comique un peu off, d'un rythme bancal et d'un ton difficile à cerner. Du nombre réduit de décors à la mise en scène en passant par la direction artistique globale, la série manque cruellement de fraîcheur.

C'est aussi parce qu'elle hésite trop à foncer tête la première dans la pure parodie que Santa Clarita Diet convainc à moitié. Pour une scène méchante et cruelle, écrite avec un troisième degré irrésistible, il y en aura trois autres qui sembleront sorties d'une sitcom anonyme et désespérante. Coincés dans cette dynamique étrange, Drew Barrymore et Timothy Olyphant surjouent volontairement ce couple ridicule, mais sans véritablement convaincre, la faute à des dialogues et des situations en grande partie téléphonés. 

 

Photo Drew Barrymore, Timothy Olyphant

 

Le grand écart entre cette enveloppe très stéréotypée et le caractère politiquement incorrect de l'histoire est sans nul doute une volonté assumée. L'idée de corrompre la sitcom en détournant les codes et en jouant avec le genre est certainement drôle. Mais à l'écran, la sauce ne prend pas.

L'un des symptômes de cette non-réussite est cette manie d'insister sur chaque chose, pour faciliter à outrance la lecture du spectateur. Un dialogue voulu percutant ? Un plan sur une grimace de Drew Barrymore. Une situation avec une chute grotesque ? Un couloir de répliques d'un Timothy Olyphant fébrile pour l'appuyer. Le voisin shérif en menace pour les héros ? Il aura régulièrement droit à une scène où il débarque pour commenter une chose, et les fixer d'un air dubitatif.

 

Photo Drew Barrymore

  

A tous les niveaux, cette fadeur se retrouve. Dans l'utilisation ringarde de la petite musique joyeuse pour habiller une scène et combler quelques secondes de vide, dans les sous-intrigues sentimentales, dans les péripéties des adolescents. Dans ce moment où le robot d'Eric finit par fonctionner, ou dans cette scène maladroite où Joel se débat avec son pantalon pendant que Sheila affronte un colosse pour le bouffer.

Dès qu'elle s'écarte des sentiers cannibales, la série se repose sur une mécanique humoristique très ordinaire, voire franchement vieillote. Et la présence de Ruben Fleischer (Bienvenue à Zombieland), réalisateur des deux premiers épisodes, se révèle finalement invisible à l'image.

 

Photo Drew Barrymore

 

MA ZOMBIE BIEN-AIMEE

C'est là la grande déception de Santa Clarita Diet : son incapacité à être aussi intéressante et décalée dans la forme que dans le fond. Au-delà de l'hémoglobine et du prétexte, il ne reste qu'une série comique très ordinaire dans ses personnages, ses décors, ses ficelles. C'est peut-être une volonté très consciente de Netflix, qui cherche à élargir son public. Ou un défi pour les scénaristes, désireux de pervertir le genre. Dans tous les cas, le résultat n'est pas entièrement convaincant.

Une déception d'autant plus grande que Santa Clarita Diet a été créée par Victor Fresco, déjà derrière Better Off Ted, une série comique méconnue mais parfaitement géniale, dotée d'un humour absurde réjouissant. L'apparition dans le dernier épisode de la saison de Portia de Rossi, bien connue des fans d'Ally McBeal et Arrested Development, n'est d'ailleurs pas surprenant : l'actrice avait un rôle sur le même registre dans Better Off Ted.

 

Photo Drew Barrymore, Timothy Olyphant

 

Santa Clarita Diet tente bien d'ouvrir des perspectives dès la conclusion de l'épisode 6, et avec une dimension virale et mythologique amusantes - à défaut d'être véritablement assumés et réussis. Mais le coeur de l'histoire reste indéniablement poli et conventionnel, à l'image de cette scène dans l'épisode 10 où Joel déballe le sens profond de l'aventure (et si ça avait été lui le vrai "mort", endormi dans sa petite vie rangée ?).

Le facteur hémoglobine est sans aucun doute le meilleur argument de la production Netflix. Car derrière son apparence d'objet cruel, la série se révèle clairement moins audacieuse qu'une série comme Weeds, qui commentait le même décor avec une finesse et un humour fabuleux. Ici, il sera surtout question de révéler l'horreur grotesque derrière le vernis de la société parfaite, à la manière d'un Desperate Housewives moins sanglant mais tout aussi sinistre.

Santa Clarita Diet pose certes des questions amusantes (ceux qui acceptent la métamorphose de Sheila dans leur quotidien ne sont-ils pas les vrais monstres ?), mais le ton employé demeure bien trop poli et correct pour donner envie de s'y intéresser, encore.

 

Affiche

 

Tout savoir sur Santa Clarita Diet

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commentaires
postman
13/02/2017 à 17:55

Pas vraiment convaincu.
oui, les persos masculins (Olyphant, le gamin, les voisins) sont marrants mais les persos féminins sont à la ramasse, notamment Barrymore.
Sur 10 épisodes, j'ai du rire 5/6 fois grand max.
Avec un tel pitch, y avait mieux à faire.
Dans le genre, je préfère Braindead, mieux tenue et plus ambitieuse

sylvinception
07/02/2017 à 15:11

"la série manque cruellement de fraîcheur."
looooooooooooooooooool

SMQ
06/02/2017 à 15:40

Moi aussi, je ne me retrouve pas dans cette critique. J'ai adoré du début à la fin, sachant que je ne savais pas trop à quoi m'attendre. C'est drôle, déjanté,je ne trouve pas que les acteurs surjouent, le mari est effectivement le personnage déjanté le plus intéressant, et comme dit @miaoumiaou, si on ne veut pas se prendre la tête, c'est le truc idéal. Bref, j'ai avalé les 10 épisodes ce WE, et la fin laisse clairement la place à une éventuelle saison 2. Chouette !

Jere
06/02/2017 à 12:53

Merde mon tel t9 grrr,
les fautes...
Bref suis d accord avec miaoumiaou

Jere
06/02/2017 à 12:49

Pour ma part j ai vu 3 épisodes et j ai de suite accroché pourtant les stars pas mon truc mais j avoue ça me fais bien marrer... Timothy oxydant et des comme les autres ne surjoues pas pour moi ils sont dans le ton, je retrouve la patte zombie Land... Absurde et jusque au boutiste de situation comiques et désopilante... J adhère à la série, la durée est top... On verra si la fin est. Bonne mais je suis enthousiaste pour le moment...

miaoumiaou
06/02/2017 à 12:41

Honnêtement cette série est très drôle surtout si on a été élevé par la comédie américaine. Les acteurs sont très bons, mention spécial à Timothy Olyphant qui en mari weedé, apeuré par le sang est juste le personnage le plus marrant depuis des lustres dans une série télévisée.
La série contrairement à ce que vous dites, tiens bien la route en mélangeant divers ingrédients comme le soap opéra à la Desperate Housewives, d'horreur à la Zombieland, de films à la How high et même un peu de soupçon d'Izombie dans le déroulement de la série.
On ne voit pas le temps passer avec les épisodes de 26 minutes en moyenne. Une bonne rigolade pour une série qui ne se prend pas la tête car en ce moment la mode est aux séries qui se prennent trop au sérieuses. J'en redemanderais bien une saison 2 et avec plaisir.